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Wikileaks : Quand Laurent Gbagbo courtisait Alassane Ouattara

Publié le samedi 11 décembre 2010 à 15h32min

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En juillet 2009, Wanda L Nesbitt, ambassadrice des Etats-Unis en Côte d’Ivoire analysait la stratégie électorale de Laurent Gbagbo selon un télégramme diffusé par le site Wikileaks. L’ambassadrice doutait de l’organisation des élections présidentielles en novembre 2009. La raison ? « Il n’y aura pas d’élection jusqu’à ce que le président Gbagbo soit confiant dans la possibilité de les gagner » disait-elle, se basant sur des observations d’analystes locaux. En juillet 2009, Laurent Gbagbo n’était « manifestement pas encore sûr » de remporter les élections poursuivait l’ambassadrice américaine.

Evoquant la stratégie du FPI (Front Populaire Ivoirien, le parti de Laurent Gbagbo), l’ambassadrice américaine écrivait que le FPI, « toujours associé dans l’esprit des gens au groupe ethnique Bété, avait besoin pour s’imposer lors des présidentielles d’’une alliance avec l’un des deux autres grands partis, le PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire) ou le RDR (Rassemblement des Républicains). » Mais le FPI n’a jamais pu s’allier avec un de ces deux partis car l’alliance PDCI – RDR (unis sous la bannière du RHDP, Rassemblement des Houphouëtistes) contre le FPI était extrêmement solide.

"Des sources fiables indiquent que Gbagbo a essayé depuis au moins 2007 de signer un accord avec Alassane Ouattara, président du RDR, mais n’a pas réussi" disait encore le télégramme. N’ayant pas réussi à signer un accord avec Ouattara, Laurent Gbagbo s’est ensuite employé à créer une fissure au sein du PDCI en aidant et en finançant les efforts de Charles Konan Banny de devenir secrétaire général. "Du point de vue du FPI, que Banny réussisse ou non n’a pas grande importance, du moment qu’une partie des électeurs du PDCI aillent ailleurs" précisait l’ambassadrice.

Toujours d’après elle, Laurent Gbagbo à l’époque voulait avoir pour adversaire au second tour Alassane Ouattara. L’analyse de Gbagbo était la suivante : il pensait que les groupes ethniques votant traditionnellement pour le PDCI allaient voter FPI, plutôt que de soutenir le leader du RDR qui avait des liens avec la rébellion. Une analyse qui se révélera finalement erronée comme le montreront les présidentielles 2010 au cours desquelles le report de voix de Konan Bédié en faveur d’Alassane Ouattara a très bien marché.

Une autre raison poussant à croire que les élections n’auraient pas lieu en 2009 était la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, prévu pour août 2010. Selon l’ambassadrice des Etats-Unis, des observateurs astucieux notaient que Gbagbo ne voudrait pas courir le risque de ne pas présider cet événement, d’autant qu’il aime à jouer le rôle de « grand-chef ». La réception du congrès annuel de la BAD (Banque Africaine de Développement) au printemps 2010 apparaissait également comme une raison de ne pas tenir les élections en 2009 car Laurent Gbagbo comptait utiliser cet événement pour déclarer que la Côte d’Ivoire était sortie de la crise et que le pays était revenu à une vie normale, même si des élections n’avaient pas eu lieu.

Toujours selon l’ambassadrice américaine, il allait cependant être difficile à Laurent Gbagbo de continuer à présider la Côte d’Ivoire après 2010 si des élections n’avaient pas lieu. En effet, après avoir gouverné sans élection pendant cinq ans (la durée d’un mandat entier), il aurait de plus en plus de mal à justifier le fait de continuer à gouverner sans avoir tenu d’élections. L’ambassadrice américaine notait aussi que les « bénéfices financiers » dus au fait de conserver le pouvoir ne concernaient pas seulement le FPI, mais aussi des individus comme le premier ministre Guillaume Soro.

L’ambassadrice américaine notait enfin concernant les élections en 2009 que malgré le fait que des millions de dollars aient été dépensés, aucun enregistrement d’électeurs, pas plus qu’une carte d’identité n’avaient été produites et que malgré leurs engagements publics, il était peu probable que Guillaume Soro comme Laurent Gbagbo fassent le forcing pour que les élections aient lieu fin 2009 comme prévu.

Le désarmement des forces nouvelles était également évoqué dans deux paragraphes. L’ambassadrice analysait le décalage entre les discours publics et la réalité. Pour elle, malgré de nombreuses cérémonies publiques symboliques censées représenter le début de la démobilisation et du désarmement, les progrès étaient faibles, voire superficiels.

"Les progrès qui ont été faits, sont malheureusement, superficiels, car il apparaît maintenant que les accords de Ouaga IV sont fondamentalement un accord entre Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo pour garder le contrôle du Nord jusqu’aux élections présidentielles, bien que les textes demandent aux forces nouvelles de remettre le Nord sous contrôle gouvernemental et d’avoir fini de désarmer au plus tard deux mois avant les élections" affirmait encore l’ambassadrice, disant que cela lui avait été confirmé par l’ambassadeur du Burkina en Côte d’Ivoire.

Ce dernier avait également reconnu que les brigades mixtes (Forces Nouvelles/Fanci) devant être mises en place pour sécuriser les élections avaient également été mises en place en partie afin de permettre de savoir ce qui se passait dans le Nord et augmenter la confiance dans le fait que des fraudes massives dans le Nord n’auraient pas lieu lors des présidentielles.

L’ambassadrice confirmait également que le Nord restait de facto sous contrôle des forces nouvelles, particulièrement en matière de finances. "Le désarmement et la réunification ne sont pas des processus séparés. Ils sont étroitement liés. Tant que la confiance nécessaire à un désarmement effectif n’aura pas lieu, la réunification sera insaisissable" ajoutait-elle.

La note positive selon elle résidait dans le fait que Compaoré "perçu comme le bienfaiteur des forces nouvelles" et Gbagbo s’étaient engagés dans le dialogue direct pour mettre fin au conflit qui avait suivi le coup d’Etat manqué de 2002 et semblaient vouloir résoudre pacifiquement les différends.

Suite à ce dialogue direct, le rôle de la communauté internationale s’était réduit. Mais les échanges entre Compaoré et Gbagbo étaient positifs car les tensions s’étaient réduites tandis que les relations entre Guillaume Soro et le président Gbagbo s’étaient améliorées. Les risques de guerre civile généralisée s’étaient également dissipés, bien que potentiels affrontements entre éléments rivaux puissent encore survenir.

L’ambassadrice concluait sa note en disant que les Etats-Unis devaient continuer à jouer leur rôle de membre actif et intéressé de la communauté internationale jusqu’à ce que la situation en Côte d’Ivoire change.

Par Redaction Grioo.com

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