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SITUATION DE L’EDUCATION AU BURKINA : Le diagnostic et les remèdes du SNESS

Publié le lundi 25 octobre 2010 à 03h16min

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Le Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNESS) a adressé le 6 octobre dernier, un message au monde enseignant, dont la teneur suit.

- Camarades militantes et militants,
- Camarades sympathisantes et sympathisants du Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNESS),
- Enseignantes et enseignants,
- Acteurs du monde de l’éducation,

La rentrée scolaire 2010-2011 qui s’annonce se déroulera dans un contexte très particulier. En effet, les inondations à répétition drainent toujours des conséquences indélébiles qui se répercuteront sur la rentrée scolaire, voire sur l’année scolaire toute entière. Le contexte socio-économique de notre pays n’augure pas de lendemain meilleur. Au plan politique, la rentrée s’effectue dans un contexte d’élection marqué par de multiples conférences sur le cinquantenaire de l’accession de notre pays à l’indépendance. Enfin, au niveau syndical, l’année 2010 a connu la tenue du XXIe congrès ordinaire du SNESS et des luttes unitaires organisées par les Centrales syndicales et les syndicats autonomes.

DE LA SITUATION SOUS- REGIONALE

Au plan politique

Dans la sous-région, de nombreuses crises socio-politiques sont en voie de trouver solution. En Côte-d’Ivoire, après moult tractations, les acteurs politiques, avec l’appui de la communauté internationale, sont enfin tombés d’accord en posant les jalons d’une véritable sortie de crise suite à la fixation consensuelle de la date de l’élection présidentielle. En Guinée, l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle marqué par des affrontements sanglants entre les partisans des deux candidats arrivés en tête du premier tour ravivent les craintes des Guinéens ainsi que de la communauté internationale qui ont placé tous leurs espoirs dans ce processus de sortie de crise, pour une véritable démocratie. Au Niger, la crise socio- politique dans laquelle s’était enlisé le pays est sur la voie d’être résolue suite au coup d’Etat qui y est intervenu le 18 février 2010. Les nouvelles autorités ont déjà pris des mesures qui suscitent espoir pour le peuple nigérien.

Au plan socio-économique

Notre sous-région est à nouveau secouée par de graves inondations aux conséquences incalculables à cause de la destruction des récoltes, des terres, du cheptel et surtout de nombreuses pertes en vies humaines. Cette situation est aggravée par les conséquences de la crise internationale mondiale avec son corollaire de problèmes que sont la fermeture des entreprises et les licenciements de milliers de travailleurs qui s’ensuivent. A cela, il faut ajouter les problèmes liés à la libre circulation des biens et des personnes remettant ainsi en cause les objectifs de la politique de l’intégration sous-régionale. C’est pourquoi, nous demandons aux chefs d’Etat membres des organisations comme la CEDEAO, l’UEMOA, de veiller à l’application des textes en la matière afin de mettre définitivement fin à ce problème très récurent dans notre sous-région et qui entrave la fluidité des échanges.

DE LA SITUATION NATIONALE

Au plan socio-économique Le paysage social burkinabè n’est guère reluisant en ce début d’année scolaire 2010-2011. En effet, les conséquences dramatiques des inondations à répétition pèsent encore lourdement sur les conditions de vie de bon nombre de Burkinabè : pertes en vies humaines, destruction d’abris, d’infrastructures de développement, de biens matériels vitaux, de récoltes, de cheptels, tels sont entre autres les épreuves qui plongent de nos jours une bonne partie des populations burkinabè dans le désarroi. A ce niveau, le SNESS déplore le fait que les solutions de premiers secours n’aient été ni constantes ni substantielles à même de résorber les nombreux problèmes auxquels les populations victimes ont été et demeurent confrontées. Des sans abris le sont toujours dans de nombreuses contrées et attendent jusque- là un soutien.

Des trames d’accueil demeurent encore des espaces déserts car les matériaux promis à bon nombre de sinistrés pour leur réinstallation tardent à arriver. A ce cortège de drames s’ajoutent les conséquences des récentes hausses injustifiées des prix des produits de première nécessité et des hydrocarbures, sans alerte ni explications de la part des autorités. Pire, de nos jours, les populations sont confrontées à une grave pénurie de gaz et, s’il y en a, le prix quitte du simple au double chez certains spéculateurs (e.g. 12kg = 8 000 F CFA contre 4 000 F CFA avant pénurie) et cela se passe sous les yeux de nos dirigeants qui semblent ne pas s’en soucier au constat du mutisme dont ils font preuve, abandonnant ainsi les vaillantes populations à la merci des spéculateurs. A ce même moment, les autorités brandissent des lois portant sur des taxes et des impôts tels la TDC (Taxe de développement communal) et persistent pour leur application stricte et systématique. Les salaires des travailleurs, quant à eux, demeurent presque stagnants et ainsi, le pouvoir d’achat reste constamment laminé.

Camarades militantes et militants, Camarades sympathisantes et sympathisants,

C’est dans un tel contexte de paupérisation constante que s’effectue la rentrée scolaire 2010-2011 pour les parents d’élèves, les élèves et les acteurs de l’éducation que nous sommes. La lutte contre la pauvreté et le chômage seront de vaines luttes surtout pour les jeunes. Il suffit d’observer la période des concours directs pour appréhender l’ampleur du problème.

Au plan politique

L’actualité politique nationale du Burkina en ce moment reste dominée par la préparatifs des opérations électorales pour les présidentielle de novembre 2010 d’une part, et d’autre part par la commémoration du cinquantenaire de l’accession de notre pays à l’indépendance. S’il est tout à fait normal de se réjouir de 50 ans de rupture avec le colonialisme, l’accent devrait être mis, du point de vue du SNESS, sur un bilan sectoriel de tant d’années de prise en charge de notre destinée par nous-mêmes. Par exemple, dans le domaine de l’éducation, il sied de s’interroger sur les raisons de la baisse de niveau des élèves, la déconsidération de l’enseignant et donc la dévalorisation de la fonction enseignante.

Au plan syndical

A ce niveau, il convient de rappeler les actions de grèves d’avril 2009 marquées par une forte mobilisation de nos militants(es) qui se sont soldées par de légères augmentations des frais de correction des copies aux examens scolaires du secondaire que nous saluons au passage, même si elles demeurent en deçà de nos attentes. C’est dire que rien ne s’obtient sans lutte et qu’il faut maintenir la mobilisation et la pression pour consolider les acquis. Aussi, l’année 2010 aura été marquée par la tenue du XXIe congrès ordinaire du SNESS les 23 et 24 avril dernier. Le bilan qui en a découlé a été fort réjouissant en ce sens que la mobilisation a été au rendez-vous, en témoigne l’accroissement du nombre de secteurs comparativement au précédent congrès (de 37 à plus de 60 secteurs). C’est là le signe que le SNESS rayonne. Ainsi, l’on a constaté l’adhésion de nombreux jeunes enseignant(e)s et une plus grande occupation du territoire national.

Le Bureau exécutif qui en est issu s’engage à relever les nombreux défis dont le plus capital reste la satisfaction de la plate-forme revendicative assortie de ce congrès. A ce titre, la lutte continue et les militantes et militants devront rester engagés et mobilisés autour de leur organe dirigeant pour les actions à venir. Le tableau de bord de ces actions est contenu dans le plan d’action 2010-2013 qui a été élaboré à cet effet. C’est dire que l’année scolaire 2010-2011 s’ouvre avec en perspective, de grandes luttes qui nécessiteront une forte mobilisation des membres. Au cœur de cette lutte se trouve la plate-forme revendicative dont le point focal demeure la question de l’indemnité spécifique. Notre organisation a également mené des luttes auprès des centrales syndicales et syndicats autonomes et de la Coalition contre la vie chère (CCVC) au cours de l’année écoulée et de celle en cours. Ces luttes ont connu une forte mobilisation des travailleurs du Burkina Faso, même si le bilan n’a pas été à la hauteur de leurs attentes.

Mais, force est de reconnaître que les travailleurs veulent se faire entendre par les autorités du pays pour un mieux-être, et pour des conditions de vie et de travail meilleures. Le SNESS sera présent à tous les rendez-vous des grandes luttes enclenchées par cette coalition au plan national tant qu’elles seront orientées par le souci de l’amélioration des conditions de vie de nos populations.

DE LA SITUATION DE L’EDUCATION

Force est de reconnaître que les conditions de travail des personnels de l’éducation se dégradent d’année en année et cela s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la pléthore des effectifs rend difficiles les évaluations et, pire, elle contribue à la montée dangereuse de l’indiscipline et du banditisme dans nos établissements. D’autre part, l’insuffisance en personnel enseignant, administratif et d’encadrement est toujours d’actualité et constitue un frein à la qualité de l’enseignement. C’est pourquoi, nous saluons le recrutement des 600 enseignants du primaire titulaires d’un diplôme universitaire pour le secondaire. Cependant, le SNESS pense qu’une formation de base demeure nécessaire pour eux si nous aspirons à l’idéal d’une éducation de qualité.

Par ailleurs, le faible rendement des élèves s’explique en partie par le manque de laboratoires dans plusieurs établissements et ceux qui existent souffrent éperdument de sous- équipement, de vétusté et d’inadaptation. Comment, dans ces conditions, peut- on former efficacement les apprenants ? Il y a également l’absence de bibliothèques. Là où on en trouve, elles sont complètement mal fournies ou hors programme. En outre, la réforme du système éducatif traverse d’énormes difficultés dans son application. Ainsi, l’insuffisance de l’offre éducative est telle que de milliers d’enfants n’ont pas accès aux écoles publiques. Cela est exacerbé par la hausse injustifiée et injustifiable du nombre de points à l’entrée en sixième et à celle en seconde, livrant ipso facto les pauvres parents aux privés où les frais ne sont pas à la portée de ces derniers. Hormis cela, doit-on fermer les yeux sur la situation des élèves dans les écoles pilotes ? Les mesures d’accompagnement restent toujours en deçà de ce qui est prévue dans la théorie, des promesses, etc. C’est aussi le cas de la non- résolution des multiples questions liées au rattachement du premier cycle du secondaire à l’enseignement de base.

Camarades militantes et militants, Camarades sympathisantes et sympathisants,

Nous sommes en devoir d’avoir un regard sur ce sujet car il y va de notre carrière, de notre destin et c’est légitime. Par ailleurs, notre système éducatif ne saurait être efficace si la formation continue fait défaut. Quand on connait l’importance de la formation pour l’enseignant et l’apprenant, on ne devrait aucunement lésiner sur les moyens. Il n’y a pas de miracle dans l’enseignement, il faut investir et s’investir. C’est le lieu ici, de déplorer, de dénoncer l’attitude combien inique de certains partenaires qui grignotent les fonds alloués à la formation par les bailleurs. Enfin, les examens du secondaire se déroulent chaque année dans des conditions déplorables, comme si l’enseignement et l’éducation n’étaient pas un tremplin pour une société saine, moralement, économiquement, culturellement ….

En effet, dans les jurys, les secrétaires, les vice-présidents et les présidents travaillent sous pression, en journée continue (7h à 18h, voire au-delà) avec malheureusement de très faibles prises en charge alors que la tâche à abattre est titanesque, et comporte mille et un pièges ! En dehors l’équipe du secrétariat, les indemnités servies aux examinateurs déplacés ou résidents restent en deçà des attentes au regard des efforts fournis. Sur ce point, il conviendrait de jeter un coup d’œil sur les indemnités servies dans les pays voisins.

DES PERSPECTIVES

Il s’agira pour le Bureau national de faire aboutir les revendications issues du XXIe congrès qui sont entre autres, l’octroi d’une indemnité spécifique à tout enseignant du secondaire ; la révision à la hausse des indemnités servies aux présidents, vice-présidents et membres de secrétariat des jurys des examens du secondaire ; le relèvement des taux de correction des copies aux différents examens et concours ; le relèvement de la prise en charge journalière des correcteurs déplacés et résidents, etc. Aussi, comme l’a recommandé le forum tenu les 28 et 29 décembre 2009, nous devons nous acheminer vers la reconstitution des archives du SNESS détériorées comme vous le savez, suite aux inondations du 1er septembre 2009. Il s’agira aussi de travailler au renforcement du partenariat tant au plan national qu’international, indispensable aux luttes et pour la réalisation de nos projets. Enfin, conformément à la recommandation du congrès, nous développerons des stratégies en vue de l’élargissement de la base pour prendre en compte la jeunesse de nos militants.

CONCLUSION

Camarades militantes et militants, Camarades sympathisantes et sympathisants,

L’année scolaire qui commence nous interpelle tous en ce que nous devons nous mobiliser pour défendre notre plate-forme afin de contribuer à l’amélioration de nos conditions de vie et de travail. Pour cela, nous devons développer des stratégies de lutte plus efficaces. Aussi devons-nous tendre vers l’unité d’action avec tous les partenaires poursuivant les mêmes objectifs que le SNESS. Afin de relever les nombreux défis qui se posent au monde de l’éducation, le SNESS réitère le vœu cher à nos illustres devanciers à savoir œuvrer à la création de la Fédération de l’éducation nationale (FEN).

Bonne rentrée scolaire 2010-2011 à toutes et à tous.

Vive le SNESS ! Vive la lutte ! Tous unis et mobilises, nous vaincrons !

Ouagadougou, le 6 octobre 2010

Pour le Bureau national

Samuel DEMBELE Secrétaire général national

Le Pays

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