Entre ce duo, le précipice s’élargit chaque jour pour ne pas dire chaque heure. Et plus on y pense, moins on voit comment ce nœud gordien pourrait bien être tranché sans douleur.

On est d’autant plus enclin à le croire que les deux camps, pour ne pas dire trois si on y ajoute la Communauté internationale, sont allés chacun suffisamment loin pour pouvoir faire machine arrière sans se déculotter.

Lorsque Laurent Gbagbo s’est emparé indûment du pouvoir début décembre 2010, tout en sachant pertinemment qu’il a perdu, il n’ignorait pas que la suite ne serait pas un long fleuve tranquille ;

jusque tard dans la nuit du 28 novembre 2010, Laurent Gbagbo était pratiquement le seul à Jérusalem à ignorer que les résultats, qui tombaient au fur et à mesure, étaient en sa défaveur.

C’est d’ailleurs finalement à l’aube du lundi 29 novembre que l’ex-président ivoirien, transi et abasourdi, se rendra à l’évidence : les 8 sondages commandés par lui-même avaient tout faux. Il n’aura pas gagné l’élection.

Qu’à cela ne tienne, "Seplou" (oiseau guetteur et surnom de Gbagbo et de son village) ne reconnaît pas la vox populi et ne cédera pas, à moins que "Ouattara ne lui passe sur le corps".

Un ADO qui ne veut pas négocier et qui a raison, car, électoralement, il est le vainqueur en toute transparence. Depuis qu’il s’est engagé dans la lutte politique, ADO a payé le prix fort pour être là où il est : trop de privations, de sacrifices, d’humiliations et de militants morts pour lui.

On le voit, ADO n’est plus dans la logique des conciliabules et des messes basses. Entre les deux, une communauté internationale qui, à l’heure actuelle, certes, parle d’une même voix, mais qui n’a pas toujours géré cette situation avec bonheur, car si les oukases et les condamnations de principe fusent partout, le reste tarde à venir.

On a même senti un léger fléchissement langagier à travers les médias internationaux qui parlent volontiers désormais à propos de Gbagbo comme le président "reconnu par le Conseil constitutionnel" et d’ADO comme le président reconnu par la CEI et la Communauté internationale. Simples nuances, diriez-vous ? Mais des nuances tout de même qui donnent à réfléchir.

Même si l’Union européenne vient, elle aussi, d’annoncer des sanctions anti-Gbagbo : interdiction de visa, gel des avoirs financiers. Sur le terrain, le face-à-face, si on n’y prend garde, pourrait glisser vers un corps-à-corps explosif comme l’ont laissé craindre hier 13 décembre, les échauffourées autour de l’hôtel du Golf où siège ADO et dont le périmètre aurait été momentanément bouclé par les forces pro-Gbagbo. Plus que jamais, à Dieu ne plaise, les eaux de la lagune Ebrié risquent d’être troublées.

Mais, puisqu’en toute chose on peut parier sur la sagesse des hommes, gageons qu’en cette affaire, il y aura eu plus de peur que de mal.

Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga