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PATRICK ACHI (Ministre et porte-parole du gouvernement Ouattara) : "Evitons les débats juridiques que personne ne comprend"

Publié le mercredi 15 décembre 2010 à 02h09min

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Il a une maîtrise en physiques et mathématiques de l’université d’Abidjan, diplômé de l’école supérieure d’électricité de Paris et titulaire d’un master en management de l’université de Stanford aux Etats-Unis. Lui, c’est Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques dans le gouvernement Guillaume Soro nommé Premier ministre par Alassane Ouattara, à l’issue d’une élection présidentielle très controversée en Côte d’Ivoire. Il a fallu être très patient avec les responsables du service communication et du cabinet du président du RDR pour obtenir ce rendez-vous avec un responsable du RHDP juste dans la soirée du mercredi 8 décembre la veille de notre départ.

Avec Patrick Achi assisté de certains de ses collaborateurs, dont le parti, le PDCI/RDA, a soutenu la candidature de Alassane Ouattara au nom du RHDP et qui était pris entre les réunions et autres rendez-vous, nous avons pu échanger très rapidement autour de la situation actuelle en Côte d’Ivoire et de leur stratégie pour avoir la réalité du pouvoir. C’était au troisième étage de l’hôtel du Golf où le gouvernement du président Alassane Ouattara a élu son quartier général.

Le Pays : Comment analysez-vous la situation actuelle de votre pays qui, selon le constat, enregistre deux présidents à sa tête ?

Patrick Achi : C’est une situation qu’il faut déplorer après avoir passé tant de temps, mis autant de moyens, impliqué tous les acteurs nationaux et internationaux dont le président du Faso, Blaise Compaoré en tant que facilitateur, à préparer cette élection qui fait partie des plus chères au monde. Nous nous attendions à ce qu’au jour des résultats, cette élection ne souffre d’aucune contestation d’aucune partie mais nous avons été surpris de voir la façon dont ils ont été contestés. Il faut aujourd’hui apporter un correctif important sur le fait que les gens parlent de deux présidents puisqu’il n’y en a qu’un seul comme dans tous les pays au monde. Celui-ci, Alassane Ouattara a été élu à la suite des résultats de la Commission électorale indépendante (CEI) qui ont obtenu la certification des Nations unies conformément aux dispositions et aux arrangements qui ont été mis en place d’accord partie entre les acteurs politiques et viennent d’avoir la reconnaissance de l’ONU, de l’Union africaine, de la CEDEAO. Il y a donc un président légitime élu et il y a un président illégitime qui, d’ailleurs, n’en est pas un. Nous souhaitons que cette situation dure le moins longtemps possible.

Malheureusement pour vous, ce président et son gouvernement n’occupent pas les installations de l’Etat de Côte d’Ivoire

Les axes fondamentaux de souveraineté d’un Etat ne sont pas les locaux. Il y a tout ce qui concerne les relations internationales, la diplomatie, les organisations internationales, les ressources financières, les relations financières avec les acteurs nationaux et internationaux avec en plus, ce qui touche à la défense et à la sécurité. Aujourd’hui, le gouvernement légitime gère tout ce qui est relations internationales, diplomatie, ressources financières et est le seul reconnu par les institutions financières. Maintenant, il y a la question liée aux forces de défense et de sécurité pour laquelle, les discussions sont en cours et où les choses vont se faire de façon progressive. Au terme de tout cela, le gouvernement occupera les locaux mais il y avait un choix entre essayer de faire descendre les populations dans les rues en utilisant la force et naturellement arriver à une certaine logique de violence qui va faire des victimes. Déjà sans mot d’ordre, nous sommes depuis quelques jours à cinquante voire soixante victimes. Nous avons connu dix ans de crise avec des violences et des pertes en vie humaine et nous ne voulons pas entamer un nouveau mandat en entrant dans cette même logique mais plutôt dans une logique de paix que nous avons tout fait pour obtenir en organisant cette élection.

Comment expliquez-vous que dans le camp adverse, on nous fait savoir qu’aucun résultat n’a été proclamé en dehors de ceux du Conseil constitutionnel et en plus, la CEI a donné ses résultats hors délai et dans un local qui n’est pas le sien ?

Quand on commence à entrer dans des débats juridiques qui deviennent complexes et que personne ne comprend, c’est qu’on veut éviter le problème de fond. Les populations ivoiriennes sont allées voter et on a eu un taux de participation de 87% au premier tour et 81% au deuxième tour qui est pratiquement du jamais vu au monde. Cela caractérise des gens désireux de voir le changement s’opérer de façon positive parce qu’ils ont trop souffert. La question qu’on se pose aujourd’hui est de savoir qui a eu le plus grand nombre de voix. Le mécanisme de formation des résultats par la CEI se fait à plusieurs niveaux. On commence d’abord dans les bureaux de vote à faire les totaux et s’il y a un problème, cela est mentionné dans le procès-verbal. Quand on arrive au niveau des comités électoraux sous-préfectoraux, on n’en fait pareil pour tous les lieux de vote d’une même

sous-préfecture et après, on va au niveau départemental. Ce sont ces résultats au niveau des régions qui parviennent au central qui ne fait que des totaux. Ainsi, pour avoir les résultats d’un candidat, on totalise les voix et tout le monde reconnaît que le président Alassane Ouattara a 54,10% et on connaît celui de l’autre camp. Il y a le processus de proclamation des résultats avec la CEI qui les donne et elle saisit le Conseil constitutionnel qui examine éventuellement les cas de réclamation avant de les valider ou non. Mais, on nous dit que la CEI aurait dû le faire en trois jours et qu’elle a dépassé ce délai donc le Conseil constitutionnel s’autosaisit pour faire le travail à sa place. C’est un débat juridique sans nom parce qu’au premier tour, les résultats ont été donnés par la CEI à une heure du matin où l’on avait épuisé les trois jours et personne n’a évoqué ce dépassement de délai.

L’autre aspect est que le président Laurent Gbagbo a estimé que de par sa composition la CEI était proche des partis d’opposition qui, à leur tour, ont trouvé que la composition du Conseil constitutionnel était telle qu’il n’y avait que des amis du président de la république sortant. Ainsi, d’accord- partie, nous avons décidé à Prétoria qu’on aurait un arbitre à qui on donnerait tous les procès-verbaux et qui va faire les totaux et, en cas de problème, c’est lui qui certifie. On connaissait bien l’existence de la Constitution et du Conseil constitutionnel lorsqu’on a décidé d’utiliser un arbitre et on vient nous dire autre chose. Il faut relever que les contestations qui ont été faites l’ont été dans des bureaux de vote mais qu’on les y annule et qu’on n’en fasse autant pour les sous-préfectures là où sont ces bureaux de vote mais où a-t-on vu parce qu’il y a un ou deux cas de contestations dans des bureaux de vote, on annule les résultats de tout un département voire une région. Et comme par hasard, on annule dans un nombre de départements suffisant pour que l’écart de voix qui est important de plus de trois cent cinquante mille voix soit annulé. Cela est extrêmement grave et il faut sortir des débats juridiques quand des institutions comme la CEDEAO, l’Union africaine et l’ONU ont reconnu les élections.

Votre espoir pour occuper les locaux et diriger la Côte d’Ivoire se trouve-t-il en la communauté internationale ou avez-vous une autre stratégie ?

Nous ne comptons pas sur la communauté internationale mais sur tout le monde. Il y a dans un premier temps, les Ivoiriens parce que ce sont eux qui ont été aux urnes et sont en train d’être volés et la survie d’une nation tient à la reconnaissance des dirigeants du pays. Aujourd’hui, nous sommes dans un village planétaire où tout le monde est interrelié aux plans économique, financier et commercial. La première des choses, c’est qu’au plan de la diplomatie, le gouvernement en place n’est pas capable de nommer des ambassadeurs dans des pays puisque c’est celui légitime du président Alassane Ouattara qui peut le faire. Ce gouvernement dont on parle ne détient pas les rênes financières puisqu’il n’a aucune autorité dans les relations avec la BCEAO qui est notre institution de monnaie commune ; alors, quelle est sa capacité à gérer les finances d’un pays ?

Ce n’est pas être assis dans des bureaux qui constitue le pouvoir d’un Etat et je dis qu’un des troisièmes pouvoirs importants, ce sont les forces de défense et de sécurité mais les personnes qui y sont connaissent bien la réalité des résultats. En ce qui les concerne et compte tenu des règles qui régissent leur fonctionnement au niveau hiérarchique, ça prend un peu plus de temps pour gérer ces questions puisqu’à quasiment tous les postes de commandement, le président Laurent Gbagbo a nommé ses hommes et on ne change pas les choses aussi rapidement.

Comment expliquez-vous le soutien des forces armées des forces nouvelles au président Alassane Ouattara quand on a encore en mémoire les commentaires au lendemain des événements du 19 septembre 2002 ?

Ce sont des forces ivoiriennes et dans le cadre de l’Accord politique de Ouagadougou, il était prévu que ces deux forces s’intègrent pour devenir une armée unique et dans ce sens un commandement intégré a été mis en place. Ce sont tous des frères d’armes qui se parlent et appartiennent à deux groupes distincts. Il y a un groupe qui reconnaît bien le président Laurent Gbagbo et un autre qui se reconnaît dans le gouvernement légal. A l’intérieur des forces de défense et de sécurité, même s’ils ne l’expriment pas, il y en a qui sont proches de l’un ou de l’autre et comme je le dis, le processus est tel qu’il y a un besoin de discuter, de négocier mais, nous restons sereins, tout en faisant confiance en ces forces qui sont républicaines. Nous n’avons donc aucun doute que calmement, sereinement et dans le temps, elles s’entendront pour reconnaître le seul gouvernement de la république légalement accepté par tous pour constituer la nouvelle armée ivoirienne dont on a besoin pour asseoir un développement dans la stabilité du pays.

Tout cela confirme qu’il n’y avait donc pas de désarmement dans les zones Centre, Nord et Ouest pour véritablement réunifier le pays comme il était prévu avant les élections.

Les accords ne disent pas qu’on désarme pour laisser l’autre armée. On considère qu’il y a deux armées qui sont entrées en conflit et aucune d’elle n’a gagné. Ainsi, dans le cadre du processus de formation d’une armée unique, on cantonne un certain nombre de militaires de part et d’autre qui rentrent dans des camps avec des armes qui sont stockées. Ensuite, il y a une force intégrée constituée des deux forces qui supervise les élections. Les cantonnements ont été faits et les forces sont là mais les armes n’ont pas été retirées.

Qu’aimeriez-vous dire pour rassurer les populations du Burkina et celles surtout de l’intérieur de la Côte d’Ivoire qui sont aussi préoccupées par cette crise qui les affecte au niveau social, des affaires, de l’économie.

Notre message est que la Côte d’Ivoire a toujours été une terre d’accueil, d’hospitalité et de paix. Il est arrivé dans le passé que les contraintes et les contextes politiques ont fait que des dérives ont amené à perdre un peu de cette hospitalité et cela nous a conduits dans des crises dont les conséquences sont là aujourd’hui. Le premier enseignement de cette crise est qu’il faut revenir à jamais à ce qui a fait la force de la Côte d’Ivoire, un pays d’intégration, pôle à l’intérieur de la sous-région ouest-africaine qui tire sa richesse de sa diversité et a des liens importants avec toutes les communautés des pays voisins qui nous entourent, de la CEDEAO et bien d’autres.

Le président Alassane Ouattara et son gouvernement actuel ont bien l’intention de faire à nouveau de la Côte d’Ivoire, cette terre d’hospitalité pour qu’on puisse développer une économie et faire bénéficier à nos populations d’une prospérité qu’elles sont en droit d’attendre. C’était l’un des thèmes majeurs de notre campagne. Que nos frères burkinabè et des autres pays amis soient rassurés parce que nous nous acheminons enfin vers un retour à la normale, à la stabilité et nous nous parlerons en tant que frères et ensemble, nous allons construire notre sous-région et le continent africain.

Propos recueillis à Abidjan par Antoine BATTIONO

Le Pays

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