LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

VIOLENCES ELECTORALES EN GUINEE : La CPI les aura prévenus !

Publié le mercredi 27 octobre 2010 à 05h15min

PARTAGER :                          

La Cour pénale internationale (CPI) s’est décidée à menacer les auteurs d’exactions et autres formes de violences qui ont cours en ce moment en Guinée, à l’occasion de l’élection présidentielle. Ce fait est nouveau et c’est bien dommage, les Africains ayant toujours dénoncé ce type de traitement assimilé à une forme d’injustice à leur égard. Certains crient même à l’infantilisation du continent. Mais que fait-on pour ne pas mériter un tel manque de considération ?

Ainsi, alors qu’on attendait la date du second tour de la présidentielle dont la CENI vient de proposer la tenue pour le 31 octobre, les partisans des deux candidats, Cellou Dallein Diallo et Alpha Condé se sont violemment affrontés à travers le pays. La situation est telle que l’on se demande si l’on n’en viendra pas à placer la Guinée sous tutelle. En tout cas, la CPI est entrée en scène pour condamner « ces violences politico- ethniques », et préciser que les violences électorales peuvent relever de la compétence du procureur de la Cour. Le message vise tous les acteurs concernés par l’élection : candidats, partisans, gouvernement et forces de sécurité.

Force est de reconnaître qu’en Afrique, Il y a trop de violences électorales. Les Etats ont du mal à gérer les scrutins. Instrument de chantage vis-à-vis des bailleurs de fonds, l’élection est aujourd’hui source de violences et d’instabilité chronique. Plutôt que d’aider à résoudre les problèmes, elle tend à les compliquer. Aussi, l’implication de la CPI ne sera-t-elle jamais de trop, quoi qu’en disent les acteurs politiques. Il est même souhaitable qu’elle se généralise, les populations étant devenues les otages d’élites corrompues, de politiciens sans scrupule et d’agents de défense et de sécurité livrés à eux-mêmes.

Fort heureusement, à l’heure des satellites et des TIC, il est possible de filmer les exactions, d’identifier les auteurs et les délinquants qui, tôt ou tard, répondront de leurs actes. Si la justice locale est inefficace parce que soumise le plus souvent au diktat des gouvernants, la communauté internationale veille. Chacun étant prévenu, il faut être conscient qu’à tout moment, on pourra brandir par voie d’Internet ou autres, ces images de délinquants, de pillards ou de tortionnaires. Servir une cause illicite ou défendre un régime liberticide, pourrait conduire devant la justice internationale.

Les Africains qui sont soucieux de leur réputation, de celle de leur famille et de leur milieu d’appartenance, sont prévenus. Il ne s’agit pas de ricaner devant les images des autres lorsqu’on voit les films de leurs prouesses sur le net et les écrans des télédiffuseurs. « Big brother », comme disent les Anglo-saxons, veille. Il nous voit tous, même si nous ne le voyons pas. Demain, poindra la vérité qui fait mal. C’est pourquoi, ceux qui obéissent aveuglément aux ordres, ceux qui se rendent justice eux-mêmes, ceux qui croient être à l’abri après avoir commis des exactions, doivent s’attendre à payer un jour. Chacun aura la facture de ses excès. Aux opposants d’être également responsables de leurs actes. Il ne s’agit pas de critiquer pour critiquer. Il faut savoir contribuer et accepter d’être bons perdants.

Dans le cas guinéen, la faute incombe aux acteurs politiques. Ils n’ont pas respecté leurs engagements et ont multiplié les propos qui divisent. Dans les deux camps, on a continuellement bandé les muscles et laissé faire, sachant bien que le pays allait à la dérive. Les responsables des forces de défense et de sécurité sont tout autant comptables de la dégradation de la situation. Ils n’ont pas su prévenir le malaise qui est allé grandissant. Ils ont manqué de fermeté face aux déconvenues de leurs hommes qui sont encore loin de se métamorphoser en forces républicaines vraies. La mayonnaise n’a pas encore pris. C’est pourquoi, dans les rangs, l’on est retourné si facilement en arrière, avec cette vieille tendance à réprimer systématiquement. D’où ce cycle de la provocation et de la vengeance. En attendant, les menaces de la CPI auront le mérite de faire réfléchir les candidats Diallo et Condé, leurs partisans et bien d’autres acteurs politiques africains.

L’Afrique est en pleine mutation ; il est illusoire de croire qu’on va naviguer isolé des autres, libre d’embastiller, de torturer et de disposer de la vie de pauvres gens. Peut-on continuer à s’en prendre aussi impunément à son propre électorat ? Que nous reste-t-il encore de cette dignité qui a longtemps permis à nos devanciers de tenir tête à l’envahisseur ?

Tant qu’on s’habituera à mendier et surtout à singer mal la démocratie républicaine, des exemples de désolations comme on en voit aujourd’hui en Afrique, se multiplieront. Il ne sert à rien de vouer la CPI aux gémonies sous prétexte qu’elle ne cible que les Africains. Dans l’histoire des transitions démocratiques, le continent africain est de tous, celui qui se singularise par ces affrontements qui ne se justifient point, et qui ont tendance à s’institutionnaliser. Qu’ils surviennent avant ou après les consultations électorales, les affrontements sont en passe de devenir une règle. Si l’on ne sait pas conquérir le pouvoir selon les normes et dans des conditions de transparence et d’honnêteté, comment pourra-t-on le gérer dans le respect de la loi et de la justice ?

Comment exercera-t-on son leadership en s’assurant que le bien commun sera préservé et que les richesses nationales seront distribuées de manière équitable ? Faudra-t-il toujours menacer les leaders africains pour qu’ils se ressaisissent et s’attèlent à discipliner leurs partisans ? L’Afrique qui commémore cinquante ans d’indépendance, a désormais de quoi illustrer ses échecs au plan des libertés et de la démocratie : police spéciale pour encadrer les élections, CENI en quête de crédibilité, Cour pénale pour sanctionner ceux qui aiment à profiter de la situation pour violer, piller et tuer, etc. Il est à cet égard fort malheureux que la Guinée qui figure parmi les premiers à avoir osé dire « non » à l’assujettissement colonial et néo-colonial, symbolise aujourd’hui ce recul par la faute même de ses élites politiques. On aurait bien voulu s’en passer.

"Le Pays"

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique