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DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

Publié le vendredi 8 octobre 2010 à 01h59min

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L’auteur de la réflexion ci-dessous, sur la mesure du progrès africain, est Mo Ibrahim. En exclusivité, il donne sa lecture des efforts consentis par l’Afrique pour son développement, mais note aussi que la bataille de la gouvernance reste à être gagnée.

2010 est une année majeure pour l’Afrique. La Coupe du monde s’est déroulée pour la première fois en terre africaine. Dix-sept pays ont célébré le 50e anniversaire de leur indépendance. Et nous avons commémoré les dix ans des Objectifs du millénaire pour le développement. Ces événements nous ont fourni une occasion unique de faire le point sur la situation du continent, d’évaluer où nous en sommes, et où nous nous dirigeons.

Le paysage d’ensemble nous donne des raisons d’être optimistes. Depuis l’indépendance, le continent s’est largement transformé. Tous ses pays ou presque sont maintenant des démocraties multipartites. Nous assistons aussi à l’essor d’une classe moyenne africaine, prête à conduire le développement économique et les réformes politiques là où elles sont nécessaires. La révolution des télécommunications, à laquelle j’ai participé, a également contribué à transformer le continent et permis des avancées considérables.

La croissance économique africaine est désormais cinq fois supérieure à celle de la zone euro, selon les toutes dernières estimations du FMI. A l’aube de ce nouveau siècle, dynamisme et croissance économique sont bien en Afrique. On peut s’en féliciter. Mais ces évolutions ne résument pas l’histoire. Nous restons encore à la traîne dans de nombreux domaines. Plusieurs facteurs peuvent être évoqués, mais aucun n’est plus crucial que le manque d’une gouvernance de qualité dans nos pays. Nous sommes désormais le continent le plus jeune de la planète, doté en outre d’un potentiel considérable de ressources physiques et naturelles. Pourtant, ces avantages ne débouchent pas encore sur une amélioration significative de la qualité de vie des populations. Réaliser ce potentiel et en faire bénéficier le plus grand nombre est bien le défi principal de la gouvernance en Afrique.

Tel est l’objet social de la fondation que j’ai créée en 2006 : traiter les enjeux de la gouvernance et du leadership politique en Afrique. Une de nos contributions à l’amélioration de cette gouvernance est la création d’un instrument de mesure adéquat : l’Indice Ibrahim. Notre objectif est de construire l’indice le plus solide et le plus complet sur le sujet, indiquant à l’aide de faits et de chiffres, et non de suppositions ou de sentiments, où en est réellement chaque pays.

En s’appuyant sur des observations et sur des résultats concrets, nous entendons contribuer à un débat constructif et partagé sur les succès et les échecs des uns et des autres, pour favoriser le progrès de tous. L’Indice constitue une estimation consolidée de la qualité de la gouvernance dans les 53 Etats africains, à travers 88 indicateurs, issus de 23 sources répertoriées. Ces indicateurs sont regroupés en quatre piliers : Sécurité et souveraineté du droit ; Participation et droits de l’homme ; Développement économique et Développement humain (santé et éducation), qui constituent l’essentiel des obligations de chaque gouvernement envers ses populations.

"Les résultats de l’Indice varient selon les pays"

Comme on pouvait s’y attendre, les résultats de l’Indice varient beaucoup selon les pays. Cependant, trois grandes tendances se dessinent, suscitant autant d’espoirs que d’inquiétudes. Pour une majorité de pays, les progrès accomplis en matière de développement humain et de développement économique sont considérables.

Au sein de ces catégories, des améliorations ont été enregistrées dans plus de 40 des 53 Etats africains. En ce qui concerne la gestion économique, les services de santé et la protection sociale, l’amélioration de la gouvernance est en train de changer profondément la qualité de vie de centaines de millions d’individus. Plus important encore, aucun pays du continent n’a constaté de déclin significatif dans ces domaines. Ces résultats sont bien plus que de simples chiffres. L’éducation a soutenu l’essor de la classe moyenne africaine, le noyau de jeunes professionnels qui souhaite désormais, et qui est en mesure de construire la prospérité de l’Afrique. L’amélioration des services de santé signifie que des millions de personnes reçoivent désormais un traitement approprié et que des millions de décès ont été évités.

Une meilleure gestion économique favorise le commerce tant au niveau national que régional, stimulant ainsi la croissance et donnant à des millions d’individus l’opportunité de s’extraire de la pauvreté. Cependant, les deux autres piliers de l’Indice n’enregistrent pas les mêmes avancées. Des baisses sensibles apparaissent même dans ce que l’on peut appeler le versant politique de la gouvernance, à savoir les droits, la participation, la sécurité, la corruption, la responsabilité et la souveraineté du droit. Or ces régressions ont également un impact direct sur la vie quotidienne, et nous ne connaissons que trop bien les conséquences désastreuses de la corruption, de systèmes juridiques bancals et d’environnements peu sûrs et dangereux.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer ni de justifier ce déclin, comme étant par exemple le prix à payer pour les progrès économiques réalisés. C’est un mauvais choix. L’expérience nous enseigne que lorsque la gouvernance politique et la gouvernance économique divergent, aucun développement n’est soutenable dans la durée. L’Indice 2010 nous rappelle les progrès réalisés et le travail qu’il reste à accomplir. Au cours de cette année emblématique et à mesure que nous avançons dans le siècle, nous, qui que nous soyons, dirigeants d’entreprises, hommes et femmes politiques, membres de la société civile, devons confirmer notre engagement à améliorer la qualité de la gouvernance. Nous devons également encourager nos dirigeants à poursuivre d’un même pas le développement économique et le développement humain, en insistant pour que les avancées réalisées dans le domaine des droits politiques ne soient pas abandonnées.

Mo Ibrahim

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 8 octobre 2010 à 08:26 En réponse à : DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

    "2010 est une année majeure pour l’Afrique. La Coupe du monde s’est déroulée pour la première fois en terre africaine. Dix-sept pays ont célébré le 50e anniversaire de leur indépendance. Et nous avons commémoré les dix ans des Objectifs du millénaire pour le développement. Ces événements nous ont fourni une occasion unique de faire le point sur la situation du continent, d’évaluer où nous en sommes, et où nous nous dirigeons."
    Demandez aux suds africains à qui a profité cette coupe du monde ? pas à eux en tout cas, je veux dire le peuple qui vit dans la misère, la violence...
    Célébrer le 50è anniversaire est une hérésie car nous sommes toujours dans un système de dominant-dominé. Donc, un système néocolonial. IL suffit de voir Aréva piller l’uranium au Nord du Niger et, qui, dans 30 ans, les mines seront épuisées mais, aussi, épuise l’eau fossilisée des nappes phréatiques souterraines. Les pauvres touaregs n’auront plus qu’à aller vivre ailleurs (grossir le flux de migrants vers les villes ou vers l’Europe ou pire vers l’Acqmi et autres réseaux de trafiquants) faute d’eau à boire pour eux, leurs animaux et leurs cultures.
    Pourquoi gaspiller des milliards pour fêter alors que la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, n’arrive pas à manger à sa faim... C’est de la malgouvernance ; Pire, la plupart de ces dirigeants africains sont en réalité des voleurs au col blanc.
    Quand à l’atteinte des OMD en Afrique, aucun ne sera atteint dans pratiquement tous les pays africains en 2015. Même si on reculait le délai dans 50 ans, on n’y arriverait pas ! Quand à la démocratie, elle est de façade dans au moins la moitié des pays dont le Burkina avec Blaise qui s’accroche à son pouvoir depuis 23 ans (sans compter les 4 ans de la révolution où il était déjà le N°2) et va finir par devenir un dictateur dinosaure comme les Eyadéma ou Mobutu s’il ne l’est déjà pas un !
    Finalement, ce classement sera utilisé par Blaise pour s’auto-glorifier en prétendant que l’on est sur la voie d’un pays émergeant et qu’il faut le réélire pour poursuivre son oeuvre de développement solidaire dans la misère où la moitié du peuple vit alors qu’une minorité richissime par divers passes droits, détournements, vivent comme des pachas !

    • Le 8 octobre 2010 à 12:42, par Djibrilou TALL de Paris En réponse à : DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

      Je salue l’initiative de Mo Ibrahim. Cependant, il en faut davantage pour faire émerger l’Afrique, tant elle est tombée si bas !! En voilà bien un continent qui renferme tous les ingrédients pour offrir à ses habitants, le bonheur auquel ils ont droit. Avoir la population la plus jeune (là où partout ailleurs l’on souffre du vieillissement de la population et du déficit de natalité) ; posséder en quantité et en qualité monopolistique les ressources stratégiques qui soutiennent l’économie et l’industrie planétaire ; avoir cette aptitude de résistance à toutes formes de misères en gardant l’humanisme et le sourire qui rendent l’africain si beau, n’est-ce pas des atouts qui offrent à tous d’être afro optimistes ?!!!!!
      L’ère de l’Afrique a sonné !!!! Nos roitelets, qu’ils le veuillent ou non, iront à leur mort naturelle, car la rigueur de la compétiton entre géants chinois et américains, sans oublier les désormais nains occidentaux, commandera la bonne gouvernance et l’avènement partout sur le continent noir, de dirigeants issus du jeu transparent de la démocratie. Ce n’est qu’une question de temps. A nous la honte une énième fois, que ce soit les autres qui nous régentent au point de nous offrir la démocratie...A moins de nous reveiller sans delai. les élites ont partout été levain du progrès, sauf en Afrique et il s’agit de nous responsabiliser et de seulement jouer notre rôle.

    • Le 8 octobre 2010 à 15:28 En réponse à : DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

      salut mon frère,
      je ne suis pas forcement un admiratuer des Dirrigeants Africains, mais je pense qu’il ya de quoi être optimiste.
      En ce qui concerne Blaise compaoré, je suis d’avis avec vous qu’il doit respecter la constitution que lui même a fait modifier pour limiter le mandat. C’est vrai que c’est le respect de la parole donnée et consacrée par la constitution.
      Je pense aussi qu’il faut être vigilant avec les futurs wade à la tête du Burkina. Je veux dire que je prefère un Blaise à la tête du Burkina par rapport à un prototype de Wade. Mais ce que je souhaite en definitive, c’est que Blaise lui même trouve la solution en proposant aux Burkinabé, un dauphin qui saura assurer la continuité du progrès et la stabilité politique parce qu’il connait tous les loups de sa jungle.

  • Le 8 octobre 2010 à 11:25, par Tapsoba En réponse à : DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

    « L expérience nous enseigne que lorsque la gouvernance politique et la gouvernance économique divergent ,aucun développement n est soutenable dans la durée. »

    No comment !

    Suivez seulement mon regard...

  • Le 8 octobre 2010 à 21:07 En réponse à : DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

    et les centaines de millions d’africains qui ne mangent pas à leur faim ? On les oublie ou quoi ? Pas SERIEUX COMME INDICE. Rien qu’à la périphérie de Ouaga ou derrière le palais de Kossyam sont rares les familles qui mangent plus d’une fois par jour.

  • Le 8 octobre 2010 à 21:38 En réponse à : DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE : Espoirs et inquiétudes de Mo Ibrahim

    "Optimisme positif". Permettez moi ce pléonasme juste pour relever l’esprit dans lequel est écrit cet article. Il en faudrait beaucoup de cet optimisme, tant l’Afrique est dans l’impasse. Reconnaissons le et disons le honnêtement et franchement.

    Le problème se trouve au niveau des consciences :
    - les africains se sous-évaluent. Normal, l’idée du "négro" sous-homme a été inculquée dans les esprits et cela pendant des siècles (cf. l’esclavage et la traite nègrière). Cela a été transmis de génération en génération et se retrouve même dans les us et coutumes. Il faudrait du temps pour inverser la tendance. La proposition que je pourrais faire à ce niveau est de faire juste un travail de fond en communication : films, chansons, publicité, revues pécialisée, conférences, émissions télé, sites web. etc. Lorsque le petit africain dans sa lointaine brousse se rendra compte qu’il n’y a pas de différence entre lui et le petit japonais ou le petit français, un pas énorme aura été franchi.
    - la deuxième étape sera de miser dans les infrastructures. Construire ou reconstruire tout : les ponts, les routes et échangeurs, les chemins de fer (pourquoi pas des TGV), les hôpitaux, les dispensaires, les immeubles (de vrais gratte-ciels). Cela, pour deux raisons : la première étant de marquer psychologiquement les esprits qu’un tournant décisif a été opéré. Emmener le changement en changeant l’environnement. Que celui qui quitte son pays pour 1 an ne retrouve plus les même choses à son retour. Il saura que les choses ont avancé entre temps. La deuxième, c’est de reconnaitre que l’Afrique manque cruellement d’infrastructures dignes de ce nom. Rares sont les pays qui peuvent accueillir en état actuel des réunions de hauts sommets ou de grandes manifestations à l’image de coupe du monde ou des jeux olympiques.
    - cultiver l’esprit de l’excellence, de leadership et de l’entrepreneuriat au niveau des jeunes par des programmes de formation adaptés dès le primaire et à tous les cycles de formations. Notre enseignement n’est pas du tout adapté pour sortir l’Afrique de la pauvreté.

    Pour l’émergence de l’économie, le très bon livre de Joseph STIGLITZ, Prix Nobel d’économie, "Un autre monde" donne déjà quelques pistes à étudier et à mettre en oeuvre.

    Abdoul Malick

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