Ceux qui avaient réussi à se faire une (petite) place au soleil ont donc été renvoyés à l’ombre, contraints de tout abandonner et de rentrer chez eux. Ce n’est pas la première fois que des expulsions sont faites au pays de Mouamar Kadhafi. Chaque pays subsaharien a eu à recevoir, à l’occasion de chacune de ces chasses à l’homme, son lot de compatriotes expulsés de Libye.

Tout en reconnaissant à la Libye le droit de définir sa politique d’immigration et de l’appliquer, il y a tout de même lieu de s’inquiéter de la fréquence des expulsions, des violations des droits humains qu’elles occasionnent souvent ainsi que du manque de discernement.
Le Guide libyen, en tant que chantre de l’unité africaine, ne donne pas le bon exemple. Il rame à contre-courant de ce pour quoi il s’est beaucoup investi il n’y a pas longtemps. Avec le recul, il est permis de douter de la sincérité de son combat pour l’intégration des pays africains et l’unité africaine.

A moins qu’il ait une conception de l’unité qui fasse abstraction de l’intégration, de la libre circulation des biens et des personnes entre les pays. Ou bien conçoit-il tout simplement l’unité de façon formelle, juste bonne pour meubler les discours. Kadhafi donne la preuve de son imprévisibilité, de ses retournements de veste et de son opportunisme. Tout l’espoir de réalisation de l’unité africaine incarné par le guide libyen s’effondre.

Les pays et les dirigeants qui mettent à mal l’intégration régionale, l’unité du continent par des politiques et des pratiques xénophobes, de repli sur soi, sont confortés en cela par l’attitude du dirigeant de la grande Jamahiriya arabe libyenne. Ce dernier leur apporte, sur un plateau d’or, des arguments pour mieux torpiller les efforts d’intégration et d’unité.

Aux pays africains qui pourraient être tentés d’utiliser à mal escient l’exemple libyen, il faut ajouter ceux d’Europe qui ne manqueront certainement pas de se frotter les mains. Comment leur faire entendre raison au sujet des fréquentes expulsions manu militari de clandestins - pour la plupart venus d’Afrique - si, sur le continent, on en fait de même ?

C’est une lapalissade de dire que, pour donner des leçons à quelqu’un, il faut être soi-même irréprochable ; autrement, c’est prêcher dans le désert. A partir de ce triste exemple, si les pays européens durcissent leur politique d’immigration, l’on ne pourrait plus les critiquer. La tâche des défenseurs des immigrés, tant en Afrique qu’en dehors, se trouve compliquée. L’immigration, sous sa forme clandestine, est à condamner compte tenu de ses corollaires d’exploitations et de drames.

Par contre, celle qui se fait de façon légale est une donnée avec laquelle il faut compter. C’est par son biais que se font l’interpénétration, les brassages et les métissages, somme toute bénéfiques pour les pays à telle enseigne qu’il n’ y a pas un seul au monde qui ne compte, sur son sol, de ressortissants étrangers ou qui n’ait de citoyens établis hors de ses frontières.

La Libye veut-elle se singulariser par un taux d’immigration zéro ? Nous n’osons pas le croire et pensons que les dernières expulsions de subsahariens ont été faites surtout pour plaire à l’Italie qui ne s’était pas embarrassée de demander aux Libyens la construction d’une sorte de "camps de concentration" pour parquer les clandestins pris dans la nasse de la Police des frontières..

Le pays de Silvio Berlusconi, l’on se rappelle, ne cesse d’accuser la Libye d’être une plaque tournante de l’immigration clandestine d’où partent de nombreux aventuriers pour prendre d’assaut ses côtes. C’est sans doute pour montrer patte blanche que la Libye a frappé fort, préférant mettre à mal la libre circulation des biens et des personnes, le droit d’établissement dans un pays étranger, pour tout simplement être dans les bonnes grâces de l’Italie. Tant pis pour l’Union africaine dont il aura été l’un des plus grands inspirateurs. Dommage !

Le Pays