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PRESIDENTIELLE 2010 : Faut-il se fier au fichier électoral ?

Publié le lundi 18 octobre 2010 à 03h58min

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Le Burkina s’achemine-t-il vers l’une des plus mauvaises élections de son histoire ? Selon Moussa Michel Tapsoba, président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), en effet, il n’y aura aucun croisement, contrairement à ce qu’il avait lui-même laissé entendre dans un passé récent. Cette opération technique visait à rapprocher la base de données de la CENI avec celle de l’Office national d’identification (ONI), qui délivre la carte nationale d’identité burkinabè (CNIB). La CNIB, la carte militaire et le passeport sont, aux termes de la loi électorale, les seules pièces permettant au citoyen inscrit de voter. L’opération de croisement devait permettre de ne retenir que les personnes inscrites au niveau de la CENI, et qui disposent effectivement de la carte nationale d’identité burkinabè. Mais on le constate, le choix de fiabiliser le fichier électoral par le biais du croisement est aujourd’hui considéré comme n’étant pas une obligation légale.

On disait jusque-là l’élection présidentielle sans enjeu au Burkina. Les propos du président de la CENI, quant à eux, rendent bien perplexe, les électeurs ne s’étant pas beaucoup inscrits. Il avait déjà soutenu que même avec un nombre réduit d’inscrits, on votera et les résultats seront tout aussi valables. Dans nos campagnes isolées, des leaders influents ne chercheront-ils pas à outrepasser les textes de loi ? A quoi donc auront servi toutes ces longues années d’efforts investis afin de pouvoir disposer de cartes biométriques ? La situation présente incite à se demander si l’on ne finira pas par mettre la quantité et la qualité dans la même poubelle de l’histoire de notre expérience démocratique. Michel Tapsoba semble visiblement mécontent des résultats obtenus. Mais faut-il vraiment s’en étonner ? En dépit de son franc parler et de son désir de rassurer l’électorat et l’opinion burkinabè, par cette sortie le président de la CENI déroute quelque peu. Il ne suffit pas d’avancer que le croisement n’est pas une obligation légale pour convaincre. Des engagements avaient été pris face à l’opinion et aujourd’hui on a le sentiment d’un vrai recul.

Les arguments avancés pour justifier le fait de renoncer au croisement paraissent d’autant plus incompréhensibles que le croisement avait été présenté comme étant un exercice incontournable devant permettre de constituer un fichier électoral fiable. Cela, en vue d’évoluer vers des élections apaisées, transparentes, crédibles et impartiales. Serions-nous finalement victimes de nos propres prétentions ? Notre acharnement à vouloir faire école ne nous aurait-il pas conduit dans un véritable labyrinthe ?

Il y a lieu de s’interroger davantage, car ces dernières années, trop d’interférences, trop de contradictions dans les actes et les propos de différents acteurs ont prêté à confusion. Ainsi en est-il de la chasse à l’électeur qui s’est traduite par des courses poursuites à travers tout le pays. Responsables de l’administration publique, acteurs et leaders de partis politiques, membres de la société civile ou assimilés, se sont démenés pour convaincre les indécis à aller s’inscrire sur les listes électorales. A cette occasion, des prises de position ont parfois mis à mal les autorités qui ont dû par moments rappeler avec fermeté que les textes de loi seront respectés dans toute leur rigueur. Il semble aujourd’hui, après tous ces efforts, qu’à la désaffection du public électeur, soit venue s’ajouter la désillusion du chasseur d’électeurs propres. Selon l’adage, « trop de viande ne gâte pas la sauce ». Mais le système électoral burkinabè ne souffrirait-il pas aujourd’hui de trop de laisser-faire, de trop d’incohérences, de trop d’incoordination ? Le président de la CENI disait récemment que le processus évoluait dans la perspective du respect du droit. Force est pourtant de reconnaître qu’en la matière, les problèmes soulevés par sa propre structure, eu égard aux lacunes constatées sur les fichiers de l’Office national d’identification (ONI), sont de nature à susciter de réelles inquiétudes.

A l’évidence, ces deux structures ne semblent pas avoir travaillé dans une synergie d’actions coordonnées. Sinon, au rythme où se passaient les choses, comment n’avoir pas vu venir les couacs ? Des opérations pertinentes de suivi/évaluation auraient par exemple permis d’apporter les correctifs nécessaires. A-t-on travaillé collégialement de manière à prévenir les défaillances relevées aujourd’hui au grand jour ? Au plan des ressources, nul n’ignore les difficultés enregistrées sur le terrain tout au long des opérations menées par les personnels requis. Trop de pressions ont été mises sur les structures et les hommes ! Dans la confusion généralisée, des compétences ont sans doute été transférées d’une structure à l’autre dans la méconnaissance ou carrément dans l’ignorance des textes en vigueur. Or, des ressources humaines non qualifiées, mises à rude épreuve ou soumises à des pressions qu’on s’explique parfois difficilement, sont bien souvent cause d’insatisfactions. L’expérience du Burkina en matière de stabilité, d’organisation, de recensement, de consultation électorale, le dispense-t-il d’un minimum de simulation ? Un peu de sagesse et moins de passion et de précipitation n’auraient-il pas mis le système électoral à l’abri de ces dysfonctionnements qui sont aujourd’hui ouvertement décriés ?

"Le Pays"

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