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Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (2/3)

Publié le mardi 12 octobre 2010 à 03h32min

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Hama Arba Diallo

Si l’union s’est faite, au sein de la majorité présidentielle, autour de la candidature de Blaise Compaoré à l’élection du 21 novembre 2010, les oppositions sont parties, comme d’habitude, en ordre dispersé. Dans un pays où 70 % de la population a moins de 16 ans et n’est donc pas en âge de voter, les partis politiques se comptent par dizaines (plus d’une trentaine soutiennent le « candidat » Compaoré) ; et les « leaders » sont tout aussi nombreux.

Compaoré est, tout à la fois, le candidat de la « révolution » et de la « rectification » - Arsène Bongnessan Yé, que j’ai connu plus « stalinien », évoque désormais la « renaissance démocratique » - mais, aussi, celui de la continuité historique puisque le RDA, le fameux Rassemblement démocratique africain fondé à Bamako en 1946, soutient sa candidature et que le président du RDA (aujourd’hui ADF/RDA), Gilbert Noël Ouédraogo, est le fils d’une personnalité majeure du « parti de l’éléphant » : Gérard Kango Ouédraogo.

Face à Compaoré, ceux que l’on peut qualifier - très abusivement d’ailleurs - de candidats « sankaristes » (Boukary Kaboré, Emile Pargui Paré et Bénéwendé Stanislas Sankara) n’ont pas su faire l’union (ce qui se comprend : il n’y a rien de commun entre eux si ce n’est cette volonté d’affirmer une filiation « révolutionnaire »).

Au sein de la gauche socialiste, la désunion est aussi à l’ordre du jour : le PDP/PS de François Kaboré joue solo (cf. LDD Burkina Faso 0235/Mardi 5 octobre 2010) et, du même coup, le rassemblement sur un seul nom ne prend pas l’ampleur que l’on pouvait espérer. Le Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS) de Ba Sambo, le Parti africain de l’indépendance (PAI) de Philippe Ouédraogo, Faso Metba de Etienne Traoré, le Front des forces sociales (FFS) de Norbert Michel Tiendrébéogo, le Front patriotique pour le changement (FPC) de Tahirou Ibrahim Zon, et l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de Benilde Somda, soutiennent ainsi la candidature de Hama Arba Diallo. En 2005, Philippe Ouédraogo, Norbert Tiendrébéogo et Soumane Touré avaient chacun tenté leur chance ; pour des scores insignifiants.

L’irruption de Hama Arba Diallo dans la course à la deuxième place de la présidentielle (les commentateurs se focalisent sur la seule confrontation Diallo-Sankara, Compaoré étant hors de portée) est l’événement majeur de cette consultation électorale 2010. Parce que c’est l’expression d’une amorce d’une union de l’opposition ; parce que Arba Diallo n’est pas une personnalité politique « anecdotique » et que l’homme politique ne manque pas d’intérêt.

« Ho Chi Minh » (c’est son physique ascétique de peul plus que ses convictions politiques qui lui ont valu ce surnom) est né le 23 mars 1939, ce qui ne fait pas de lui un jeune homme. Il est originaire de Dori, dans le Nord du Burkina Faso, capitale du sahel voltaïque (le traité de protectorat sur la région du Liptako signé avec la France le 4 octobre 1895 à Dori avait été rédigé en français et en arabe). Son père, Arba Aladiogo, va être de ceux qui, avec les chefs traditionnels, militeront pour la « refondation » de la Haute-Volta, démembrée le 5 septembre 1932 (le cercle de Dori est alors rattaché au Niger) et reconstituée le 4 septembre 1947. Agent de l’administration coloniale, Arba Aladiogo sera, par la suite, administrateur du cercle de Zabré.

Ecole primaire à Ouagadougou puis à Bobo Dioulasso, études secondaires au lycée Ouezzin Coulibaly (où, dit-on, il avait pour promotionnaire Alassane Ouattara) avant de rejoindre les Etats-Unis (universités Bluffton de l’Ohio puis Columbia de New York) et la Suisse (il est diplômé de l’Institut des hautes études internationales de Genève). Diallo va faire carrière près d’un quart de siècle dans la diplomatie voltaïque notamment en tant que directeur de la coopération internationale. Il sera ainsi délégué de l’Assemblée générale des Nations unies, de l’Ecosoc, du PNUD, d’Unidounctad et du PNUE de 1996 à 1976, sera sous-directeur de l’Office des Nations unies pour la région soudano-sahélienne à New York sous la supervision du PNUD (1979-1983) après avoir été ambassadeur au Nigeria, à Washington et à New York.

Le 24 août 1983, le capitaine Thomas Sankara, président du Conseil national de la Révolution (CNR), chef de l’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, le nomme ministre des Affaires étrangères. Il est le numéro trois du gouvernement derrière le capitaine Blaise Compaoré, ministre d’Etat délégué à la Présidence, et le chef de bataillon Jean-Baptiste Lingani, ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants ; il devance le capitaine Henri Zongo, ministre chargé des Sociétés d’Etat. Sa nomination résulte du rapprochement entre les « putschistes » du 4 août 1983 et les cadres du Parti africain de l’indépendance (PAI). Le PAI avait été fondée le 18 septembre 1957 à Dakar quelques mois avant que Joseph Ki-Zerbo ne fonde son MLN (cf. LDD Burkina Faso 0235/Mardi 5 octobre 2010). Mais ce n’est que le 15 août 1963 que la section voltaïque verra le jour sous la férule de Adiouma Amirou Thiombiano.

Le PAI, qui se positionnait souvent comme un « parti communiste » (sans jamais comprendre la nature du stalinisme, les schismes chinois et albanais, etc.), était marxiste-léniniste, anti-impérialiste et clandestin. Ses dirigeants seront présents dans les instances syndicales et veilleront au maintien d’une « vie constitutionnelle normale » (la pression permanente qu’ils exerceront sur les pouvoirs en place permettront à la Haute-Volta de n’être jamais un pays à régime de parti unique). Mais, à l’instar du MLN de Ki-Zerbo, plus intellectuels que militants, ils n’auront guère de moyens d’action et seront coupés des réalités du pays. Du même coup, les militaires empocheront la mise lorsque les manifestants descendront dans la rue : Sangoulé Lamizana en 1966, Saye Zerbo en 1980.

Le PAI se sera efforcé, entre temps, de renouer avec les « masses » ; ce sera la formation en 1973 de la Ligue patriotique pour le développement (LIPAD), moins doctrinaire, plus terre à terre, par ailleurs « courroie de transmission » entre le PAI et les syndicats. Mais, aussi, avec les jeunes officiers « révolutionnaires ». Le PAI sera encore sur une ligne politique théorique quand les « sankaristes » se seront emparés du pouvoir. Mais la connexion est étroite entre les jeunes officiers et les marxistes du PAI. D’où l’entrée dans le gouvernement de quatre d’entre eux : Arba Diallo, Philippe Ouédraogo (équipement et télécommunications), Mardia Emmanuel Dadjouari (éducation nationale, arts et culture), Ibrahima Koné (jeunesse et sports). Mais très vite, la militarisation de la « révolution » va s’imposer. Ludo Martens, un des historiens de la révolution burkinabè écrira très justement : « En fait, dès le 4 août, Sankara et le PAI font des rêves différents dans le même lit ». On s’oriente vers le parti unique.

En août 1984, la réalité s’impose. Non seulement les « PAI » sont exclus du gouvernement mais les militants du parti seront pourchassés, arrêtés, emprisonnés, menacés de mort, torturés… Le 1er septembre 1984, le ministère des Affaires étrangères, devenu ministère des Relations extérieures et de la Coopération, est confié à Basile Laetare Guissou. Au lendemain de la « rectification », en 1988-1989, Diallo sera nommé ambassadeur en Chine, en Inde et au Japon puis, en 1990, représentant spécial du secrétaire général de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED) lors de la préparation du Sommet de Rio avant de rejoindre la Convention des Nations unies de lutte contre la désertification en tant que secrétaire exécutif avec le titre de secrétaire général adjoint.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 12 octobre 2010 à 03:39 En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (2/3)

    Personalite emerite avec un tres bon parcours. Bonne chance a lui. Et si toute l’opposition se mettait derriere lui.

  • Le 12 octobre 2010 à 16:09, par Paris Rawa En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (2/3)

    « Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique »

    Êtes-vous un prophète ou un devin apte à prédire l’avenir avec certitude, au point de pouvoir affirmer que l’élection présidentielle 2010 est sans incertitude ? C’est ainsi que l’on joue le jeu du pouvoir en place par des articles démobilisateurs pour l’opposition et leur électeur. N’avait-on pas dit au Brésil que la favorite des sondages médiatiques devait gagner largement l’élection présidentielle brésilienne dès le premier tour ? Maintenant qu’ils sont en train de préparer le deuxième tour là-bas, qui peut avoir la certitude que les électeurs brésiliens ne vont pas choisir le candidat de l’opposition ?

    Alors si vous faites du vrai journalisme (avec objectivité), donner avec modestie votre opinion sur les évènements passés et présents. Quant à vos pronostics, n’en faites pas des prédictions du futur sur lequel vous n’avez aucune prise : ayez encore plus d’humilité pour au moins utiliser le conditionnel.

  • Le 12 octobre 2010 à 17:24, par mytibketa En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (2/3)

    le cursus de Mr Arba Diallo et son parcours nous changent un peu des simulacres de diplomes ou de distinctions qu’on affuble aux chefs d’états dont on veut piller les ressources pour ceux qui son riches ou recompenser leur avant-platisme ? pour ce qui n’ont rien à offrir en dehors de s’aligner aux ordres lors des décisions importantes à prendre à l’ONU. Malheureusement pendant 30 ans et de manière pernicieuse on a appris aux burkinabe à ne vivre que pour le tube digestif en maniant la carrote et le bâton pour les intellectuels qui ne le sont que pour la longueur des études que pour la formation de l’esprit et le farouche désir de servir son pays.Les paysans et les ouvriers ont été formés au même moule avec en prime la peur d’être trucidé au détours d’un buisson,ou de faire parti du personnel faire partir pour les sociétés en restructuration, si bien q’actuellement le débat politique tourne autour d’un tee shirt, une moto, une parcelle ou un poste de préfet pour tout quidam qui a fait quelques jours d’école au détriment de ceux qui sont formés pour la tâche.Monsieur ARBA c’est sûr que votre candidature est la bonne mais häia les dés sont pipés et c’est avec tristesse que l’on verra hommes et femmes préférés le pagne et le tee shirt d’aujourd’hui à l’avenir certe semé d’ambuches mais plus prometteurs de demain ; Nous n’attendons rien de ces élections car le fichier électiral, les cartes d’identité bref tout est fait pour pereniser le règne d’une seule et même personne. Votre candidature n’est pas celle de ceux qui sont arrivés au pouvoir par les armes et qui ne connaissent que le langage de la force et des strategie de camouflage.Mais comme nous savons qu’avant Galilé la terre a toujours tournée, il viendra un moment ou de véritables patriotes prendront les rennes de ce pays pour une vie meilleure pour les 99,5% de burkinabé.

  • Le 12 octobre 2010 à 20:04, par Seal En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (2/3)

    BELLE éloge à Arba Diallo.A en croire l’écrit c’est le plus apte à gouverner ce pays !

  • Le 13 octobre 2010 à 00:57, par djeliba En réponse à : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique (2/3)

    bien dit SEAL.Son cursus est élogieux,l’homme est et a toujours été proche des masses.
    Faites un tour à DORI et vous verrez les transformations qu’il a apportées à la ville dans des conditions de sabotage et de destruction souterraine de ses actions par ceux-là que nous connaissons tous.
    C’est l’homme qu’il faut pour diriger le BURKINA nouveau.
    Malheureusement, ce pays est plein de ’’moutons’’ et qui restera toujours à la traine des autres si nous ne prenons pas nos responsabilités historiques d’opérer le changement le 21 novembre 2010....

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