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Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (3/3)

Publié le mercredi 13 octobre 2010 à 03h14min

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Laurent Bado et Hermann Yaméogo ont fait l’impasse considérant que « l’élection était pliée à l’avance »

Elu député lors des législatives du printemps 2007, Hama Arba Diallo va alors remettre sa démission au secrétaire général des Nations unies ; il y occupait le poste de secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies contre la désertification (UNCCD). Sa démission sera effective à compter du 19 juin 2007. HAD, député-maire de Dori (province du Seno) au titre du Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS), cinquième vice-président de l’Assemblée nationale, siège au sein du groupe ADJ : « Alternance pour la Démocratie et la Justice » (qui compte 11 députés dont 2 PDS, les autres députés de ce groupe appartenant à UNIR-PS, PDP-PS, UPS et UDPS).

En 2005, lors de la précédente présidentielle, le PDS avait soutenu la candidature de son poulain : Philippe Ouédraogo (qui avait, par ailleurs, le soutien de la CDS et de l’UFP). Mais l’ambition de Ouédraogo était de battre… Soumane Touré soutenu par le PAI. Conflits personnels entre têtes d’affiche du PAI (cf. LDD Burkina Faso 0236/Mercredi 6 octobre 2010) dont chacune revendique la paternité (Ouédraogo est désormais le patron du PAI/PO, autrement dit : « tendance Philippe Ouédraogo », c’est dire la difficulté qu’il y a, au Burkina Faso, à aller au-delà de l’intérêt personnel des hommes pour prendre en compte l’intérêt collectif de la nation).

Lors de sa convention nationale, le samedi 19 décembre 2009, le PDS avait annoncé la couleur : « L’opposition n’a pas le droit d’aller en rangs dispersés à la présidentielle 2010 ». On pouvait penser que le groupe parlementaire ADJ était bien placé pour se mettre d’accord sur un candidat unique. Erreur. Il n’a que onze députés mais trois candidats à la présidentielle : François Kaboré pour le PDP/PS, Bénéwendé Sankara pour UNIR/PS et… HAD pour le PDS.

L’union revendiquée autour de la candidature de Diallo est formelle : les autres soutiens sont, certes, des partis politiques mais sans représentation à l’Assemblée nationale. Six partis pour un seul candidat, mais des partis cruellement démunis de partisans et plus encore de représentants nationaux. Et à 71 ans, HAD aura bien du mal à convaincre qu’il est l’altermondialiste dont la victoire permettrait d’affirmer que « un autre Burkina est possible » (un slogan de campagne qui rappelle celui des ex-anti-mondialistes : « Un autre monde est possible »).

Investi le 18 septembre 2010, HAD a confié la direction de sa campagne à Philippe Ouédraogo, un prestigieux X-Mines de 68 ans, qui a raté la présidentielle de 2005 et n’est jamais parvenu à unifier (et moins encore à réunifier) le PAI ; c’est dire que la partie n’est pas gagnée.

« Sérieux », « mûr », « intelligent », « sage »… HAD serait une illustration idéale pour « le pays des hommes intègres » marqué désormais, dit-il, « par le chômage généralisé surtout des jeunes, la pauvreté croissante, la corruption, les détournements et la mauvaise gestion des ressources publiques, l’insécurité, l’impunité et l’injustice sociale ». Un Peul au pays des Mossi, ce n’est déjà pas évident (même si les Burkinabè réfutent toute vision ethnique) ; un septuagénaire à la tête d’un pays où les enfants et les adolescents sont démographiquement hégémoniques ; un élu local du Nord pour gouverner au centre… HAD n’a pas tous les atouts en main.

Ce qu’on peut espérer de HAD et de son équipe de campagne c’est un discours différencié sur le passé, le présent et, plus encore, l’avenir du Burkina Faso. Les hommes au pouvoir, nécessairement, ronronnent. Ils sont en place depuis longtemps et entendent naturellement y rester. Dans ce contexte, beaucoup pensent, notamment parmi les jeunes, que la société burkinabè est bloquée et qu’il faut, du même coup, penser à d’autres horizons que celui que peut ouvrir l’engagement politique.

Blaise Compaoré, Bénéwendé Sankara, Emile Paré, Boukary Kaboré ne sont pas des nouveaux venus sur la scène politique nationale ; si François Kaboré et HAD sont plus « neufs », ils sont loin d’être jeunes et ont fait leur carrière dans des institutions internationales.

Laurent Bado (du PAREN) et Hermann Yaméogo (de l’UNDD), candidats en 2005 (Yaméogo s’était cependant retiré à la veille du scrutin) ont fait l’impasse considérant que « l’élection était pliée à l’avance » ; Ram Ouédraogo, candidat en 1998 et en 2005, n’évoque même plus la présidentielle. Les précédents scrutins ont d’ailleurs été marqués par des abstentions politiquement significatives, ce qui n’est pas la meilleure des choses pour une « démocratie ». Certes, au Burkina Faso, depuis la « renaissance démocratique », et la « recréation » du poste de Premier ministre, le monolithisme gouvernemental tend à s’effriter (c’est vrai au fil des nominations à la primature ; c’est vrai plus encore depuis que Tertius Zongo a été nommé à la tête du gouvernement) mais la réflexion sur ce qu’est le Burkina Faso et ce qu’il doit être est encore empreinte d’un « politiquement correct » qui est essentiellement clientéliste.

Dans les années 1980, la Haute-Volta avait été « révolutionnée » par une jeune génération. Vieillissante, elle gère les acquis mais ne propose pas clairement une vision neuve du Burkina Faso des années 2010. Et ne laisse pas penser qu’une nouvelle génération soit en train d’émerger. La présidentielle 2010 promettait d’être une consultation électorale sans campagne et sans débat. Une « opposition de gauche » rassemblée (aussi limité soit ce rassemblement) permettra-t-elle de dire autre chose que ce qu’on ne cesse de répéter depuis près de deux décennies (la première présidentielle « post-révolution » au suffrage universel remonte à 1991) concernant la formidable métamorphose du Burkina Faso quand, tout autour, les systèmes politiques en place tendaient à s’effondrer ou à pourrir de l’intérieur ? Il faut l’espérer.

La vitalité politique de la Haute-Volta et du Burkina Faso a toujours été exceptionnelle et plutôt cohérente. Avec ce qu’il faut de soubresauts et de conflits sociaux qui font l’histoire d’un pays et d’un peuple. Depuis quelques temps, la gestion économique l’a emporté sur l’innovation politique. L’implication diplomatique de Ouagadougou dans la gestion des « crises » auxquelles ont été confrontés les pays de la sous-région a occulté la politique intérieure au profit de la politique extérieure. Et permis un certain nombre de dérives. La campagne présidentielle devrait être l’occasion de remettre les pendules burkinabé à l’heure de Ouaga et non plus de Lomé, d’Abidjan, de Conakry ou d’ailleurs. Une présidentielle n’est jamais une élection comme une autre. Elle permet de choisir un chef. Autrement dit, la direction dans laquelle on veut aller. Aujourd’hui, les Burkinabè veulent non seulement savoir où ils vont mais aussi comment ils y vont ; et avec qui. Car chacun est bien conscient que si l’élection 2010 est une formalité, elle préfigure déjà les combats qui vont être menés pour la présidentielle 2015 qui nécessitera une réforme constitutionnelle afin de permettre à Compaoré de postuler, une fois encore, à la présidence du Faso. Les expériences ouest-africaines démontrent qu’il est toujours plus difficile de céder le pouvoir que de le conquérir !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

NB - J’ai fait l’impasse sur deux candidatures qui ne me semblent pas politiquement significatives. Maxime Kaboré se présente comme un candidat indépendant ; il vit depuis vingt ans en Europe et a un profil politico-religieux difficile à définir. Harouna Dicko avait déjà annoncé sa candidature en 2005 mais n’en avait pas eu les moyens ; c’est un ancien ouvrier de l’usine textile Faso Fani, mais il est peu probable qu’il devienne le « Lula » du Burkina Faso.


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Vos commentaires

  • Le 13 octobre 2010 à 11:18, par Tapsoba En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (3/3)

    «  Un peulh au pays des mossi ,ce n est déjà pas évident  »

    Qui vous donne ce droit de tenir de tels propos divisionistes ? Voilà des pyromanes qui n hesitent pas à mettre le feu pour revenir jouer aux pompiers.Ils étaient nombreux devant des écrans de télé francaises ,avec des convictions déconcertantes ,à parier qu obama ne serait jamais président des USA non pas qu il ne convainquait pas par ses idées mais son obstacle serait sa peau.Ils en mordent les doigts aujourd hui car ils oublient que “Amerique” n est pas “france” qui cache mal son racisme.Est ce que le peulh qu il est viendra gouverner uniquement les mossis ou bien croyez vous que le terroir mossi est à part dans le Burkina ? Et puis,si vous les colons étiez convaincus que les ethnies ne pouvaient vivre en harmonie et s inter agir,pourquoi n avoir pas tenu compte lors des tracées des frontières que de revenir tenir des arguments spécieux qui ne tiennent meme pas la route ? Lamizana était il mossi ? N a t il pas gouverné 14 années durant et mieux ,il a battu un mossi(Macaire Ouedraogo) lors d élection democratique en 1978,pas comme aujourd hui on nous sert des bourrages d urnes et corruption électorale pour se maintenir au pouvoir.Pourquoi adopter le Francais comme langue officielle ? N est pas pour preserver cette homogénité ? HAD représentait il le Burkina ou les peulhs à l ONU ? Pardon Monsieur,Faites nous SVP ,l économie du syndrome Rwandais ou Ivoirien si vous êtes à court d arguments.

    Sans rancune et merci de laisser passer mon message .

  • Le 13 octobre 2010 à 13:08 En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (3/3)

    je pense que ce monsieur aurait dû préciser exactement pourquoi bado et yaméogo ne sont pas candidats ; bien vrai qu’ils disent que l’élection est pliée mais pourquoi ils disent qu’elle l’est ? Parce que les conditions de sa tenue sont catastrophiques. ces candidats, j’en suis certain, iraient à des élections même en sachant qu’ils perdraient si les conditions du scrutin n’étaient pas catastrophiques. et ils reconnaîtraient leur défaite

  • Le 13 octobre 2010 à 22:17, par mytibketa En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (3/3)

    Cet écrit ramène au grand jour des considérations qui sont vehiculées dans certains milieux aussi bien intellectuels que dans les campagnes. Il y en a qui vont jusqu’a dire qu’au delà d’une certaine distance d’un point zéro pris dans la capitale ou le chef lieu on ne peut pas prétendre assumer des responsabilités de tout ou parti du pays .C’est méconnaitre l’histoire d’un pays et sa dynamique et il n’est pas bon qu’on fasse un différence entre telle ou telle ethnie^. Je sais que d’autres diront qu’il parle pour ne rien dire et que la réalité c’est comme ça mais ces derniers manquent d’arguments et cachent mal leurs ambitions démésurées.Les mossis ne sont pas si majoritaires que celà et les partis sont loin d’être des partis d’obédiance ethnique. Aussi tablons sur la qualité des hommes qui peuvent nous gouverner que sur leur appartenance ethnique qu’il soit mossi peulh, bobo et j’en passe . Vous savez ailleurs aux USA un homme de moralité douteuse porté sur certaines dérives ne peut en aucun cas briguer quoi que ce soit. C’est certe une forme d’intolérence mais à force d’insister sur cet aspect on en a fait une loi non écrite celà pourrait nous arriver pour les ethnies si on n’y prend garde.Ces references à l’ehnie est un point qu’il faut proscrire et travailler à faire disparaitre ; d’ailleurs la construction d’un village, d’une ville est le fruit des nouveaux arrivants , les autochtones se contentant du minimum celà est une réalité. Ceux qui pense y gagner se mordrons les doigts pour tout retour de la manivelle. Les sujets pour une campagnes sont nombreux ; exemples : s’engager à lutter contre la corruption, le népotisme la patrimonialisation voilà des thèmes qui pourraient interesser le plus grand nombre en lieu et place de ces considérations et des teeshirts des pagnes et j’en passe. Allons vers des elections qui unissent et non qui séparent. Et tout le monde aura à gagner.

  • Le 13 octobre 2010 à 22:34, par Amkoulel En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (3/3)

    <>, chers amis je ne prendrai pas de position, car je trouve des arguments dans les deux camps.
    Avouons qu’aussi longtemps que les chefs féodaux joueront un rôle aussi prédominent sur la scène politique Burkinabè il faudra craindre qu’ils n’utilisent cela à quelques fins que ça soit,oublierons nous le symdrôme de "Peulh-Mossi" utilisé pour dire que Sankara n’était pas pleinement Mossi ? Cher intervenant quand vous utilisez les rôles de Lamizana, et de Saye Zerbo n’oubliez pas qu’ils étaient à l’origine militaire ?
    Ceci étant ne dramatisons pas non plus cette situation car si notre peuple vote pour l’enfant de la région plus que pour les idées des protagonistes et leur capacité à appliquer leurs programmes, c’est simplement que l’instruction fait défaut,que des personnes devant être impartiales perdent leurs impartialités, et que certains chefs féodaux sont devenus des vassaux du pouvoir en place ?
    Cher ami pour que les syndrômes voisins que vous évoquiez n’arrive au Burkina Faso il faudrait peut-être que notre peuple arrête le mythe de la personne et que nos opposants ne pensent qu’à gagner ce qu’il n’espère même pas gagner dans leur rêve.

    l’Histoire rattrape toujours son homme

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