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Présidentielle 2010 : Le Burkina Faso se prépare à une présidentielle 2010 sans incertitude. Mais non sans intérêt politique

Publié le lundi 11 octobre 2010 à 01h59min

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C’est fait. Ils sont huit candidats à la présidentielle du 21 novembre 2010 (sous réserve de validation par le Conseil constitutionnel). Lors de la précédente élection, le 13 novembre 2005, ils étaient quinze à avoir tenté leur chance mais deux candidatures avaient été recalées (et Hermann Yaméogo avait retiré sa candidature à la veille du scrutin).

On retrouve en 2010, parmi les recalés de 2005, Boukary Kaboré dit le « Lion » ; en 2005, il manquait à son dossier la signature légalisée et le reçu de versement de la caution. L’ancien capitaine, commandant du Bataillon d’intervention aéroportée (BIA), était entré en rébellion contre Blaise Compaoré au lendemain de la mort de Thomas Sankara et s’était réfugié au Ghana avant de se réinstaller au Burkina Faso à compter du 7 avril 1991. Presque dix ans !

Mais le « Lion du Bulkiemdé » ne rugit plus depuis longtemps (il a eu soixante ans le 22 mai 2010) et on n’entend plus parler de lui hors périodes électorales. Ce qui vaut mieux. Parmi ceux qui ont fait de Thomas Sankara une icône de la révolution africaine, beaucoup ont laissé croire, en 1987, que Kaboré pouvait en être le « Trotski », héritier de « Lénine » confronté à un nouveau « Staline » ; c’était oublier que Kaboré n’était qu’un comique troupier qui aimait à se comporter en seigneur de la guerre et qu’il avait plus d’enfants (19 dit-on !) que de conscience politique. Mais la légende du « Lion du Bulkiemdé », nouveau « Che » du Sahel, a longtemps été tenace ; y compris du côté d’Accra. Sa candidature 2010 est soutenue par le Parti pour l’unité nationale et le développement (PUND) et l’Union panafricaine sankariste/Mouvement progressiste (UPS/MP), deux « partis » sankaristes.

On retrouve également parmi les candidats à la candidature deux de ceux qui avaient été « qualifiés » pour le premier tour de la présidentielle 2005 : Me Bénéwendé Stanislas Sankara et Emile Pargui Paré. Bénéwendé Stanislas Sankara est une figure significative, mais marginale, de la vie politique burkinabè. Il est le « chef de file de l’opposition » depuis le 22 septembre 2009, ce qui est, au Burkina Faso, une désignation officielle faite par le bureau de l’Assemblée nationale (UNIR/PS, le parti de Sankara, compte cinq députés dont quatre élus lors des législatives et un « rallié » venu de l’UPS/MP).

Né le 23 février 1959, non loin de Yako, Sankara va s’adonner à la « révolution » lors de ses études à l’université de Ouagadougou et participera aux Comités de défense de la révolution, les redoutables CDR qui n’ont pas toujours été la meilleure école pour apprendre le droit. Qu’importe, Sankara sera avocat, fera son stage en France, reviendra au Burkina Faso en 1993, s’inscrira au barreau, s’engagera sur des dossiers « politiques » (il a notamment été l’avocat de Mariam Sankara - à noter qu’il n’a aucun lien de parenté avec l’ancien leader révolutionnaire - et du collectif Norbert Zongo) avant de fonder l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), d’être élu et réélu député à compter de 2002 et de terminer en deuxième position à la présidentielle de 2005 (mais avec seulement 4,94 % des suffrages). Il a été le premier candidat déclaré à la présidentielle, dès le 22 mars… 2009. A noter que son parti a supprimé, à l’issue du congrès de mars 2009, sa référence sankariste et s’appelle désormais UNIR/PS.

Emile Pargui Paré, « le chat noir du Nayala », avait été, lui aussi, candidat en 2005. Avec un score qui ne le décourage pas (mais il a peut-être d’autres motivations !) : il était arrivé en dixième position avec 0,87 % des voix. Il est vrai que ce docteur en médecine (il est diplômé de la faculté de médecine et de pharmacie de Dakar) qui, lors de la présidentielle 2005, présentait un « programme de gouvernement alternatif socialiste », aime à dire que « la force d’un homme politique, c’est de savoir se relever face à l’adversité et aux coups bas ». Il vient de l’Union de lutte communiste (ULC), rejoindra le professeur Joseph Ki-Zerbo dont il sera le suppléant lors de la première législature (1997-2002) devenant ainsi le numéro deux du Parti pour la démocratie et le progrès (PDP/PS) avant de créer son Mouvement du peuple pour le socialisme/Parti fédéral (MPS/PF) qui avait déjà présenté sa candidature à la présidentielle 2005 (il était alors également soutenu par le Parti socialiste unifié, le PSU de Benoît Lompo). Il est, cette année, le candidat de la Coalition pour une alternative progressiste (CAP). Rappelons que lorsqu’il était responsable de la division formation politique à la coordination du Front populaire, Paré affirmait que le mouvement du 15 octobre 1987 visait à faire « le bilan » de la « révolution » et non pas celui de Thomas Sankara qui avait « représenté la tendance progressiste et démocratique au sein du Conseil de Salut du Peuple » et dont il fallait « défendre les acquis » ; il ajoutait : « Il est indéniable que Sankara a eu des mérites » et que c’est la « révolution » qui « a dévié ».

Si l’on excepte la candidature de Blaise Compaoré, on a là, avec Kaboré, Sankara et Paré, des candidats à la présidentielle qui s’inscrivent dans la filiation historique (mais pas nécessairement idéologique) de la « révolution ». Du côté de ceux des partis qui ont été critiques vis-à-vis de la « révolution » notons que le Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste (PDP/PS) - création du professeur Joseph Ki-Zerbo et parti membre de l’Internationale socialiste - présente la candidature d’un nouveau venu sur la scène nationale : François Kaboré (en 2005, c’est le professeur Ali Lankoandé qui était le candidat du PDP/PS ; une figure politique historique qui aura 80 ans le 10 novembre 2010), qui en a pris la présidence en 2009, voulant mettre fin aux « alliances » erratiques qui visaient au rassemblement mais ont perverti l’image du PDP/PS.

Né en 1944 à Boukou, dans la province du Boulkiemdé, Kaboré est docteur en hydrogéologie de l’université de Montpellier et a mené une partie de sa carrière au sein du Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Politiquement, Kaboré a été formaté au sein du Mouvement de libération nationale (MLN) créé au mitan des années 1950 par Ki-Zerbo, parti qui prônera « la renaissance africaine », les Africains devant cesser d’être « des objets » pour devenir des « sujets de l’histoire » ; il réclamait l’indépendance, les Etats-Unis d’Afrique noire, « un socialisme africain inspiré par l’Afrique » mais « pas le socialisme africain comme le prônait Senghor » , un mouvement radical sans être révolutionnaire (même si son sigle vise à évoquer le FLN algérien) qui fera campagne pour le « non » au référendum de 1958). Aujourd’hui Kaboré fustige tout à la fois la « militarisation » du régime - qu’il n’est pas loin de qualifier de « régime des colonels » - et l’irresponsabilité d’une « pseudo-opposition ».

La candidature de Blaise Compaoré, candidat sortant (personne ne doute qu’il sera le prochain président du Faso), est soutenue par le parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) animé par Roch Marc Christian Kaboré, président de l’Assemblée nationale, l’Alliance des formations et partis politiques de la mouvance présidentielle, l’AMP, dont l’action est coordonnée par le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP-BC) - qui ne me semble pas avoir franchi le cap de l’agit-prop au lobbying - présidée par Gaston Soubeiga et dont un des animateurs est Arsène Bongnessan Yé, personnalité incontournable de la « révolution » et de la « rectification », et l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) - le vieux « parti de l’éléphant » - de Gilbert Noël Ouédraogo qui permet aux « compaoristes » de s’inscrire dans une continuité historique, de la Haute-Volta au Burkina Faso.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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