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Tony Allen était en concert à Ouaga

Publié le jeudi 2 décembre 2010 à 01h01min

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Tony Allen ! ce nom vous dit quelque chose ? Non ! Ce n’est pas le basketteur américain ! Et Antony Oladipo Allen ? Un des plus grands batteurs au monde ! L’inventeur avec Fela Kuti de l’Afrobeat, cette musique qui a fait danser l’Afrique et le monde depuis les années 70. Le 27 novembre 2010, Tony Allen était en concert à l’Institut français de Ouaga (ex-CCF). Inoubliable ! C’est une salle pleine de monde qui l’attendait.

Le concert devait débuter à 20h 30. Il est 21h. Pas de Tony Allen. Ni d’orchestre. Les minutes s’égrainent. La nuit avance. Et la scène reste désespérément vide. Impatience et nervosité dans le public. Encore un quart d’heure d’attente. L’atmosphère est lourde, au bord de l’explosion. Et puis, les musiciens font leur entrée. Apparaît Tony Allen. Il s’installe à la batterie. Monte la musique endiablée de l’Afrobeat.

Une synthèse entre musique traditionnelle yoruba, déchaînement électrique de guitares et claviers, et furie des cuivres. Le rythme, quasi hypnotique à force de répétition de l’Afrobeat, prend doucement possession du public. Oubliées les minutes d’attentes, le public est debout, se balance au rythme de la musique, exulte… La musique adoucit les mœurs. Surtout la musique de Tony Allen. L’Afrobeat de Tony Allen a glané dans les musiques du monde.

C’est une musique très jazzy. Intégrant la pop, le funk, la soul et même la Juju music qui est la rivale de l’Afrobeat. Ce qui donne un Afrobeat très métissé. Et très policé. En effet, on est loin de la puissance animale que dégageait l’Afrobeat de Fela. Le beat de Fela prenait aux tripes, celui de Tony Allen est plus raisonné. Comme si la distinction de Nietzsche dans la naissance de la tragédie opérait ici : l’un s’apparentait à Dionysos par son hybris, ses excès et l’autre à Apollon par sa mesure, sa pondération. Fela a brûlé sa vie par les deux bouts et sa musique portait cette rage, et propageait l’incendie dont il était le foyer.

A regarder Tony Allen, avec ses oreilles en feuilles de choux, ses yeux rouges et son visage de bonze, il a quelque chose de reptilien. De posé. Comme ces grands sauriens qui ont survécu à la disparition des dinosaures. Sa voix caverneuse ondoie sur la vague sonore et on a le sentiment qu’elle vient de loin. De très loin. Comme la lumière d’un astre éteint continuant à nous être visible. Tony Allen est accompagné dans sa tournée par une excellente formation musicale.

La trompette de Nicolas Guiraud et le saxo de Jean Jacques Elangue crachent, dans les mains de ces deux excellents souffleurs, des rafales de notes, puissantes, vrillantes et stridulentes. Ce sont eux qui donnent l’ancrage Afrobeat à cette musique. On est stupéfait d’entendre la trompette que l’on tient pour un instrument mineur (la faute à l’armée et à la cavalerie certainement, qui en use pauvrement ?), sortir des sonorités si variées, si puissantes.

A travers les différentes chansons, chaque instrumentiste a eu sa plage de jam- session pour le grand plaisir du public. Tandis que les autres instruments jouaient mezzo voce, tour à tour, dominaient les riffs rageurs de la basse de Rody, ou l’orgie du clavier sous les doigts de François Xavier Bossard ou les pulsations de la batterie de Tony Allen qui ont transporté le public.

Installé sur sa batterie, il tape sur ses cymbales comme un Dieu des forges cogne sur l’enclume. Au lieu des étincelles, c’est des fulgurances sonores qui s’éparpillent dans les airs. Tard dans la nuit, après une dernière chanson endiablée, Tony Allen et ses musiciens se sont retirés sous les vivats. Fin du concert ? Nenni. Un standing ovation ininterrompu obligera l’orchestre à revenir et à jouer une bonne trentaine de minutes. Les trente minutes d’attente du début ont été donc soldées.

Tony Allen est un mythique batteur et un immense chef d’orchestre. Sa musique est poreuse à toutes les tendances même si le fond Afrobeat reste prégnant. Ainsi, la nuit du 27 novembre, la comète Allen a traversé le ciel de Ouaga. Restent dans son sillage, des chansons et de sonorités qui résonneront longtemps dans les oreilles des mélomanes de la capitale. Toutefois, on se demande comment ce papy, et oui, Tony Allen a 70 ans ! réussit-il à être si jeune, dans sa musique et dans son corps ? Quel est l’élixir de jouvence ? Peut-être que les baguettes…

Barry Saïdou Alceny

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 2 décembre 2010 à 10:11, par Tengembiiga En réponse à : Tony Allen était en concert à Ouaga

    Bonjour. J’ai raté ce concert (arrivé en retard, plus de ticket en vente), mais je viens de le vivre en partie grâce à cet excellent article. Merci donc à son auteur qui, assurement, manie les mots avec la même virtuosité que Tony manie ses baguettes. Vivement que ce genre de spectacles se multiplient pour le bonheur des mélomanes burkinabè. Une idée peut-être (si je puis me permettre une suggestion) pour le prochain Festival Jazz à Ouaga. Qu’en penses-tu, Anselme ?...

  • Le 5 décembre 2010 à 18:03, par Le VOLTAIQUE En réponse à : Tony Allen était en concert à Ouaga

    Grand merci a toi Monsieur Le Journaliste.Grace a toi j’ai pu vivre et revivre(car j’ai lu et relu ton article)ce concert loin de Ouaga.T’as une belle plume.
    Vivement que Tony Allen soit present a Ouaga pour le festival.

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