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FAUDRAIT-IL OU NON DISTINGUER LES MISSIONNAIRES QUI ONT BIEN TRAVAILLE PENDANT LA COLONISATION ?

Publié le mardi 5 octobre 2010 à 02h32min

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« Il aurait été intéressant que le travail de tous ces missionnaires […] soit reconnu par la nation entière et que l’on érige un monument qui pérennise ou qui immortalise ces actions. Qu’il y ait des places ou des rues, des avenues qui marquent le travail de ces gens-là ». Cette affirmation n’est pas du goût de tous. En effet, il s’en trouve qui disent que les missionnaires ont une mission de sacerdoce, de don de soi totalement désintéressé et qu’il serait paradoxal et dénaturant pour leur rôle social de leur attribuer une quelconque distinction. D’autres par contre donnent raison à l’abbé. Pour ces derniers, il n’y a rien de plus normal dans une société digne de ce nom que de punir sévèrement tous ceux qui s’illustrent négativement et de distinguer à l’opposé, tous ceux qui, par leurs actions, ont donné leur vie pour sauver et faire mieux vivre les autres. Tomi et Tozi s’opposent comme ces contradicteurs dans les lignes qui suivent.

POUR SES BONNES ŒUVRES, UN MISSIONNAIRE A BIEN DROIT A UNE DISTINCTION

Beaucoup de missionnaires au Burkina Faso comme dans bien d’autres pays ont reçu des distinctions : certains, de leur vivant, d’autres après leur décès et aucun texte ne l’interdit. Au contraire, Le Vatican attribue des distinctions, autant que des missionnaires et autres prêtres reçoivent des titres dans les quatre coins du monde. L’Abbé Bilgo a été tellement clair sur le sujet qu’il ne faut pas confondre la distinction à une récompense. Il est plutôt question de reconnaissance vis-à-vis de notre passé et du rôle oh combien important, joué par ces missionnaires burkinabé comme étrangers, dans l’édification de systèmes de santé, scolaires,…, dans notre pays. Des sacrifices dans tous les domaines, consentis par ces derniers et qui ont permis à tous les niveaux aux Burkinabé de se porter mieux, de connaître les bases d’un développement harmonieux.

Il a parlé de l’apport des sœurs blanches dans le domaine de l’émancipation de la femme, de tous les missionnaires dans la question bien importante de la scolarisation (tout le monde connaît ce que cela a bien pu apporter à notre pays et à tous les pays de la région), et celle non moins importante de la santé. Des apports qu’on ne peut pas aujourd’hui occulter. Il a dit tous ses vœux de ne pas voir tout ce passé oublié : « j’estime que c’est une injure qui démontre que les jeunes d’aujourd’hui ont oublié nos bienfaiteurs d’antan. » a-t-il précisé. Il ne pouvait pas être plus rationnel et objectif. En effet, dans ce monde, on a souvent tendance à « manger » les missionnaires dans la sauce de la colonisation sans admettre le travail gigantesque que beaucoup ont fourni.

Les noms illustres de missionnaires fourmillent pourtant dans l’histoire de notre pays. Certains missionnaires à l’image de monseigneur Thévenoud, ont déjà leurs noms gravés dans une rue à Ouagadougou. Ils sont à jamais dans nos annales. Il reste à ce qu’une reconnaissance spéciale leur soit faite à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance et que leur exemple soit enseigné aux jeunes générations qui ont, aujourd’hui plus que jamais, besoin d’apprendre que « quand on travaille pour son frère, pour son prochain, on doit être capable d’aller jusqu’au sacrifice de sa vie, et c’est ainsi qu’on arrivera à lutter contre une certaine tendance qui veut qu’on se serve d’abord avant de penser aux autres ». Dixit l’abbé Bilgo.

TOMI


ATTENTION, IL NE FAUT PAS DENATURER LE ROLE DES MISSIONNAIRES

Cette distinction des missionnaires évoquée par l’abbé Bilgo pourrait poser plus de problèmes qu’il n’y paraît à première vue. Certes, leur contribution aux œuvres de développement dans les pays où ils se sont installés est indéniable, mais en Afrique, beaucoup n’oublient pas que dans bien des situations, ce fut justement par ce type d’œuvres qu’ils ont facilité la pénétration coloniale. Ce fut en quelque sorte le cheval de Troie utilisé par le colonisateur pour endormir la méfiance des populations africaines et leur faire mieux avaler la couleuvre de la domination. Ils nous ont appris à recevoir une gifle puis à tendre l’autre joue pour en recevoir une autre. Dans des pays comme le Rwanda, leur rôle dans l’exacerbation des antagonismes ethniques entre Hutus et Tutsis a été maintes fois souligné. A ce niveau, il y a donc un droit d’inventaire à réclamer avant de se jeter dans des distinctions pompeuses et imprudentes qui pourraient être regrettées plus tard.

De plus, avec le caractère religieux qui est censé guider toutes leurs actions, les missionnaires ne recherchent pas les récompenses terrestres. Ils attendent leur récompense de Dieu. Autant ne pas perturber cette recherche du divin par des distinctions si peu spirituelles comme des statues, des monuments, des noms de rue, etc.….En plus, il faut craindre que ce genre de distinction n’écorne le caractère laïc et républicain sur lequel se fonde la plupart de nos Etats en construction. Et si subitement après cela, d’autres confessions religieuses se mettaient à réclamer des distinctions du même genre ? Assurément, cela poserait d’énormes problèmes. En outre, pour les générations futures, il vaut mieux pour nos Etats africains magnifier les symboles de la résistance et de la libération plutôt que les symboles qui pourraient signifier la soumission. Pour toutes ces raisons, cette idée de distinction des missionnaires n’est pas forcément des meilleures.

TOZI

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 5 octobre 2010 à 09:54, par Paris Rawa En réponse à : FAUDRAIT-IL OU NON DISTINGUER LES MISSIONNAIRES QUI ONT BIEN TRAVAILLE PENDANT LA COLONISATION ?

    2 points à ce sujet :

    1- Celui qui attend que son bienfaiteur soit un ange sans aucun péché avant de le remercier sera condamné par sa propre intransigeance à faire preuve d’ingratitude envers son propre bienfaiteur.

    2- Un Exemple pour montrer la complexité des faits historiques :

    - Chronologiquement, c’est la colonisation qui a permis aux missionnaires d’entrer dans notre pays. Ensuite, ces missionnaires avaient besoin de s’entendre avec le colon pour non seulement pour leur sécurité, mais aussi pour avoir les autorisations administratives et les subventions nécessaires pour leurs œuvres (surtout pour les écoles, très contrôlées par l’entreprise coloniale).

    - Pourtant, s’opposant à l’administration coloniale, qui souhaitait faire la promotion de la supériorité de la civilisation française par le biais de l’enseignement de la langue française dans les écoles, les missionnaires se battaient aussi pour l’enseignement des langues maternelles des élèves dans les écoles privées catholiques ; ce qui rendait plus difficile, l’obtention des financements du ministère des colonies.

    - Par ailleurs, alors que les missionnaires formaient des jeunes à assumer un jour des postes de responsabilité dans l’Église et la société, l’administration coloniale n’envisageait le sort des nègres que comme auxiliaires des colons blancs. C’est pour cela que le Burkina a eu très tôt ses premiers prêtres noirs (1942), le premier évêque noir de l’AOF (Mgr Dieudonné Yougbaré), et un cardinal qui joué un rôle important dans l’Église universelle. C’est aussi pour cette raison que le premier président de la Haute Volta (Maurice Yaméogo, le père de Me Hermann) et beaucoup d’autres premiers hommes politiques voltaïques sont sortis des écoles des missionnaires et des séminaires.

    En conclusion : Si plus de 50 ans après les faits on prétend qu’on ne sait pas distinguer entre le bienfaiteur et le dominateur, c’est alors qu’on ne sait pas exercer un sens critique impartial. Mais si notre pays sait identifier ses bienfaiteur et refuse de les reconnaitre en tant que tel devant l’histoire, alors notre nation burkinabè manquera là une occasion d’enseigner et de transmettre aux jeunes générations les valeurs d’ouverture et d’esprit critique dans la relecture de leur propre histoire.

  • Le 5 octobre 2010 à 11:58, par Le Burkinabé En réponse à : FAUDRAIT-IL OU NON DISTINGUER LES MISSIONNAIRES QUI ONT BIEN TRAVAILLE PENDANT LA COLONISATION ?

    En tout cas on prendrait mieux ces distinctions (baptême de rues pour les missionnaires défunts, décoration pour les vivants, personne ressource etc.) que celles que les dirigeants actuels font en faveur de leurs amis, pour eux mêmes etc. Rue Simon Compaoré, plateau omnisport Simon Comparoré et qui encore !!!De leur vivant de surcroît ! Suis pas contre, je demande que les efforts des uns et des autres (missionnaires, pasteurs, imans etc.) soient recconnus et salués comme tel et que cela soit enseigné. Je suis triste quand au Mali à côté on me parle mieux de Thomas SANKARA par exemple, je souffre quand c’est maintenant que l’on parle de Philippe ZINDA.Demandez à un écolier, un lycéen voire un étudiant de vous dire qi a été réellement Thom SANK !!!Assumons notre passé aussi trufé d’erreur soit il c’est cela qui va nous guider sur les sentiers mieux éclairés du développement.

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