Pierre Ilboudo, reporter-photographe : "Il faut revoir tout le système des élections"

Pour moi, l’élection s’est bien déroulée. Pour ce qui est des résultats provisoires, je constate un déséquilibre de score entre le candidat sortant et ses opposants. C’est logique parce qu’il y a des candidats que le peuple ne connaît pas. Comment voulez-vous qu’on puisse les voter ? Blaise Compaoré pouvait même aller jusqu’à 90%. Par exemple, Bénéwendé Sankara qui a été battu par Hama Arba Diallo qui se présente pour la première fois à l’élection présidentielle, cela veut dire que les gens ne sont pas crédibles. Hama Arba Diallo a été ministre et haut responsable des institutions internationales. Des candidats n’ont pas pu faire mieux dans leur province. Par contre Blaise Compaoré a pu déployer des directeurs de campagne, des délégués partout dans les régions et provinces alors que pour faire campagne, il faut se faire entendre et présenter son programme au peuple, car, en dernier ressort, c’est le peuple qui vote, il faut qu’il ait confiance en quelqu’un pour le voter. Regardez Boukary Kaboré qui est venu en 4e position. Cela veut dire que ce dernier est plus connu que les autres. Il va seulement falloir revoir tout le système des élections dans notre pays.

Barthélemy Yaméogo, éducateur particulier : "Personne ne veut soutenir l’opposition"

Les chiffres sont ce qu’ils sont. Ce qu’on peut constater, c’est qu’il y a un déséquilibre avec une personne qui a 80% et le reste qui se partage les 20%. Je souhaite qu’il y ait plus d’équilibre la prochaine fois. Seulement, il faut dire que cela est dû au manque de moyens mis sur le terrain. Pendant que le candidat sortant a une fois de plus utilisé les gros moyens qui n’ont rien à avoir avec les 28 millions qu’ils se sont partagés, l’opposition a utilisé les moyens de bord. Je déplore particulièrement ce fait. Le constat est que personne ne veut soutenir l’opposition. Les entrepreneurs préfèrent aller au camp présidentiel. Cela voudrait dire que les gens ne croient pas à la démocratie. Il faut un minimum d’équilibre pour redonner confiance au peuple burkinabè.

Un citoyen : "La population est d’accord avec le vainqueur"

Ce résultat reflète le vote des Burkinabè et l’élection s’est passée dans un climat serein. Les 80% que le candidat sortant a obtenus montrent que la population est d’accord avec lui.

Yves Ouédraogo

Le candidat Blaise Compaoré a obtenu un score de 80% tandis que l’opposition se partage 20%. Mais moi, je me dis que pour un pays comme le Burkina où les problèmes existent, au point que les gens en parlent tous les jours, que son score de 80% est suspect. Comment comprendre que la population se plaint et que Blaise se fasse élire à 80% ? Donc, il y a une contradiction automatiquement. Soit vous êtes d’avis avec lui et il monte avec les 80%, soit vous n’êtes pas d’accord et il part avec les 20% .

Gisèle Yaméogo, élève : "Blaise Compaoré s’est bien battu"

Les 20% qu’ont obtenus les opposants montrent qu’on ne veut pas d’eux à la magistrature suprême. Quant au candidat Blaise Compaoré, il s’est bien battu. Cela veut dire qu’il mérite toujours sa place au pouvoir.

Cheick Izon, étudiant : "C’est la démocratie"

Les gens ont voté librement, moi je ne peux pas dire quelque chose sur les résultats. C’est la démocratie. Les gens ont voté et je suis satisfait des résultats surtout que cela s’est déroulé dans la sérénité.

Joseph Tiendrebéogo, syndicaliste : "L’essentiel est que nous soyons mieux gouvernés"

"J’ai dit à mes enfants que Blaise aura un score de 80% et plus. Ils ne m’ont pas cru. A ces élections, il est démontré que les autres partis politiques n’ont pas pu avoir des assesseurs pour suivre le déroulement effectif des élections. C’est le CDP seul qui a pu mettre en place dans tous les bureaux de vote quelqu’un pour suivre les élections. Si les autres partis ne se fient seulement qu’à Ouagadougou et les autres provinces, ils seront perdants. Le score ne peut pas ne pas refléter un minimum de réalité. Nous ne pouvons pas comprendre que des élections se passent pendant que les autres ne sont pas là. A ce moment, on peut manipuler et bourrer les urnes comme on veut. Ce score reflète la réalité que les gens avaient présagée. J’avais prédit ce score. Mais l’essentiel est que nous soyons mieux gouvernés. Ce que nous voulons au niveau des travailleurs c’est un pays où nous pouvons dire ce que nous voulons."

Bassolma Bazié, SG adjoint de CGT-B : "Le parti au pouvoir ne doit pas s’estimer heureux"

"Au niveau des centrales syndicales, ce score ne nous étonne pas. Il faut d’abord faire l’analyse en deux phases. La première phase c’est que l’on a 1 million et quelque, que le candidat Blaise a obtenus. Cela ne représente même pas la moitié du potentiel des électeurs. C’est un pourcentage qui n’honore pas la démocratie burkinabè. Cela veut dire que la participation a été faible et que le peuple en a marre. Autre chose, c’est qu’au niveau de l’opposition, il n’y a pas de contrepoids réel. C’est cela qui explique les chiffres. Ce score s’explique enfin par le fait que les Burkinabè n’ont plus foi en leurs gouvernants. Avec des voix de 1 358 941, le parti au pouvoir ne doit pas s’estimer heureux"

Malick Badini, syndicaliste : "Il y a des villages où l’on ne connaissait qu’un seul candidat"

"Pour que tout le monde soit prêt pour les élections, ce n’est pas facile. Le président au pouvoir n’a pas les mêmes faveurs que les autres. Il n’ y a qu’un seul parti politique qui était représenté dans les bureaux de vote. Là, c’est un problème parce que cela veut dire que les partis politiques n’ont pas pu toucher les électeurs. Conséquence, ils ne seront pas élus. Il est possible qu’il y ait eu des tricheries. Mais je ne pense pas que les résultats soient à l’image des tricheries. C’est tout simplement parce que les gens n’ont pas pu battre campagne comme il le fallait. J’ai fait le tour dans des villages. Je vous assure qu’il y a des villages où l’on ne connaissait qu’un seul candidat. Les autres candidats n’étaient pas à la hauteur.

Omar Ouédraogo, mécanicien : "Les autres n’avaient rien à proposer aux électeurs"

"D’abord, avec trois millions d’électeurs sur les 8 millions d’électeurs potentiels, c’est grave. Ensuite, avec ces 3 millions d’électeurs, on s’est retrouvé avec un nombre de votants très faible. Ces scores étaient prévisibles parce que les autres n’avaient rien à proposer aux électeurs. Conséquence, ils votent ceux qui leur donnent des tee-shirts et toutes sortes de gadgets. Il faut que les partis de l’opposition revoient leur stratégie sinon, le CDP sera toujours vainqueur devant eux."

Propos recueillis par Ambèternifa Crépin SOMDA et Aimé NABALOUM (Stagiaires)

Le Pays