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Enquête sur les biens mal acquis : Ce n’est pas parce qu’on est Noir qu’on ne doit pas montrer patte blanche

Publié le jeudi 11 novembre 2010 à 02h44min

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Beaucoup de gens pensaient l’affaire classée depuis belle lurette, et cela, d’autant plus que la plainte déposée en mars 2007 par l’ONG Transparency International avait donné lieu à l’ouverture d’une enquête que le parquet a choisi de classer sans suite. Et voilà que de nombreux mois après et au bout d’un feuilleton juridique, elle refait surface avec la décision de la plus haute juridiction pénale de France, la Cour de cassation, d’autoriser une enquête par un juge d’instruction indépendant sur le patrimoine en France de trois présidents africains et de leurs proches.

Il s’agit de Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville, de Téodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale et du défunt Omar Bongo Ondimba du Gabon.

Rien que le patrimoine immobilier des ces trois chefs d’Etat sur le territoire français serait estimé à 160 millions d’euros selon Transparency International, soit plus de 100 milliards de F CFA sauf erreur. On pouvait penser que, parmi les trois, s’agissant d’Omar Bongo Ondimba, l’action publique, comme on dit en droit, était éteinte après sa mort, à moins qu’il ne faille charger ses héritiers de sang, qui sont en même temps ses héritiers politiques, d’assumer son passif.

A priori, il n’y a pas de quoi fouetter un chat parce que des dirigeants ont des appartements ou des hôtels particuliers en France, et cela ne devrait pas émouvoir autant. Mais ce qui pose problème ici, c’est que ce sont des dirigeants trop riches dans des Etats de misère qui les possèdent. Passe encore pour la Guinée équatoriale, mais concernant le Gabon et le Congo Brazza, vu leurs ressources intrinsèques rapportées à leur niveau de développement, c’est assez scandaleux.

La tendance, un peu trop facile, est souvent de dire que c’est toujours les Africains que l’on voit. Et cela rappelle justement le tollé général suscité quand la Cour pénale internationale a voulu alpaguer Charles Taylor puis Omar El Béchir. « Pourquoi pas les autres ? », se sont alors demandé certains.

C’est un argument spécieux parce qu’il ne faut pas que la couleur de notre peau soit un refuge, trop facile, pour cacher toutes sortes de malversations. Il en va autant pour les poursuites devant la CPI que pour cette fameuse affaire des BMA (Biens mal acquis). Au-delà de la noirceur de la peau, il faut montrer patte blanche.

Or, il se trouve que ceux qui sont indexés n’ont pas la réputation d’être parmi les plus vertueux de la planète. Sinon, actifs pour actifs, pourquoi de nombreux autres chefs d’Etat ou dirigeants ne sont pas inquiétés ? C’est trop facile de crier au complot contre les Noirs, car, dans tous les cas, il y a des dirigeants africains contre lesquels on aura beau instruire tous les procès du monde, on ne les y prendra pas.

Les intéressés n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes de la même manière que ceux qui sont alpagués par la CPI le sont pour leurs faits et non pour leur couleur. Ce n’est pas parce qu’on ne poursuit pas des présidents sur d’autres continents qu’il ne faut pas commencer quelque part.

Cela dit, c’est peut-être beaucoup de bruit pour rien ou en tout cas pour peu de choses parce que si on excepte la mauvaise publicité qui est faite contre ces acquéreurs de biens, on peut se demander raisonnablement ce que peuvent redouter des présidents en exercice.

Sans oublier qu’il faut encore faire la preuve que ce sont effectivement des biens volés par des gouvernants qui, comme c’est malheureusement souvent le cas sous nos tropiques, confondent budget de l’Etat et patrimoine familial.

Auquel cas, quel que soit le temps que prendra la justice, le retrait de ces biens publics constituera une bouffée d’oxygène pour nos populations, qui ont du mal à sortir la tête hors de l’eau trouble de la pauvreté.

A condition bien sûr que ces BMA ne soient pas tout simplement « recyclés » en passant par la poche d’un autre dirigeant pour repartir vers la France ou les paradis fiscaux, mais qu’ils servent à leur mission originelle : le développement.

Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 11 novembre 2010 à 10:23, par Sidkièta En réponse à : Enquête sur les biens mal acquis : Ce n’est pas parce qu’on est Noir qu’on ne doit pas montrer patte blanche

    La décision de la cour française de cassation est une bonne chose. Même si l’enquête ne débouche sur rien, elle aura le mérite de marquer le commencement d’une nouvelle ère dans les relations franco-africaines. Il faut se rendre à l’évidence : la mondialisation a changé la donne dans les relations internationales et la France regarde avec envie (et peut-être aussi avec regret et nostalgie !) le changement profond qui s’opère à grande vitesse en Afrique. Elle sait bien que, malgré les discours encore alarmistes de ceux qui ignorent les réalités africaines, le niveau d’éducation a considérablement augmenté sur le continent noir depuis les indépendances, de sorte que les gens ne sont plus disposés à se laisser exploiter comme auparavant ! Elle voit bien que le taux de croissance des pays développés (à peine 1% pour certains !) est infime par rapport au taux moyen de croissance des pays africains (entre 5 et 6%) ! C’est dire que le vent est en train de tourner ! Le temps où quelques pays riches captaient à leur profit la richesse des pays pauvres contre un soutien éhonté aux potentats locaux est en train d’être passé de mode. C’est pourquoi la France est aujourd’hui obligée de prendre en compte les aspirations des populations africaines quitte à sacrifier quelques dirigeants locaux corrompus sur l’autel de ses intérêts ! La décision de la cour de cassation n’est rien d’autre qu’une opération de communication en direction des Africains ! Je fais observer qu’on parle des "biens mal acquis de quelques dirigeants africains" comme si ces derniers n’avaient pas été soutenus pendant des décennies par les dirigeants du pays où ils ont acquis ces biens ! Si procès il doit y avoir, ce sera aussi le procès de la politique africaine de la France !

  • Le 11 novembre 2010 à 11:41, par Ben Sirac En réponse à : Enquête sur les biens mal acquis : Ce n’est pas parce qu’on est Noir qu’on ne doit pas montrer patte blanche

    Très belle analyse ! Il est inconvenable et outrageant d’exciper la couleur de la peau pour s’offrir une immunité. Il est de même inconvenable de comparer un coupable ou présumé coupable à un autre coupable pour refuser l’application de la loi. C’est un argument qui n’est pas défendable car il s’agit d’un raisonnement biaisé qui ne prend pas en compte les intérêts des victimes ou des spoliés. Oui ! les chefs d’états africains visés soit par la CPI soit par cette affaire de BMA peuvent crié néocolonialisme, leurs agissements ne sont pas du défendable.Que Georges Bush ne soit pas jugé, je m’en contrebalance, si la CPI ou la France (dont on reproche de n’avoir pas pu balayer devant sa porte) par leur intervention peuvent offrir aux africains (victimes de spoliation et de guerres civiles ) la satisfaction de leur aspiration profonde à la justice et à la démocratie.

  • Le 12 novembre 2010 à 08:42 En réponse à : Enquête sur les biens mal acquis : Ce n’est pas parce qu’on est Noir qu’on ne doit pas montrer patte blanche

    C’est un bon début (encore que c’est la face visible de l’iceberg de l’enrichissement illicite de nos dirigeants) pour commencer à faire le procès de la françafrique ! Et, pour le faire, il faudrait une juridiction spéciale car il y aurait une montagne de dossier à traiter !

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