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Un couteau à double tranchant pour les candidats de l’opposition

Publié le mardi 19 octobre 2010 à 22h47min

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La présidentielle du 21 novembre 2010, considérée comme étant sans enjeu, sinon un non-évènement, au regard des disproportions des forces en présence et de la victoire certaine du Président sortant, risque cependant d’être lourde de conséquences pour l’avenir du processus démocratique. Au soir du 21 novembre, les candidats de l’opposition se feront laminer comme en 2005 par la coalition des associations et partis politiques soutenant le Président Blaise Compaoré. Il ne restera plus aux Burkinabè que leurs larmes pour pleurer.

Car, même sans gloire, le triomphe de cette coalition sera la preuve que le tout Burkina est aux pieds de son candidat. Les challengers, qu’ils soient soutenus par des coalitions ou pas, n’y pourront rien. Bien au contraire, leur participation à cette élection risquerait, en fin de compte, d’être une caution à une mascarade. C’est un couteau à double tranchant pour ces candidats qui joueront certainement leur avenir politique.

Dans notre précédente édition, nous nous sommes appesanti sur l’incapacité de l’opposition à faire front face à l’armada politique et logistique ainsi qu’aux moyens financiers colossaux que déploiera le pouvoir en place dans le cadre de la campagne présidentielle. Mais elle commence à s’organiser en coalition pour faire bonne figure. Après l’alliance de petits partis qui soutiennent la candidature du « Lion du Bulkiendé », Boukary Kaboré, une autre coalition s’est constituée autour de la candidature de Arba Diallo du Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS), investi le 18 septembre dernier.

Contrairement donc à ce qui se disait, le député Norbert Michel Tiendrébéogo du Front des forces sociales (FFS) ne sera pas candidat ; il a choisi de soutenir Arba Diallo. Son collègue Laurent Bado, lui aussi, ne souhaiterait pas faire acte de candidature, mais pas pour la même motivation. Lui ne voudrait pas être une caution à ce qui pourrait être une forfaiture contre l’ancrage du processus démocratique. Mais tout cela paraît bien tard et trop improvisé, sinon planifié pour produire l’effet d’un pétard mouillé.

L’opposition a perdu la bataille depuis bien longtemps. Elle devait d’abord commencer par s’organiser bien avant le début du recensement électoral. On l’a très peu vue sur ce terrain. Pendant qu’il fallait mener cette bataille, elle a préféré s’empêtrer dans un silence coupable, sinon dans des gesticulations fébriles sans réelle portée, si ce n’est pour saper les efforts des uns et des autres. Avec seulement trois millions d’inscrits dont 50% n’ont pas encore leur carte nationale d’identité, seul document autorisé, en plus de la carte militaire et du passeport, pour exercer le droit de vote, l’opposition a perdu le potentiel qui lui aurait permis, au moins, de se sentir en compétition. En 2005, Blaise Compaoré avait obtenu 1,6 million de voix. Si cette année, il arrive à faire le même score, il est fort à parier qu’il atteigne les 90% de suffrage exprimé. Et l’opposition avec un ou mille candidats n’aura que des broutilles.

La présidentielle du 21 novembre sera, sans conteste, un sérieux test de la solidité et de la vitalité de la démocratie burkinabè, tant du point de vue de la qualité du personnel politique, des institutions républicaines et de tous les animateurs de la vie publique nationale, que de l’ancrage du processus dans les pratiques et des aspirations quotidiennes des populations. En clair, elle permettra de mesurer concrètement la légitimité de tous ceux qui prétendent agir au nom et pour les 15 millions de Burkinabè. Et sur ce plan, et quel que soit le vainqueur, il y a un sérieux doute, au regard de la faiblesse du nombre d’inscrits sur les listes électorales.

Cette présidentielle se tient dans un contexte où le pays est confronté à une crise profonde qui se manifeste sous un triple plan : crise de l’Etat (dont la faillite dans sa mission régalienne d’assurer à toutes les communautés ou groupes sociaux qui cohabitent sur l’espace territorial du Burkina Faso, l’accès au minimum de droit citoyen pour survivre - accès aux services sociaux de base et même à un repas journalier - est manifeste) ; crise des valeurs et des principes éthiques et moraux (corruption, contournements des règles, agonie morale, exclusions sociales, culte de la personnalité, patrimonialisation de l’Etat, etc.) ; crise de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, dans presque tous les domaines de l’action publique, entre les acteurs politiques et les autres composantes sociales.

Les Burkinabè perdent de plus en plus confiance aux processus électoraux, à l’Etat et à ses institutions, aux acteurs politiques. Ils le manifestent en boudant les listes électorales. Mais il faut en convenir, ce n’est certainement pas la meilleure façon de se battre pour sauver le pays de la patrimonialisation. C’est même une démission.

Le Burkina ira à cette élection avec un contentieux énorme autour de la question de l’alternance au sommet de l’Etat, voulue par la Constitution, mais remise en cause par des ambitions trop démesurées d’une partie de la classe politique. En fin de compte, cette présidentielle confirmera ou infirmera deux dangers qui guettent le Burkina Faso et son processus démocratique. Le premier est celui du triomphe d’un système politique vieux d’une trentaine d’années et sclérosé par tant d’efforts pour conserver le pouvoir par tous les moyens, de répressions, de fraudes et de confiscations des libertés collectives.

Ensuite, il y a le risque que les résultats de cette présidentielle soient instrumentalisés pour opérer les réformes « démocraticides » proposées par le CDP pour l’instauration d’une monarchie de fait au Burkina. Quoi qu’il en soit, tous les peuples méritent les gouvernants qu’ils ont. Et c’est certainement ceux que les Burkinabè méritent qu’ils ont. S’ils méritent mieux, il leur appartient, le moment venu, de se mobiliser pour faire front contre toute usurpation du pouvoir (qui leur appartient) et pour retrouver leur honneur et leur dignité.

Boureima OUEDRAOGO

Le Reporter

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Vos commentaires

  • Le 19 octobre 2010 à 23:33 En réponse à : Un couteau à double tranchant pour les candidats de l’opposition

    J aurais applaudi des toutes mes mains si au lendemain des elections, nous tous au pieds de Blaise Compaore avions des arguments solides et serieux pour defendre son bilan. Surtout au point de vue justice et respect de tous les droits. Apres ces elements, je voudrais savoir dans quelle direction notre developpement sera orienté : personnelle, collective, pillage organisé continu, renforcement de la mauvaise moralité ? Gros dossier, n’est ce pas ? Oui, mais la recherche du pouvoir implique que vous avez des solutions idoines à proposer à tout ce peuple qui voudrait esperer autre chose que les verbiages et mensonges. Visiblement, Blaise n’en a pas. La preuve : son silence assourdissant sur tous nos problemes. Il n explique rien au peuple (ses discours occasionnels soporifiques sont toujours creux et assomants). Des questions assaillent tout le peuple, meme les politiciens qui le supportent. Alors, il s appuie sur la partie la moins intellectuelle et la mène en bateau. Extreme signe negatif hypothequant notre avenir ; le larbinisme pour s’approcher de l’ecuelle de riz. Type Mobutu, Eyadema et tous les potentats qui ont tué et ruiné leur pays sous les louanges de ses contempteurs. Meme laminée, l opposition aura eu le merite de perdre à armes inegales et surtout par la recherche de facilité des electeurs qui auront choisi la CATASTROPHE à long terme..

  • Le 20 octobre 2010 à 09:28, par MCG En réponse à : Un couteau à double tranchant pour les candidats de l’opposition

    Ce qui est intelligent est de faire comme le Pdt Laurent Gbagbo.Il a placé un membre au moins de chaque parti dans le gouvernement,ainsi tout le monde est satisfait et le peuple pourra se rendre compte de l’efficacité de tel ou tel qu’il a supporté aux élections.Ce qui va déterminer les critères futurs de choix d’un candidat.
    A bon entendeur.....

    • Le 20 octobre 2010 à 16:48 En réponse à : Un couteau à double tranchant pour les candidats de l’opposition

      Mais il faut préciser que Bgagbo n’a pas fait cela par simple amour pour la démocratie ! il l’a fait parce qu’il était sous pression... Alors je ne vois pas pourquoi un gouvernement qui "officiellement" a la "confiance absolu" du peuple voudrait partager son "règne". De toutes les façons, ça ne servirait pas à grand chose pour les opposants (pour ne pas dire que ça leur serait fatal) étant donné que l’action du gouvernement reste très dépendante de la décision du parlement lui même détenu par qui on sait...

  • Le 20 octobre 2010 à 10:52, par GANDHHY En réponse à : Un couteau à double tranchant pour les candidats de l’opposition

    Bonjour,

    Bel article. Toute la verite a ete dite ; a tous les acteurs d’en tirer les lecons qui en decoulent en fonction de la position ou l’on se situe.

    Que Dieu benisse le BF.
    Excellente journee a tous

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