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Convention collective et dépénalisation des délits de presse : Deux chantiers qui restent à achever au Burkina

Publié le jeudi 21 octobre 2010 à 02h40min

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Les hommes de médias de notre pays ont célébré hier, 20 octobre 2010, la Journée nationale de la liberté de la presse. Douzième du genre, la présente édition a été ponctuée d’un match de football, d’un panel sur la place de la femme dans les médias et enfin de la remise du prix de la meilleure journaliste. Ce trophée est revenu à notre consœur des Editions Sidwaya. Félicitations à elle.

La première édition de la Journée a été célébrée le 20 octobre 1998. A cette occasion, notre confrère Norbert Zongo y avait donné une des dernières conférences publiques qu’il animait un peu partout au Burkina Faso.

Mais rappelons que cette journée est célébrée le 20 octobre de chaque année. C’est en effet le 20 octobre 1993 qu’une pétition a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale en vue de l’adoption d’un nouveau code de l’information moins répressif.

Cette initiative pétitionnaire émanait du MBDHP (Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples), de la SEP (Société des éditeurs de la presse privée), de l’AJB (Association des journalistes burkinabè) et du SYNATIC (Syndicat national des travailleurs de l’information et de la culture).

Grâce à cette démarche, la loi régissant les médias a été amendée et, parmi les grands acquis de cette lutte, on peut citer la disposition sur la preuve de la bonne foi en cas de diffamation, mais aussi celle relative au régime de création d’un organe de presse. On est ainsi passé d’un régime d’autorisation préalable à celui de déclaration préalable.

Une avancée significative, s’il en est, car avant il vous fallait constituer un dossier et attendre que l’on vous délivre une autorisation avant de débuter votre entreprise. Par contre, dans la nouvelle formulation de la loi, il vous suffit de déposer votre dossier au parquet et le procureur a l’obligation de vous délivrer un récépissé sous quinzaine.

Bien sûr, tout texte législatif ou réglementaire n’est jamais parfait et la loi sur la presse, malgré des aspects positifs qu’on y a introduits, reste perfectible, surtout qu’aujourd’hui l’environnement socioéconomique et technologique (notamment la diffusion) de l’information a beaucoup évolué.

Qu’à cela ne tienne, depuis, il faut reconnaître qu’il y a eu des améliorations notables dans le travail des journalistes. Le traitement de l’information s’est bonifié et une presse plurielle a vu le jour. Evidemment, il reste beaucoup à faire mais quand on jette un coup d’œil dans le rétroviseur, il y a de quoi espérer pour la qualité et le professionnalisme de la presse burkinabè.

Malgré la persistance de certaines pesanteurs sociopolitiques, on est heureux de constater qu’on trimballe de moins en moins d’hommes de médias devant les tribunaux et que rarement un journaliste est condamné à une peine de prison dans le cadre de l’exercice de sa profession. On remarque aisément que les juges, dans les quelques dossiers qu’ils ont eu à traiter, ont toujours tout fait pour ne pas arriver à cette extrémité.

Cela est un bon point. Cependant, il faut que le Burkina aille franchement dans la voie de la dépénalisation des délits de presse afin que les journalistes cessent d’être à la merci du bon vouloir du prince. C’est une question importante qui interpelle toute la société, les gouvernants, les législateurs, les juges et l’ensemble des acteurs de la presse. Des pays qui nous entourent ont fait le pas. Pourquoi pas nous ? Mais on a beau se targuer de cette « dépénalisation de fait », il y a, hélas ! comme une ombre au tableau : il s’agit de la tache noire que constitue le drame de Sapouy, au cours duquel notre confrère Norbert Zongo a été assassiné le 13 décembre 1998. Le traumatisme consécutif à cet autodafé est toujours présent dans les esprits et contribue souvent à développer l’autocensure chez nombre de journalistes.

Mais, à l’évidence, au-delà de cet aspect, le sacrifice de Sapouy n’a pas été vain puisque, quelque part, la mort de Norbert a rendu service à toute la corporation. La barbarie du crime était telle que les gens se sont engagés à faire en sorte qu’il n’y ait plus jamais ça au Burkina. Et si la presse bénéficie d’une relative clémence dans les prétoires, c’est, en partie, la résultante de l’assassinat du fondateur et directeur de publication de L’Indépendant.

L’état de la presse burkinabè aujourd’hui est à mettre à l’actif de tous les acteurs de la profession (patrons, journalistes, syndicats) et des pouvoirs publics. Tout ce beau monde concourt à faire en sorte que notre presse garde la tête haute.

Les efforts conjugués des uns et des autres ont abouti à la mise en place d’une subvention publique aux médias privés, ont conduit à l’instauration de la carte de presse qui est une réalité dans les rédactions. Reste l’application de la non moins importante convention collective, qui a été signée depuis deux ans mais dont la mise en œuvre semble buter sur des difficultés, notamment entre l’Etat et les patrons de presse.

Pourtant, il faut qu’elle soit appliquée, dans l’intérêt même des différentes parties prenantes. Il y va de la consolidation de la crédibilité et de la qualité de notre presse, étant entendu que, comme le soutenait Norbert Zongo, « il ne peut y avoir de liberté de presse quand les journalistes vivent des conditions de corruption, de pauvreté et de peur ».

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 21 octobre 2010 à 15:27, par Ludovic En réponse à : Convention collective et dépénalisation des délits de presse : Deux chantiers qui restent à achever au Burkina

    NON à la dépénalisation des délits de presse ! On ne peut pas permettre à un pseudo journaliste (la plupart n’ont pas fait d’écoles de journalisme) d’avoir le droit de m’insulter sous sa plume, et corrélativement m’interdire le droit légitime de l’attaquer en Justice !

    Il y aura un déséquilibre manifeste dans la cité, et nous n’auront d’autres recours que de BOUSILLER nos apprentis journalistes !

  • Le 21 octobre 2010 à 18:34, par Generation consciente En réponse à : Convention collective et dépénalisation des délits de presse : Deux chantiers qui restent à achever au Burkina

    A mon humble avis tous les journalistes devraient s’engager pour le re ouverture du dossier de Norbert Zongo. Justcice devant être faite car il y va de leurs intérêts.
    Si dans un pays democratique on peut se permettre de bruler et de calciner un journaliste et aller tranquillement boire sa bière en n’etant jamais inquiété, cela devrait donner des sueurs froides à tous les journalistes et les motiver à s’engager à travers leurs ecrits et leurs doleances pour que lumière te justice sois rendu car on ne sais jamais....
    A bon entenduer salut les journalistes.
    Vienne le temps des journalistes solidaires dans la lutte contre l’impunité au Faso.

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