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Pr. Junzo Kawada, anthropologue japonais : “Le Burkina a des leçons à donner aux pays dits développés”

Publié le mardi 5 octobre 2010 à 02h32min

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Il a foulé le sol burkinabè en 1962 pour y réaliser des recherches sur l’histoire des royaumes mossi, puis il est revenu en 1973 en tant que premier coopérant japonais au Burkina Faso (alors Haute-Volta), où il était à l’époque chargé de diriger le projet de création d’un “centre de recherches et de sensibilisation pour la revalorisation des techniques traditionnelles au service du développement”. Lui, c’est le Pr. Junzo Kawada (anthropologue), qui a témoigné de son observation de l’évolution du Pays des hommes intègres au cours de ses visites à travers une conférence sur le thème : « Tourisme, culture et modernité : ce que le Burkina Faso nous apprend de la crise globale », qu’il a donné le vendredi 1er octobre 2010 à Ouagadougou dans le cadre des Grandes conférences Amitié Burkina-Japon à l’occasion du 7e Salon international du tourisme et de l’hôtellerie de Ouagadougou (SITHO).

A l’issue de sa communication, il nous a accordé un entretien dans lequel il revient sur les différences entre le Burkina à son arrivée et celui de nos jours. Pour lui, sur bien des plans, notamment l’utilisation de technologies traditionnelles qui sauvegardent la nature, notre pays a des leçons à donner aux pays dits développés.

C’est un Professeur toujours affable et souriant après trois heures d’horloge de conférence qui s’est prêté à nos questions ce vendredi 1er octobre 2010 au CENASA. Mais quel est donc son secret pour être aussi en forme à 76 ans ?

« C’est la curiosité, j’ai toujours soif d’apprendre et de découvrir, alors je fais tout pour pouvoir continuer à le faire », répond le Pr. Junzo Kawada tout en gloussant devant le compliment. C’est cette soif qui l’a conduit à venir s’abreuver au Pays des hommes intègres dès 1962 à travers des recherches sur l’histoire des royaumes mossi.

Il reviendra en 1973 sur le sol burkinabè (voltaïque à l’époque) en tant que premier coopérant japonais : « De 1973 à 1975, je me suis chargé de diriger le projet “un centre de recherches et de sensibilisation pour la revalorisation des techniques traditionnelles au service du développement”. Cette idée aurait été certainement un peu trop idéaliste et précoce dans les années 70, lorsque l’occidentalisation ou l’industrialisation était le synonyme dudit “développement”.

Ce projet avait été élaboré par mon initiative avec feu Charles Tamini, alors ministre de l’Education nationale et de la Culture, et mon camarade depuis 1962 à l’Université Paris V. Charles m’a fait venir, après mes années de recherches sur l’histoire des royaumes mossi, dans le cadre de la coopération entre votre pays et le Japon, avec un véhicule tout-terrain et l’équipement audio-visuel.

Cependant, peu de temps après l’arrivée très retardée du véhicule, indispensable pour les tournées, par la suite d’un changement gouvernemental, Charles Tamini a quitté son poste ; et le transfert de mon statut au Musée National de Ouagadougou, a entraîné le changement fondamental du projet initial.

Malgré tout, conduisant moi-même une grosse jeep Nissan Patrol, j’ai mené des enquêtes sur le terrain dans 120 villages, représentant 24 ethnies, et j’ai, au cours de mes tournées, recueilli 302 objets comme échantillons avec des renseignements pris sur place, ainsi que des documents photographiques et sonores. Lors de ces nombreux déplacements, j’étais généralement accompagné de mes deux jeunes collaborateurs voltaïques, Ernest Tankoano et Jean-Baptiste Bikyenga ».

Comment donc se présentait notre pays à cette époque ?

« Dès qu’on sortait de la capitale, il y avait plus de route bitumée, c’était les voies rouges avec ce qu’on appelle des escaliers. Je me rappelle quand on a installé les premiers feux tricolores, lorsque le Pr Ki-Zerbo me prenait dans sa voiture pour faire un tour, on s’arrêtait pratiquement tout seul à ces feux parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’engins qui circulaient ». Toutefois l’anthropologue japonais, élevé au rang d’Officier de l’Ordre du Mérite des arts et de la communication à l’ouverture du 7e SITHO, qui a animé une conférence sur le thème :

« Tourisme, culture et modernité : ce que le Burkina Faso nous apprend de la crise globale », se refuse à dire si le Burkina s’est développé depuis lors ou pas et est bien en voie de développement : « Je n’aime pas l’expression en voie de développement ou sous développé.

Développé par rapport à quoi ? Rien de concret si ce n’est par rapport à des canaux imposés par les organismes internationaux et qui déterminent le développement d’un pays en fonction du nombre de dollars dont dispose chaque habitant par jour pour vivre ».

Changement de termes alors, le Pays des hommes intègres a-t-il évolué ?

« Oui. Moi j’évalue l’avancement d’un pays par rapport à d’autres indices.

Pour le cas de Ouagadougou notamment, je peux dire qu’elle s’est beaucoup urbanisée. D’une manière générale, le Burkina compte de nos jours pleins de cybercafés, d’infrastructures sanitaires et scolaires, ainsi que de routes goudronnées... Aujourd’hui, je peux même appeler mon ami le chef de Tenkodogo sur son portable depuis mon pays (rires).

C’est sur ce genre de réalités que je me base pour dire que le pays a évolué ». En ce qui concerne le thème de sa conférence, le Pr. Kawada, qui a offert au Musée national un recueil titré “Technologie burkinabè”, soutient que le monde a besoin du savoir-faire simple et respectueux de l’environnement des Burkinabè pour leur survie : « Les pays dits développés sont en réalité démodés voire “plastifiés” parce qu’ils utilisent des matériaux fossiles et des technologies qui salissent et usent la planète.

Le reste du monde, et surtout nous les Japonais, devons beaucoup apprendre des Burkinabè ; par exemple de leurs admirables techniques de vannerie et de l’usage astucieux de différentes variétés de calebasse pour nous développer de manière saine et pouvoir résoudre les problèmes qui se posent à l’heure actuelle sur le globe où les ressources naturelles nous obligent à nous appuyer davantage sur le matériaux recyclables »

Entretien réalisé par Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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