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Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

Publié le vendredi 15 octobre 2010 à 02h52min

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Partout dans la capitale ivoirienne, les signes en rapport avec la foi chrétienne se démultiplient. L’on pourrait même douter de la laïcité de ce pays dont le père fondateur a consacré un sanctuaire à la Vierge Marie : la basilique Notre-Dame de la Paix, située à Yamoussoukro. La proximité de l’actuel chef de l’Etat avec la galaxie protestante semble une suite logique. D’innombrables lieux de culte essaiment dans la capitale ivoirienne. Après un passage de quelques jours fin août 2010 à Abidjan, le bouillonnement évangélique nous a interpellé. Si certains voient en ce phénomène le signe d’un réveil spirituel, le moins que l’on puisse dire est que les motivations profondes de certains acteurs sont, elles, souvent aux antipodes des convictions religieuses.

En empruntant le "gbaka" aux heures de pointe ou simplement en flânant dans le marché populaire d’Adjamé ou sur la place « Figayo » lors d’un Maracana, ne vous étonnez pas d’entendre dans les conversations les plus anodines des phrases du genre « tu es vaincu au nom de Jésus ».

Les exorcistes, ou prétendus tels, la ville en est pleine, tout comme les lieux de culte. A Abidjan, l’on peut se demander si les églises et temples ne surclassent pas les bistros et autres enseignes de commerce en nombre. Dans cette ville cosmopolite qui abrite environ cinq millions d’âmes, la foi chrétienne est déclinée sous toutes ses variantes.

La branche chrétienne communément appelée Protestante semble avoir le vent en poupe en ce moment. « A Abidjan, les églises évangéliques, baptistes, méthodistes... poussent comme des champignons avec leurs appellations inspirées de la Bible : Eglise du Peuple de Dieu pour la nation ; Eglise de la Consécration ; Eglise du mont Sinaï ; Eglise de l’Alliance chrétienne ; Eglise du Royaume universel de Dieu... » écrivait Jean-Pierre Tuquoi dans le journal Le Monde du 13 novembre 2006. Quatre années après, la tendance a continué, elle s’est confirmée. Le tout dans une atmosphère de suspicion d’affairisme.
Une installation incontrôlée

Bien que le culte soit placé sous la tutelle du ministère en charge du territoire, l’implantation des églises ne semble pas répondre à une réglementation. Dans les salons des appartements, les recoins des rues ou sur des terrains vagues, des fidèles se réunissent sous la conduite d’hommes et de femmes (il y a des femmes leaders d’églises à Abidjan) se réclamant de Dieu. Pasteurs, Bishops, Apôtres, Prophètes… c’est ainsi qu’ils s’autoproclament.

Ces nouveaux gourous, Bible en main (Bible à la bouche devrions-nous dire, car les versets ne leur font jamais défaut), prêchent un Dieu dont la bonté est si mitigée… Un Dieu qui brise les genoux des ennemis, qui fait descendre le feu sur les envahisseurs, un Dieu qui préfère les billets craquants, et n’aime pas le bruit des jetons au moment de la collecte des dîmes et offrandes.

Yopougon, quartier Maroc. Sur un terrain vague sablonneux, des fidèles sous de nombreuses tentes occupant même la voie publique. Couchés de tout leur long à même le sable et tenant chacun un document facilement identifiable, la Bible, ils prient devant une table de jardin décorée de fleurs.

C’est une église qui rassemble des multitudes autour d’un agent de la gendarmerie ivoirienne qui s’est curieusement découvert une autre vocation : paître les brebis du Seigneur. A la fin du culte, on leur vendra à coup de milliers de francs une "eau bénite" dans des bidons et fioles. Le marché de la détresse tourne à plein régime.

Ce n’est plus un secret, en tout cas pas à Abidjan, que « affaire de Dieu là, y a argent dedans ». Costumes et voitures de luxe, appartements chics et garde rapprochée, c’est le lot de certains de ces médecins de l’âme. Les dîmes et les offrandes, les sessions de délivrances, voilà les tuyaux de collecte de fonds.

Le mercantilisme spirituel se trouve exacerbé dans cette ville à cause de la relative propension de l’Ivoirien à estimer les choses coûteuses : ce qui coûte cher est de qualité. Les fidèles ont épousé ces pratiques au point que les hommes d’église qui s’en écartent ne sont pas estimés d’eux.

Mme Koné, femme d’un responsable d’église : « Une femme est venue dans notre église pour une session de prière de délivrance. A la fin de la prière, elle a voulu remettre une enveloppe d’argent aux responsables. Quand ils lui ont répondu que ce n’était pas nécessaire, elle a affirmé que c’est ainsi qu’elle faisait dans les autres églises. Elle n’est plus revenue dans notre église ».

Gérard Bamoi, un jeune Burkinabè en séjour à Abidjan pour vendre ses talents sportifs témoigne : « Un pasteur est venu un jour dans notre église. Vu la ferveur de son prêche et de la prière ce jour, je me suis approché de lui à la fin du culte pour qu’il m’assiste en prière, car je devrais avoir un entretien avec les dirigeants d’un club. Celui-ci me demanda de préparer une offrande de 50 mille francs et de revenir le voir. J’en suis resté bouche bée. Qu’il me l’a dit sans détour, je n’en croyais pas mes oreilles ». Des ouailles souvent fauchées en ces temps de crise vident leur bas de laine pour entretenir des pasteurs repus.
Seul Dieu reconnaîtra les siens

Dans un secteur quasi informel où chacun a sa propre affaire sans en référer à une quelconque autorité spirituelle supérieure, les dérives des dirigeants d’églises sont dénoncées au plus haut sommet de l’Etat. La foi évangélique du président Laurent Gbagbo n’est un secret pour personne. Ses discours sont souvent empreints de ferveur religieuse et ses accointances avec certains hommes de Dieu sont de notoriété publique.

Avec ses conseillers spirituels comme le pasteur Dion Robert et sa maisonnée, des cultes sont célébrés à sa résidence. Mais, ces temps-ci, ses oreilles semblent fatiguées de leurs déclarations. Lors d’un colloque organisé pour le jubilé des églises protestantes tenu les 19 et 21 août à Abidjan à l’église le "Réveil de la Riviera-Bonoumin", le chef de l’Etat ivoirien s’est départi de sa soumission de fidèle pour remonter les bretelles aux hommes de Dieu.

« Il y a des pasteurs qui agissent comme les féticheurs. Moi, je suis là, je regarde. Je reçois tout le monde. Mais Dieu n’est pas un menteur et Dieu ne raconte pas d’histoires (…) Mettons-nous à genoux et prions au lieu de jouer les marabouts et les féticheurs, ce n’est pas chrétien », leur a-t-il dit. Des piques très aiguisées à l’encontre des brebis galeuses du milieu de cette communauté. Et elles sont nombreuses entachant de ce fait la réputation de tous, devenus suspects.

Certains d’entres eux se réservent toutefois de goûter au pain de la fausseté. Et leurs brebis leur rendent témoignage, à l’image du jeune Komena, fidèle du ministère de l’église de Philadelphie basée dans la commune de Yopougou. « Il est de notoriété publique que la plupart des pasteurs mangent l’argent de leurs fidèles ; mais chez nous, c’est plutôt nous qui bénéficions des largesses de notre pasteur », affirme-t-il.

Dans cette constellation d’hommes et de femmes d’église aux desseins souvent contraires et inavoués, seul leur maître et mandant auprès du peuple saura connaître les siens. A Abidjan, l’overdose de foi n’a pas encore porté de fruit. La moralité reste mitigée et le pays attend toujours son sauveur pour sortir de l’ornière. Ses multiples prêcheurs en ont-ils vraiment conscience ? En tout cas, les résultats de leurs prières se font toujours attendre.

Christian Zongo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 15 octobre 2010 à 08:40, par Albert En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    Bonjour à Lefaso.net. J’espere que mon écrit sera publié, car ce que je souhaite indiqué est probablement une forme de manipulation que vous n’avez peut être pas perçu :

    L’Observateur Paalga a écrit 2 (deux) longs articles aujourd’hui sur "l’église évangélique de Philadelphie" que vous avez publié. Cet article qui nous dit a la fin que tous les pasteurs sont des faux types sauf celui de l’église de Philadelphie et celui "Crise ivoirienne : Un "prophète" prédit une fin dramatique". Dans ce dernier article, l’Observateur nous dit que le pasteur de l’église de Philadelphie est un "prophète"...

    Il me semble que ce soit un publi-reportage pour amener des adeptes à "l’église de Philadelphie".

    Je pense que les personnes de l’Observateur sont malhonnêtes, sont des adeptes de cette église, et font de la publicité pour leur église a travers un journal public.

    • Le 15 octobre 2010 à 09:48, par fokama En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

      C’est plutot vous qui etes gagné par la susceptibilité.
      Lefaso a publié sur la Rose Croix et presque sur toutes les religions et autres sectes.Pourquoi n’avez vous pas dit que cela etait du proseletisme de la part des journalistes ?

    • Le 15 octobre 2010 à 10:35, par Alpha Baba En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

      le style de l’article est vraiment bien lisible, ça se lit comme un roman sauf que la prise de position est tendencieuse, en effet il aurait été bien jugé de ne pas dire que toutes eglises mangent l’argent de leurs fideles sauf"" et vous faits passer des propos d’un certain prophete qui predit une fin tragique en cette periode delicate pour la Cote d’Ivoire. Soyons donc juste cher journaliste de relater les faits. Les propos d’un seul individu ne peuvent temoigner de la bonne foi de la seule eglise que vous pretentez bien. Merci encore de montrer une facette de la cote d’Ivoire mais de grace faite un tour ici et vous en verrez aussi

      • Le 28 octobre 2010 à 12:09 En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

        Donne moi un seul exemple de ces nouvelles eglises champignons qui ne mangent pas le sucre sur le dos de leurs fideles : Le journaliste- la est tres bon. A le lire, j’ ai senti en lui un inspire, pas un illumine. Si tous les journalistes pouvaient avoir cette plume legere. Il est vrai que tout le monde veut devenir journaliste meme quand le talent est bien eloigne de la chose. Un peu comme ces pateurs des temps nouveaux. Il est vrai que la vie devient de plus en plus dure.

        Un critique litteraire.

  • Le 15 octobre 2010 à 11:32, par Veridik En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    Je souhaite que nous soyons souvent raisonnables. Quelle est cette manie maladive de voir le diable partout. Un journaliste écrit un mot et qu’il met une minuscule ou une majuscule, on trouve qu’il y’a un message caché derrière. Mais enfin, soyons sérieux ! J’ai plutôt l’impression que les gens sont devenus tellement mauvais qu’ils n’imaginent même pas qu’on puisse faire ou dire quelque chose SIMPLEMENT.
    On est fatigué de ces pseudos internautes qui ne font que critiquer les journalistes pour un oui ou un non.

    • Le 15 octobre 2010 à 14:53, par Hermann BADO www.h-bado.blogspot.com En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

      C’est Bien Triste tout cela ! il me semble que se qui est deplore’ ici, c’est le caractere tendancieux de l’Article.

      Remarquons meme le titre : "Affaire de Dieu la, ya l’argent dedans de’". Meme s’il ya un effort pour equilibrer l’article, L’auteur est guide’ par une certaine ignorance, du sujet qu’il traite.

      C’est Bien dommage.

      Que Christ Benisse votre travail, et que votre prochain article puisse se titrer : "AFFAIRE DE JESUS LA, IL EST VRAIMENT VIVANT De’" !

      GOD Bless you !

  • Le 15 octobre 2010 à 13:01, par nikiema En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    Un conseil, Mr le journaliste. Dieu et la politique c’est 2 choses différentes. N’aventurez pas là où les choses semblent être complexes pour vous.Ne fondez pas vos arguments sur un sois disant chrétien. Ne croyez pas aussi qu’il y a de l’anarchisme dans ce milieu ; s’il y en a , élargissez votre opinion sur d’autres confessions religieuses et on verra si vous n’allez faire un retrait mani- militari de cet article.Partout il ya des brebis gâleuses et au lieu de doigter prenez votre doigt et faites le tour d’horizon. C’est beaucoup plus sage.

  • Le 15 octobre 2010 à 20:29, par le bon citoyen En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    Bonsoir

    Je pense que rien ne pourra sauver le nègre que l’éducation.

    Nous sommes les seules peuples qu’on est arrivé à faire nier nos ancêtres aux profits de religions étrangères qui ne font que nous égarer. On a profiter de notre envie du gain facile pour nous inculquer cela et ça marche.

    L’ancien président RAWLING du Ghana a dit qu’il faut parfois passer à l’acte au lieu de passer le temps à prier, malheureusement la plus part des gens passent leur temps à enseigner les gens de prier devant leur problèmes. Conséquence, l’Afrique s’enfonce de jour en jour. Car il suffit qu’un courageux prend le pouvoir et fait ce que bon lui semble et les autres diront : prions, ça passera ou bien c’est la volonté de dieu.

    Tant qu’on ne saura pas (comme dise les musulmans aides toi et Dieu t’aidera) que c’est par notre effort que Dieu nous récompensera et aura les yeux tournés vers un secours providentiel on sera toujours les derniers du monde et vivra de dons de ceux qui luttent pour l’avenir de leur nation.

    Pour le Burkina, je pense que le gouvernement doit prendre des mesures conservatoires contre la pratique de culte, les décorations à vocation religieuse et même le port d’habit avec des images et messages religieux dans les bureaux, et les lieux publiques.

    C’est regrettable ce que nous vivons

  • Le 16 octobre 2010 à 07:17 En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    Je pense que le journaliste a rapporté ce qu’il a constaté. À bien comprendre, il y a séjourné pour ses deux articles et eu l’occasion de discuter avec cette église et ses membres et rapportent leurs temoignages. Il n’ a certainement pas eu le temps de visiter toutes les églises, et il parle de ce qu’il a vu et entendu. Seulement il serait bien prochaiment d’entendre plusieurs personnes de différentes églises pour ne pas donner forcement l’impression de faire la pub de M. Koné.... J’ose croire que le journaliste n’avait remarqué cet amalgame...

  • Le 16 octobre 2010 à 12:13, par prlefaso En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    L’article fait bien de souligner les derives de l’eglise ; Mais je oense que ce serait bien de faire la part des choses. Sinon c’est insultant de mettre toute la religion dans un meme sac. La derive d’une part ne saurait etre generalisee. Autrement c’est toujours bien de tirer la sonnette d’alarme sur ceux qui veulent de facon illicite et malhonnete "bouffer" sur le dos de la religion.
    MErci

  • Le 16 octobre 2010 à 13:19, par alidou En réponse à : Abidjan : "Affaire de Dieu là, y a argent dedans dè"

    Que diable votre propension à amener tout le monde dans votre "croyance"n’a de pareille que le zele de certains de vos adeptes. que voulez vous ? on est pas libre d’aller dans son enfer ? il n’ y a pas de contrainte en religion apprenez le. Le problème avec ces eglises d’un genre nouveau c’est leur trop trop grande presense à la limite du’harcellement. Vous finirez de reveiller les autres ismes à force d’exihibition qui vous balayeront un jour.

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