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PRESIDENTIELLE EN CÔTE D’IVOIRE : La dignité perdue des chefs traditionnels

Publié le jeudi 18 novembre 2010 à 01h45min

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Dans la bataille qui oppose les candidats Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara au second tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, les chefs traditionnels sont fortement courtisés. Le président sortant, en précampagne dans la région du Bas-Sassandra, est allé demander le soutien des chefs traditionnels. Dans la même logique, son adversaire, l’ancien Premier ministre, a été présenté à Yamoussoukro aux chefs coutumiers de la région par son allié, Henri Konan Bedié. Alassane Ouattara a été baptisé à l’occasion Allah N’Guessan par ces chefs en signe d’adoption.

Chaque camp est convaincu du poids de ces leaders coutumiers sur les communautés qu’ils dirigent. L’état-major de chacun des candidats a compris que lorsque l’on a un de ces chefs avec soi, on a presque tout son village, toute la communauté sur laquelle il règne. D’où l’intérêt réel d’en rassembler au maximum autour de soi. Cela se fait bien sûr à force de promesses et probablement de dons concrets. Et l’on voit justement ces chefs promettre aux candidats leurs voix personnelles mais aussi celles de leurs sujets. Comme si c’était à eux que revenait le droit de décider du choix que doivent opérer leurs sujets, de décider en lieu et place de ces gens. Dans la pratique, l’on sait que le plus souvent, les chefs qui s’adonnent à ce genre de pratiques ne s’embarrassent pas de précautions démocratiques.

Dans la quête des voix des membres de sa communauté, chacun de ces chefs n’use pas de persuasion, d’argumentaire. Très souvent, il somme purement et simplement ses sujets de voter tel ou tel candidat. Cela, en principe, ne cadre pas avec la liberté de choix que prône et requiert la démocratie. Ce cas de chefs traditionnels, jouant le rôle de locomotives pour convoyer le "bétail" électoral, est loin d’être spécifique à la Côte d’Ivoire. C’est un problème qui touche d’autres pays africains et qui y fait l’objet de traitements divers. Le Ghana, par exemple, a codifié le statut de ces chefs afin qu’ils ne soient pas poussés par la pauvreté, entre autres, à descendre dans l’arène de la politique partisane. Ailleurs, les gens s’accommodent de l’engagement des chefs dans le phénomène partisan et certains politiciens en profitent allègrement.

Les partis au pouvoir notamment, au regard des avantages et des opportunités qu’ils offrent, sont bondés de ces "bonnets rouges" qui se ruent vers la moindre manifestation. Très souvent, les défenseurs de cet engagement des chefs invoquent le fait qu’ils sont citoyens comme tous les autres. Seulement, ils oublient que s’il est vrai que ces chefs sont citoyens, ils n’ont quand même pas, vis-à-vis de leur communauté, les mêmes responsabilités que le citoyen lambda. Les leaders coutumiers jouissent de prérogatives spéciales. Rien de plus normal donc que ces prérogatives soient assorties de sujétions particulières. C’est juste une question d’équité. On ne le dira jamais assez : un chef est un rassembleur, une sorte de poubelle comme diraient certaines communautés. Réceptacle, il doit accueillir les problèmes de tous ses sujets sans aucune exclusive en vue d’y apporter les solutions les plus sages.

Quand il devient un acteur clé du phénomène partisan, dans l’arène politique où l’éthique est souvent mise à rude épreuve, il devient un facteur de désunion de sa communauté. Sauf hypocrisie, il ne peut plus bénéficier des mêmes égards, de la même considération en tant qu’arbitre consensuel des différents contentieux entre gens de sa communauté, surtout entre ses camarades militants et les autres. Il n’est pas rare d’assister à des scènes publiques humiliantes pour des chefs traditionnels allés à la soupe de la politique partisane : colères pour des broutilles, courbettes, etc. Il y a également des menaces ridicules proférées par certains à l’encontre de leurs sujets qui tentent de leur ravir la vedette lors des batailles électorales.

Des comportements qui attestent, si besoin en était encore, d’une dignité perdue des chefs traditionnels. Certes, il y a encore, et fort heureusement, quelques chefs qui restent dignes dans leurs comportements, qui ne succombent pas aux sirènes traîtresses des divisions politiques avec leurs promesses de luxe et de fortune. Ce, dans la même logique que certains leaders des religions révélées qui gardent, contre vents et marées, leur neutralité. A l’instar de ceux-là, les chefs coutumiers devraient être donc ces recours moraux, ces autorités neutres, transcendant les querelles de chapelle et pouvant modérer les acteurs politiques. La reconquête de la respectabilité des leaders traditionnels passe par leur organisation en force morale neutre.

Cela peut, comme au pays de Kwamé N’Krumah, passer par l’adoption d’un statut particulier avec ses avantages mais aussi ses contraintes à leur égard. Les chefs traditionnels doivent, pour ce faire, prendre ou reprendre leur indépendance des acteurs politiques et l’assumer avec toute la responsabilité que cela requiert. D’autant plus qu’ils détiennent la légitimité de leur autorité de la tradition et non d’une autorité de la politique partisane, quelle que soit son rang. En tout cas, c’est pour eux un passage obligé s’ils veulent recouvrer cette dignité perdue.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 18 novembre 2010 à 10:36 En réponse à : PRESIDENTIELLE EN CÔTE D’IVOIRE : La dignité perdue des chefs traditionnels

    Balaie devant ta case cher ami. Ce n’est pas avec ces analyses sommaires que vous apporterez quelque chose d’utile au débat sur la chefferie traditionnelle. Poursuivez vos recherches et mûrissez la réflexion !!!

    • Le 20 novembre 2010 à 00:05 En réponse à : PRESIDENTIELLE EN CÔTE D’IVOIRE : La dignité perdue des chefs traditionnels

      Bravo, je crois qu’ils sont nombreux ceux qui ignore l’importance de nos traditions. Je conviens avec vous que ce journaliste n’a vraiment pas fait preuve de recherche.J’ai toujours dit qu’étant sur la toile il faut faire attention.

      leFaso.net retenez que vous avez crée quelque chose de formidable donner nous envie d’ouvrir, découvrir,apprendre et vendre très bien le Burkina à l’extérieur.Toutes les catégories de la couche des sociétés vous lisent. Un peu d’effort même si c’est dure ça paiera.

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