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Idriss Déby : 20 ans seulement !

Publié le vendredi 3 décembre 2010 à 02h21min

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A la fin de l’année 1990, un Seigneur de guerre du désert tchadien, le général Idriss Déby, entrait triomphalement dans N’Djamena, la capitale, avec sa horde de Zaghawas, tandis que celui qui était aux manettes du pays, Hissène Habré, en sortait précipitamment avec ce qu’il lui restait de fidèles, entassés dans des Pick up bourrés de... fric. Ces événements ont déjà 20 ans ! L’ancien com’chef du dictateur qu’il a servi venait de s’emparer du pouvoir suprême. Dès les premiers mois, voire les premières années, celui qui fréquenta l’Ecole de guerre de Paris, où il noua de solides relations, profita du lourd passif de celui qu’il avait chassé.

Mais il lui fallait se doter d’un apparat démocratique, d’où la conférence nationale souveraine de 1993 et la présidentielle en trompe-l’œil de 1996 ; des artifices qui ne pourront pas masquer le fait que le chef de guerre n’a pas réussi sa mue de chef d’Etat. Pendant les 50 ans d’indépendance du Tchad, Idriss Déby en aura donc 20 ans à sa tête ; en un record dans ce pays, où la guerre pour le pouvoir et les révolutions de palais sont quasi permanentes.

Ce n’est d’ailleurs pas Déby qui dira le contraire, lui qui, à plusieurs reprises, faillit perdre son fauteuil sous les coups de boutoir des rebelles : en février 2008, par exemple, il aurait sans doute chuté n’eût été le coup de pouce de la France malgré, avouons-le aussi, le courage, voire la témérité de l’assiégé qu’il était.

20 ans donc que Déby est au pouvoir, et à l’occasion de cet anniversaire, il appelle à la réconciliation et au pardon : “Arrêtons, arrêtons de détruire notre pays, frères et sœurs... le 20e anniversaire ouvre la porte à un nouvel ordre”, dira-t-il. C’est bien de prôner la paix des cœurs et un nouveau départ quand on est de l’autre côté de la table, mais encore faut-il penser un peu à la justice, à ceux qui sont meurtris dans leur chair et leur esprit.

D’ailleurs, ces noces de procelaine interviennent au moment où le dossier Hissène Habré, qui pend en justice depuis des années, connaît un semblant d’évolution ; car, tant que certaines réparations ne seront pas effectuées, il ne faut pas s’étonner que des Tchadiens ne saisissent pas cette main tendue de Déby.

Déjà en 1999, une coalition d’opposants (1) écrivait, dans un mémorandum, ceci : “La politique délibérée du président Déby consiste en l’utilisation systématique et ouverte de la liquidation physique comme moyen de résolution des contradictions politiques”.

Si l’on ajoute la “malédiction” du pipeline Doba-Kribi qui est venue exacerber l’inimitié entre le nord et le sud tchadien, on comprend que cet appel de Déby a une tabula rasa risque de ne pas être contagieux ; surtout que, comme tant d’autres chefs d’Etat, il est dans une logique d’éternité ; car son itinéraire politique est jalonné de serments trahis, gravissime de la part d’un général doublé de président de la République : ainsi, en 2001, le même Déby jurait qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle de 2006, qu’il “ne modifierait pas la constitution quand bien même j’aurai une majorité de 100%.

Ce qu’il me reste, c’est de préparer le Tchad à une alternance démocratique et pacifique, sans rupture” (2). C’était depuis Malthusalem ! Peut-être que d’ici 20 ans encore, Idriss Déby sera aux commandes du Tchad, si, entre-temps, ses rebelles ne venaient pas à bout de ses velléités de pouvoir ad vitam aeternam. Encore qu’à observer les choses de près, entre ces rebelles et Déby, on préfère de loin le second.

Par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Notes :
(1) in Memorandum sur la crise politique au Tchad de septembre 1999 du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT), du Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD) et du Conseil démocratique révolutionnaire (CDR).

(2) in le Monde du 4 juin 2001.

L’Observateur Paalga

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