LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

AFRIQUE : Ces gardes présidentielles au-dessus de la loi

Publié le mercredi 27 octobre 2010 à 05h09min

PARTAGER :                          

Le pouvoir en Afrique est, selon toute vraisemblance, l’incarnation d’une monarchie de droit divin. En effet, certains chefs d’Etat africains ou du moins certains monarques africains aiment mieux être traités avec délicatesse, tant ils ne supportent guère la contradiction.

Tel le grand timonier, ils veulent, en véritables potentats, paraître pour des anges ou des démiurges. "Il semble que la nature, disait La Rochefoucauld, qui a si sagement disposé les organes sur notre corps pour nous rendre heureux, nous ait aussi donné l’orgueil de dissimuler nos imperfections". S’opposer ou critiquer la vision d’un chef d’Etat en Afrique équivaut à un crime de lèse-majesté. Au lieu de citoyens conscients de leurs droits et devoirs, les chefs d’Etat africains veulent des sujets ou des encenseurs. "Vanité des vanités, tout est vanité", disait l’Ecclésiaste.

Comment comprendre que l’Afrique, en dépit de ses vingt ans d’expérience démocratique, soit toujours le théâtre de tant de scènes barbares et inhumaines ? Même les principes fondamentaux de la démocratie, telles la liberté d’expression et l’alternance politique, demeurent encore une véritable chimère. Champions dans la mal gouvernance, des dirigeants s’illustrent dans les délits de tous genres : détournements de deniers publics, crimes politiques, mascarades électorales, et que savons-nous encore ? Et malgré tout, on parle encore de démocratie. Quelle démocratie ? Peut-être la démocratie monarchique ou la monarchie démocratique. Un syncrétisme idéologique bien singulier aux dirigeants africains.

Rien que le 29 septembre dernier, le trentenaire congolais Armand Tungulu, pour avoir lapidé le cortège du président Joseph Kabila, a été, séance tenante, arrêté par des soldats de la garde présidentielle. Et quelques jours plus tard, on apprenait, par un communiqué, sa mort "par suicide". Un argument piteux, révoltant et invraisemblable qui ressemble à une insulte à l’intelligence des Congolais. Armand Tungulu, toute raison gardée, aurait payé le prix fort pour avoir commis un crime de lèse-majesté. En manifestant visiblement sa désaffection pour le régime Kabila, le pauvre Tungulu n’a pas su qu’il portait atteinte à une dignité seigneuriale qui pouvait lui coûter la vie.

Le 19 octobre dernier, l’opposant centrafricain Joseph Bendounga, alors que le président de la République, François Bozizé conférait avec les forces vives de la nation, en présence de la communauté internationale, pour avoir demandé avec insistance la parole, a été "rossé par la garde présidentielle". Couvert de sang avec sa chemise déchirée, il aurait quitté le palais de la Renaissance à pieds, pour rejoindre, sous l’escorte d’une foule curieuse indignée, son domicile. Qui mieux que Bozizé connaît ce que vaut le martyre ? Lui qui en a longtemps souffert. Pourquoi donc clouer au pilori un homme politique au point de l’humilier ? Sans doute s’achemine-t-on vers un nouvel empire centrafricain sous Bozizé 1er.

Tout régime démocratique se caractérise par des courants politiques pluriels. Et la politique est faite d’idées. Autant dire aux chefs d’Etat africains qui ne supportent pas la contradiction, de renoncer à la politique. La meilleure façon, dans un Etat de droit, de sanctionner un citoyen qu’on juge fautif, est de le traduire en justice et non de le livrer à la vindicte de ces gardes présidentielles qui ne jurent que par leur maître et se croient au-dessus de la loi.

Certaines gardes présidentielles en Afrique ressemblent à des milices ou à des escadrons de la mort, tant elles excellent dans les violations des droits de l’Homme. Elles s’arrogent souvent le droit, pour une raison ou pour une autre, d’ôter impunément la vie à certains citoyens. Leur proximité avec les chefs d’Etat ne les met pas au-dessus du citoyen lambda et ne leur garantit guère le droit de vie ou de mort sur ce dernier. Il revient aux militants des droits de l’Homme de le leur apprendre, si tant est qu’ils l’ignorent encore. Un chef d’Etat est avant tout un citoyen. "Que les peuples seront rois quand les rois seront philosophes !" s’exclamait si judicieusement l’empereur Antonin.

Boundi OUOBA

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 27 octobre 2010 à 09:45, par Courroux En réponse à : AFRIQUE : Ces gardes présidentielles au-dessus de la loi

    Bel article. Il aurait fallu citer le cas de ce chauffeur de taxi qui avait été battu à mort par la garde de sécurité présidentielle ou la gendarmerie parce qu’il aurait voulu défoncer le portail du palais de Kossyam à une heure tardive de la nuit. Cet accident s’est produit, il ya 1 ou 2 ans dans notre pays et jusqu’ici aucune enquête sérieuse n’a été menée pour savoir les vrais raisons de l’assassinat de ce pauvre taximan et encore moins un quelconque jugement. A mon humble avis, le journaliste ne doit pas seulement critiquer ce qui se passe uniquement ailleurs, mais aussi ce qui se produit chez lui. Ne regardons pas toujours la paille du voisin en oubliant la poutre qui est dans notre propre oeil.

    • Le 27 octobre 2010 à 22:05 En réponse à : AFRIQUE : Ces gardes présidentielles au-dessus de la loi

      Mais toi qui connaît tout Monsieur ou Madame COURROUX, dis-nous qu’est-ce qui a pris ce forcené d’aller s’aventurer devant le portail de Kossyam à une heure aussi tardive que ton esprit attardé. On ne badine pas avec la sécurité. Et avant de mourir, il faut abattre celui qui cherche à te tuer. ça s’appelle la légitime défense de soi-même et d’autrui. Imaginez que ce forcené jette sa bagnole sur les vigiles qui sont à la porte, il y’aurait eu plus de mort pour rien. De plus il ne tentait pas de faire un coup d’Etat. Quel gâchis pour tout le monde ! Mais ça donne des idées à ne pas s’aventurer dans les quartiers de haute sécurité. C’est comme ça dans tous les pays du monde. Djo !!!

  • Le 27 octobre 2010 à 16:15, par Goodman En réponse à : AFRIQUE : Ces gardes présidentielles au-dessus de la loi

    Merci le frère, loin d’être une attaque contre quiconque je considère votre article comme une exhortation à nos différents chefs d’États à considérer et valoriser l’humanité de l’homme quelque soit son statut ou rang social.

  • Le 27 octobre 2010 à 20:02, par moi En réponse à : AFRIQUE : Ces gardes présidentielles au-dessus de la loi

    Lagarde presidentielle au burkina est un ramassis de voyou sans education

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?