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Oppositions africaines : L’horreur du ventre vide

Publié le samedi 18 septembre 2004 à 18h34min

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John Fru Ndi, le leader du social democratic Front (SDF), a le triomphe peu modeste. Après avoir été plébiscité par son parti comme candidat à l’élection présidentielle du 11 octobre prochain, celui qu’on appelle l’opposant historique à Paul Biya s’est vite cru dans la peau de l’homme prédestiné, le messie sans lequel le Cameroun sombrerait dans le chaos.

M. Fru Ndi a très vite oublié qu’une seule hirondelle ne fait pas le printemps et que dans cette pléthore de partis politiques, beaucoup d’étapes restaient à franchir pour être sacré présidentiable. A l’instar de ses opposants à l’intérieur de son propre parti qui se sont "suicidés" en s’effaçant avant le verdict des urnes, le leader du SDF aurait dû consommer sa propre défaite en s’inclinant devant la sentence des militants des autres partis. Il aurait prouvé par ce geste, sa grandeur d’âme en évitant de vouloir triompher sans gloire.

En claquant la porte et en se comportant vaille que vaille en candidat solidaire, l’homme prouve tout compte fait son immaturité politique. Il met ainsi à nu son immaturité politique et son obsession à mettre en avant ses intérêts personnels au-dessus de l’intérêt national. Or, comme dirait l’autre, le leader n’a aucun mérite spécial, du moins, en démocratie. Il n’est là que par la volonté du citoyen duquel il reçoit mandat pour le représenter. Et, il est loisible au citoyen de le remercier quand il estime être mal défendu.

En claquant la porte de la rencontre qui a réussi pour une fois ce tour de force de rassembler dans un même élan unitaire des ennemis d’hier, John Fru Ndi s’est comporté en historique fossoyeur de l’espoir d’un changement au Cameroun après tant d’années de "Biyarisme" aux caprices monarchiques et totalitaires.

Le Cameroun et l’Afrique n’ont pas besoin de ces opposants à la petite semaine pour qui être opposant, c’est forcément accéder au fauteuil présidentiel. A l’annonce de cette cure de maturité de l’opposition, les Camerounais s’étaient mis à espérer enfin l’avènement d’une véritable alternance. Maintenant que par la trahison d’un seul, l’opposition va devoir aller au combat en ordre dispersé, c’est le roi Biya qui jubile.

Comme on le voit, le Cameroun souffre moins d’absence de démocrates que d’absence de démocratie. Et face à l’absence d’un contre pouvoir, Paul Biya se voit offrir un large boulevard pour perpétuer son pouvoir dont se seraient bien passés les Camerounais, sauf les courtisans agglutinés dans l’entourage présidentiel. En effet, quel est ce chef d’Etat qui, débarrassé d’une opposition responsable ne serait pas séduit par la tentation totalitaire ?

Ce n’est pas seulement la nature qui a horreur du vide. La dictature aussi se nourrit du vide démocratique qu’elle s’empresse d’occuper. C’est précisément le cas au Cameroun où le président Biya vient de signer (par quel miracle ?) le décret fixant la date du scrutin présidentiel alors qu’il était absent du pays. C’est précisément aussi le cas dans ce pays où selon les mauvaises langues, le chef de l’Etat, aurait fait circuler la récente rumeur sur son décès comme ballon de sonde pour mieux en récupérer les bénéfices électoraux.

Tous ces caprices politiciens et dictatoriaux des princes qui nous gouvernent n’effraient pas outre mesure les opposants camerounais en particulier et africains en général. Le seul vide dont ont horreur ces opposants, c’est celui du ventre. L’impatience des opposants africains à accéder au banquet national est à la mesure de leur déception de ne pouvoir jouer un quelconque rôle, même celui de videur des bacs à ordures des gouvernants.

La meilleure illustration de ce comportement nous est fournie par le Père Abessole qui a franchement opté, après tant d’années de bluff, de quitter armes et bagages l’opposition pour se mettre à la solde de Bongo. D’irréductible opposant à Bongo à directeur de campagne de ce dernier, il faut reconnaître que le père Abessole peut être sacré meilleur trapéziste politique des temps modernes. Avec de tels comportements, les opposants africains qui préfèrent se bouffer le nez plutôt que de batailler pour la mise en place de mécanismes institutionnels, véritables garde-fous à même de leur assurer une chance d’accéder au pouvoir, il n’est pas étonnant que les citoyens s’en remettent à la fatalité.

Et puis, tout compte fait, ne vaudrait-il pas finalement confier son sort à un dictateur dont on connaît depuis longtemps les goûts et les mépris que d’accorder sa confiance à des opposants ondoyants et divers prêts à vendre leur âme, même au moins offrant ? C’est le cas de le dire. Tout en sachant bien qu’en faisant cavaliers seuls, ils vont inéluctablement mordre la poussière certains opposants préfèrent entreprendre ce voyage afin d’enrichir leur curriculum vitae avec le titre de candidat qui a osé braver le chef. En Afrique, ça compte et ça ouvre des boulevards.

Il est à se demander même si certains opposants en Afrique n’ont pas finalement peur d’accéder à la magistrature suprême. Sinon, comment comprendre qu’un opposant de l’envergure de John Fru Ndi ne se soit pas préoccupé de la transparence des élections et de l’indépendance des structures de supervision du scrutin en préférant les querrelles de chiffonnier.

A long terme cependant, les régimes qui tirent leur force de l’indigence morale de l’opposition n’ont aucun intérêt à s’en réjouir comme le fait aujourd’hui en sourdine Paul Biiya. En effet, comme le dirait quelqu’un, la fin des empires ne vient pas seulement de la révolte des peuples assujettis. Elle surgit aussi, chez les dominants, d’un mélange détonnant de paresse intellectuelle et d’orgueil démesuré, une outrance qui elle-même stimule la révolte.

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