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MUGABE-TSVANGIRAI : Le mariage de la carpe et du lapin

Publié le jeudi 14 octobre 2010 à 03h56min

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Les choses coincent au Zimbabwe. Le chandelier nuptial de Robert Mugabe et de Morgan Tsvangirai risque, à s’y méprendre, de s’ébranler. En effet, il faut rappeler que le tandem entre ces deux ténors chevronnés du sérail, célébré au forceps, remonte à février 2009. Il fait suite à l’élection présidentielle controversée de 2008 qui avait vu la reconduction à la tête de l’Etat, le père de l’indépendance zimbabwéenne, Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980. Le traditionnel branle-bas sociopolitique qui accompagne habituellement la proclamation des résultats électoraux en Afrique, avait inexorablement conduit à la signature, sous la houlette de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC), d’un accord de partage du pouvoir entre les deux mastodontes politiques. Cet attelage, désormais en ligne de mire, aurait pu permettre au peuple zimbabwéen de s’affranchir des mystérieuses vicissitudes de la vie.

Hélas ! Les chefs d’Etat africains, dans leur quasi-totalité, sont si obsédés par le pouvoir que l’on se demande souvent s’il ne serait pas utopique et aberrant de rêver d’une Afrique unie et solidaire telle que l’ont souhaitée les figures emblématiques du panafricanisme.

Comment, en effet, un chef d’Etat, qui ne concède pas un simple partage du pouvoir avec son propre compatriote, pourra un jour l’abandonner au profit d’un autre ? En effet, ce qui se passe actuellement au Zimbabwe a de quoi faire douter davantage. En réalité, ce qui fait du continent africain "une véritable vallée de larmes", c’est l’indomptable et l’insatiable cupidité de sa nouvelle race de dirigeants. Le président Robert Mugabe, après avoir unilatéralement choisi dix gouverneurs provinciaux et cinq juges, s’évertue encore à nommer plusieurs ambassadeurs, sans consulter son Premier ministre. Pourtant, l’accord de partage adopté en février 2009 l’exige tacitement. En réaction à ce comportement hérétique et irresponsable, le Premier ministre, Morgan Tsvangirai, demande aux organismes et Etats concernés ( les Nations unies, l’Union européenne, l’Italie, la Suisse, la Suède et l’Afrique du Sud) de ne pas reconnaître ces ambassadeurs que le chef de l’Etat veut mettre en place.

Autant dire qu’il y a de nouveau de l’eau dans le gaz en ex-Rhodésie du Sud. Le président Mugabe a certainement oublié que même le pouvoir discrétionnaire d’un chef d’Etat, dans un gouvernement de cohabitation, connaît des limites. Le plus souvent, le protocole d’accord qui l’institue précise les attributions du président et celles de son Premier ministre. Le gouvernement de coalition renferme généralement des forces politiques antagonistes, si fait que toute attitude de mépris doit être bannie. Le favoritisme et les passe-droits n’y ont pas leur place. Le président Mugabe, en concédant la formation d’un gouvernement de consensus, pensait pouvoir jouir, en plus, de toutes les prérogatives dévolues à un chef d’Etat. Toute chose qui paraît pour le moins impossible. Il donne ainsi l’impression d’un pauvre cordonnier qui s’échine à vouloir porter concomitamment les mêmes sandales à plusieurs personnes.

On le sait, à l’image de son homologue ivoirien, le président zimbabwéen joue au roublard et au feu follet. Généralement, à l’approche des échéances électorales, les landerneaux politiques, sous nos tropiques, sont fort agités et les manoeuvres politiciennes vont bon train. Le président Mugabe s’inscrit inconsidérément dans cette logique, et n’en fait qu’à sa tête. Il a, de toute vraisemblance, toujours perçu son Premier ministre, Morgan Tsvangirai comme le valet local des Occidentaux pour lesquels il n’a de cesse manifesté sa détestation. Qu’il s’en convainque. Le national-socialisme n’a guère été utile à l’Allemagne qui l’a secrété. L’idéologie la plus dangereuse et la plus fausse est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes, leur enseigne la haine et l’intolérance. Tout combat politique ou idéologique doit, s’il veut garder sa noblesse et sa justesse, reposer sur la vertu.

Le Premier ministre Tsvangirai, a su, en dépit des menées et des intrigues diverses de la ZANU-PF de Robert Mugabe, faire preuve de patriotisme, en avalant autant de couleuvres. Ne dit-on pas que les grands hommes sont ceux qui, en dépit des multiples orages extérieurs, arrivent à se faire un calme intérieur ? On se rappelle que Roy Benett, le trésorier du parti du Premier ministre le MDC (Mouvement pour le changement démocratique), poursuivi à tort ou à raison pour terrorisme, n’a pas pris ses fonctions au ministère de l’Agriculture. Autant d’épreuves endurées par le Premier ministre Tsvangirai et qui renforcent l’idée d’un mariage de la carpe et du lapin. Mais les lubies de Mugabe ne finiront-elles pas par émousser la patience de Tsvangirai ? Au regard de toutes ces turpitudes, le président sud-africain, Jacob Zuma, en sa qualité de facilitateur mandaté par la SADC, doit, avant qu’il ne soit trop tard, prendre le problème à bras-le-corps.

"Le Pays"

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