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“Que valent bien 10 millions pour le Lion ?” , s’interroge Boukary Kaboré

Publié le mercredi 3 novembre 2010 à 13h59min

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Connu pour avoir dit sa désapprobation du coup d’Etat du 15 octobre 1987 qui a emporté le capitaine Thomas Sankara, cet ancien officier de l’armée burkinabè a été contraint à l’exil après l’attaque dont lui et ses hommes ont été victimes le 27 octobre 1987 à Koudougou.

A son retour au pays, Boukary Kaboré, surnommé Le Lion du Boulkiemdé, a créé le Parti pour l’unité nationale et le développement (PUND) sous la banière duquel il a voulu se présenter à la présidentielle de 2005 avant de voir sa candidature rejeter par le Conseil constitutionnel. Cette année, il est sur la ligne du départ de la course vers le palais de Kosyam, soutenu par l’Union panafricaine sankariste/Mouvement progressiste (UPS/MP) et le Conseil national pour la renaissance/Mouvement sankariste (CNR/MS). Dans cet entretien qu’il nous a accordé à son QG aux 1200 logements de Ouagadougou le 1er novembre 2010, il revient sur le chemin parcouru et ses ambitions pour son pays.

Qui est Boukary Kaboré, dit Le Lion, pour ceux qui ne le connaîtraient pas ?

• Boukary Kaboré, dit Le Lion, est un officier de son état, qui a fait ses études supérieures à l’Académie militaire de Yaoundé pendant 3 ans pour en sortir sous-lieutenant. Après, je suis reparti dans la même capitale pour un cycle complet de professeur certifié d’éducation physique et sportive à l’Institut de la jeunesse et des sports. Vous voyez qu’il est absurde d’entendre dire que je n’ai pas fait l’école. Notons qu’avant cela, j’ai fait mon école primaire à Poa avant d’aller à Ouagadougou pour entrer à l’Ecole militaire préparatoire, qui porte maintenant le nom de Prytanée militaire du Kadiogo (PMK). J’ai commencé ma formation politique au collège avec le Pr Adama Touré, qui nous a tellement enseigné le socialisme de la Russie qu’on l’a surnommé Lénine.

Sur le plan purement militaire, d’aucuns vantent vos mérites et vont jusqu’à dire que vous avez des pouvoirs mystiques, notamment celui de vous rendre invisible. Qu’en dites-vous ?

• C’est ce qu’ils disent, mais, pour plus d’informations, vous pouvez vous référer à mes camarades d’école et à mes frères d’armes. Au lieu de parler de mysticisme, ils doivent reconnaître d’abord mes aptitudes physiques : j’étais le meilleur athlète scolaire en 1974. Les documents sont là pour l’attester. J’étais polyvalent, j’étais handballeur, basketteur, et, en athlétisme, je faisais toutes les disciplines sauf les courses de fond. J’étais le champion en triple saut, en longueur et en lancé de poids, ce qui m’a donné droit à une bourse pour poursuivre mes études aux Etats-Unis. Je n’y suis pas allé parce que le ministère me voulait militaire alors que moi, je tenais à y évoluer en civil.

Je n’invente rien, tout ce que je dis peut être vérifié. Au PMK, j’étais autant connu que j’ai eu beaucoup de surnom, notamment Bouki l’hyène et l’Ayatollah parce que j’étais l’imam de l’établissement, et au Cameroun, on m’appelait la terreur de Ouagadougou au ballon militaire. C’est pour vous dire que sans le wack, je suis fort (NDLR : il fait de la gymnastique pour nous le démontrer). Je vais vous dire une chose : le wack réussit toujours aux courageux, pas aux couards. Pour finir avec cette question, je suis simplement un officier qui respecte la parole donnée, qui ne la trahit jamais. Je ne suis pas un paralytique à la Soundiata Kéita dont les génies se saisissent pour faire des exploits.

Ça veut dire que vous n’êtes pas wacké ?

• Je ne suis pas wacké, et même si je l’étais, je ne vous le dirais pas, car je suis en train de mener actuellement mon combat. Mais je peux vous dire que le wack existe. Beaucoup sont venus vers moi pour avoir le wack d’invisibilité, mais ça ne se donne pas au hasard.

Là, vous confirmez que vous avez ce pouvoir ?

• Non non non ! Je ne l’ai pas essayé. Je ne me suis pas caché, mais les gens ne me voyaient pas. Militairement, ça s’appelle le camouflage. Là où ils (NDLR : il parle des militaires qui l’ont attaqué le 27 octobre 1987 après qu’il a manifesté sa désapprobation du coup d’Etat qui a emporté son ami Thomas Sankara) cherchaient, je n’étais pas. J’ai la technique de la perdrix, qui se cache là où il n’y a pas d’herbes.

Pour en venir à la présidentielle, pour la première fois, vous êtes candidat. Dites-nous le parcours qui vous a conduit sur la ligne du départ de la course vers le palais de Kosyam ?

• Moi, je fais de la haute politique. Les gens ont dit que c’est Blaise Compaoré qui m’a donné l’argent pour l’accompagner dans le scrutin (rires) ; allez le lui demander. Depuis qu’il est au pouvoir, on me préfère mort que vivant, je suis brimé, pourquoi va-t-on me donner de l’argent ? Pour survivre et sauvegarder ma dignité, je me suis retrouvé en brousse comme cultivateur. J’ai patienté dans mon champ, et l’heure est venue d’agir sur le plan politique. On a tout fait en mettant des blocages pour que le Lion soit mis en case, mais Le Lion a tout enjambé pour tomber dans l’arène. J’ai fait le tour du Burkina pour obtenir une flopée de signatures, et j’ai gardé un bon lot pour parer à toute éventualité. On a demandé 7 régions et j’en ai donné 9. J’avais les signatures de 11 régions. On a tout fait pour intimider les conseillers, mais j’y suis parvenu, et c’est ça qui me ragaillardi. Au départ, on n’avait que deux conseillers, Joseph Ouédraogo et Mamadou Kabré, tous les autres appartiennent à toutes les tendances politiques. Pour la caution de 10 millions, c’est ridicule pour un pays qui est parmi les derniers au monde. Mais j’ai déposé cette somme pour couper court aux mauvaises langues qui disent qu’en 2005, je n’ai pas pu réunir les 5 millions.

10 millions pour un cultivateur, c’est quand même gros ?

• Je suis un cultivateur qui a 150 moutons, 150 chèvres et une cinquantaine de bœufs. Même si c’était 50 millions, en libérant un peu mon génie créateur, je les aurais réunis ; 10 millions, ce n’est rien pour le Lion qui veut rugir dans l’arène. Notons toutefois que nous sommes dans un pays où les opérateurs économiques ont peur, avec juste raison, de nous accompagner. Ces gens-là sont capables de boucler toutes les portes pour te mettre sur le carreau. Tous ceux qui voulaient avoir leur indépendance politique ont été mis à genou.

Justement, on susurre que Ray’s a été sanctionné pour avoir donné les 5 millions pour la présidentielle passée ? • Il ne m’a rien donné, il est là. Allez le lui demander ; ils l’ont mis en difficulté bien avant la présidentielle.

Pourquoi cela ?

• Je ne sais pas, on a enfermé un multimillionnaire, Issa Doudou, et tous ses camions sont arrêtés et il “se cherche” actuellement. C’est de l’animosité. Les fonctionnaires subissent la même pression, si tu n’es pas du CDP (NDLR : Congrès pour la démocratie et le progrès, parti au pouvoir), malgré ton savoir, on te met dans un bureau où il n’y a aucun papier.

Après le problème du parrainage et des 10 millions, il y a eu un autre obstacle : le président de l’UPS/MP qui vous soutient, Joseph Ouédraogo, vous a retiré sa confiance ; comment en est-on arrivé là ?

• Si je suis candidat, c’est parce que je sais ce que je fais. Lorsqu’il dit que c’est lui qui m’a fait sortir de mon champ en 2010, où était-il quand je déposais ma candidature en 2005 ? C’est une perte de temps, c’est lui seul qui sait ce qui l’anime. Dans tout ce qu’il a dit, dites-moi ce qu’il y a de sérieux. Il veux me dénigrer et me désarçonner. A quelle fin pendant que lui-même n’est pas candidat ? Il le fait pour plaire à quelqu’un. Je le respecte parce qu’il est plus âgé que moi d’au moins 10 ans. Ce que vous avez lu dans la presse n’est rien en comparaison avec ce qu’il m’a dit en face. Si, à son âge, il peut m’injurier (NDLR : pour des raisons évidentes, nous n’avons pas voulu retranscrire les propos désobligeants que l’interviewé prête à son ancien compagnon) je le laisse avec sa conscience.

Cette parenthèse refermée, parlez-nous des principaux axes de votre programme de société.

• Répondons d’abord à la question de savoir où est-ce que nous sommes. Les Burkinabè s’aimaient, travaillaient dans la solidarité, toutes choses qui ont permis de réaliser les grandes œuvres comme les cités du 4-Août et la bataille du rail ; aujourd’hui, on se retrouve dans un contexte où tout cela n’est plus possible. On a semé la peur dans l’esprit des Burkinabè. Le rêve est aujourd’hui dans un cercle fermé, où on a formé des milliardaires. On nous nargue avec des villas construites à des centaines de millions, des voitures luxueuses, et dans leur gala, ils pensent que la vie des Burkinabè s’améliore.

Le Lion vient pour le changement, pour rompre avec la dépendance pour une souveraineté véritable. Ce changement va s’opérer dans l’amour, la rigueur et le travail. La corruption vient du manque de rigueur. L’uminité doit disparaître de notre vocabulaire pour laisser place à l’humilité : si Moussa est ministre, c’est un titre qu’on peut retirer pour le donner à Fati, à Mariam, à Boukary, à Jean, à Koudougou ; s’il se comporte en délinquant, il peut être mis tout de suite sur le banc des accusés, jugé et sanctionné à la hauteur de son forfait, c’est ça, la rigueur. Il n’y a pas de rêve, Rawlings est venu au Ghana avec son slogan “no way for Kalaboule”, il n’y a pas de place pour la magouille. Je mettrai fin automatiquement à la corruption ; c’est très facile à faire, en commençant par moi-même. Je vais mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut pour un développement économique.

On dit que Le Lion est édenté, qu’il n’a plus les crocs asserrés pour parvenir à son objectif.

(Rires) Si Le Lion est édenté, il va manger moins et économiser l’argent du peuple. Les gens dorment ; entre le président actuel et moi, il y a un an. Lui, il est de 1951, et moi, du 2 mai 1950. Qu’est-ce qu’ils ont à crier la vieillesse du lion qui fait toujours du sport et défie les moins vieux que lui ? Il faut qu’ils sachent que la jeunesse, c’est de 7 à 77 ans, et je suis inspiré par le général Marc Arthur, qui dit que la jeunesse n’est pas une période de la vie, c’est un état d’esprit, un effet de volonté, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure, comme l’a Le Lion, sur l’amour du confort. Le Lion n’a pas besoin d’être pourri, il est pour la rigueur et l’austérité pour aider son peuple.

Qu’est-ce qui sera fait pendant la campagne ?

• Le Lion n’est pas un nouveau, il a déjà servi l’Etat, il ne sort pas pour aller promettre quoi que ce soi. Il est convaincu que le pouvoir actuel est fatigué et sans ressource. C’est pourquoi nous allons sillonner en caravane tout le pays pour permettre aux populations de comprendre que Le Lion n’est pas mort, mais qu’il est de retour dans l’arène pour les aider. Le périple qui a été fait pour le parrainage sera refait parce que partout on me réclame et on veut me voir. Je ne vais pas leur mentir, car c’est avec le peuple que je vais tracer le chemin pour un Burkina meilleur.

La campagne a été lancée depuis dimanche à minuit ; qu’est-ce que vous avez déjà fait ?

• Les gens sont pressés, mais moi non, parce que je suis sûr de moi. Le Lion est un croyant, fervent et pratiquant. Le premier jour, le dimanche, je me suis consacré à la prière pour que tout se passe sans heurts ni tricherie. C’est pourquoi j’ai rencontré les religieux, tels l’archevêque de Ouagadougou, le grand imam de Ouagadougou et le président de la Fédération des Eglises évangéliques. Ils ont tous prié pour moi et pour tout le Burkina. Aujourd’hui (NDLR : lundi 1er novembre), c’est la fête des morts, je me suis rendu en famille à Koudougou. C’est jeudi que nous laisserons partir notre premier coup de feu.

Propos recueillis par
Abdou Karim Sawadogo

L’Observateur Paalga

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