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Algériens expulsés de Folambray : Soufiane Naami avait réfusé une offre pour une collaboration avec la DST

Publié le lundi 4 octobre 2010 à 03h59min

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Le 31 août 1994, vingt magrebins (19 Algériens et 1 Marocain) supposés être des terroristes, membres du FIS (Front islamique du salut) étaient expulsés de France vers le Burkina. Ils ont laissé derrière eux des familles démunies, des enfants qu’ils n’ont pas vu grandir, des biens et toute une vie. Soufiane Naami était le plus jeune d’entre eux quand ils ont débarqué à Ouagadougou, dans un pays totalement inconnu. Il avait peine 24 ans. Seize (16) ans après, lui et ses comapgnons d’infortune ne sont toujours pas autorisés à renter en France. Pourtant il n’y a eu ni procès, ni la moindre inculpation. Retour sur quelques dessous de l’affaire.

« Enlevé par un groupe terroriste-administratif dirigé par le traficant d’armes Charles Pasqua affilié à la nébuleuse France-Afrique et déporté de la France sur une base sahélienne, otage administratif depuis 16 ans... ». C’est ainsi que se voit Soufiane Naami dans sa situation à Ouagadougou. Et pour lui, cette question « Pourquoi ça ? » se pose tous les jours. Aucune réponse valable. Le prétexte qui a valu son expulsion est tout à fait insensé et sans aucun élément probant.

Des boucs émissaires d’un ministre qui voulait se faire voir

Cette affaire de déportation commence le 3 août 1994 avec l’assassinat de cinq agents diplomatiques français à Alger. Charles Pasqua, le sulfureux ministre de l’Intérieur du gouvernement français de l’époque trouve là une aubaine de faire plaisir à ses amis politiques d’Algérie.

Le pouvoir algérien était fortement désavoué dans le monde entier à cause du Putsch de 1991 et de l’arrêt du processus électoral qui a écarté les islamistes. Charles Pasqua va lui donner l’occasion d’avoir raison. Profitant de la polémique que soulève la question de l’immigration en France, il décide alors d’organiser la plus vaste opération de contrôle d’identité en deux semaines. Une campagne très médiatisée.

Au bout de l’opération, des Algériens 19 sur 20 personnes, seront concernées par un arrêté d’expulsion du territoire français daté du 5 août 1994. Parmi eux, certains avaient fuit la lutte anti-islamiste en Algérie. Le Burkina, un pays totalement inconnu des expulsés à l’époque, sera leur lieu de chute le 31 août 1994, malgré leurs vives protestations.

Les autorités burkinabè avaient justifié leur acceptation par « l’hospitalité et l’humanitaire ». Elles avaient surtout promis que la situation, vécue comme une déportation sans raison valable par les 20 Magrébins, allait prendre fin rapidement. Cela fait maintenant 16 ans que ça dure. Le Burkina s’est-il laissé, lui aussi, roulé par Charles Pasqua ? Ça y ressemble. Il faut rappeler que l’ancien ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua est aujourd’hui condamné à un an de prison par la justice française dans l’affaire de vente d’armes en Angola.

Soufiane Naami, une victime qui refuse de sombrer dans la folie

Il avait à peine 24 ans quant il a été « jeté » au Burkina le 31 août 1994, abandonnant sa famille, ses projets et tout un espoir. Il était établi en France depuis 1982 auprès de son père qui est Français. Tout son tort serait lié à son refus de collaborer avec les services secrets. Des agents de la DST (Direction de la surveillance du territoire), au nombre de deux, l’avaient arrêté un jour pour lui demander d’être leur collaborateur. On lui avait même brandi la menace de le dénoncer auprès des « vrais terroristes » comme leur espion si sa reponse était non.

C’est son refus, malgré tout, qui serait à l’origine, quelques semaines plus tard, de sa séquestration suivie de sa déportation au Burkina. Jusqu’aujourd’hui aucune inculpation ne pèse contre Soufiane Naami et les autres. Cependant il leur est toujours interdit de rentrer en France. Une injustice qu’ils ne comprennent pas. Depuis qu’il est au Burkina, Soufiane Naami s’est toujours battu pour ne pas perdre espoir. Pendant qu’il a engagé une bataille judiciaire pour retrouver ses droits en France, il s’est employé à trouver de quoi vivre au Burkina, pour ne pas sombrer dans la « folie ». Malgré le manque de moyens, c’est plus de cinquante mille euros (50 000 €) qu’il aura dépensés à ce jour pour payer des frais d’avocats commis à la défense de sa cause. Son désespoir se fait sentir quand il se demande s’il aura toujours les mêmes moyens pour faire face à ses dépenses, si on tarde à lui donner satisfaction.

Un otage administratif de la France ?

Au fil des batailles, l’avocat de Soufiane Naami a obtenu l’abrogation de son arrêté d’expulsion. Cependant, l’Administration française lui refuse toujours l’accès à la France.
- Le 11 juin 2001, la Commission d’expulsion de Yvelines, considérant que l’Administration « n’apporte aucunement la preuve de ses allégations selon lesquelles la présence de M. Soufiane Naami sur le territoire français, où il résidait avec sa famille depuis 1982, constituerait actuellement une menace grave pour l’ordre public », a émis un avis favorable à l’abrogation de l’arrêté ministériel d’expulsion pris à son encontre.
- Le 27 novembre 2006, la Cour administrative d’appel de Paris confirmait la décision d’abrogation de l’arrêté ministériel datant du 5 août 1994. Elle avait considéré que l’autorité administrative n’a versé ni devant la commission d’expulsion des étrangers, ni devant le Tribunal administratif, ni devant la Cour, aucune précision de nature à constituer un début de justification de la persistance des risques que le requérant, Soufiane Naami, ferait courir à l’ordre public à la date de la décision litigieuse.
- Le 15 mars 2007 le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a abrogé l’arrêté d’expulsion du 5 août 1994. Malgré tout, Soufiane Naami se verra refuser, auprès du Consulat général de France à Ouagadougou, une demande de visa de court séjour pour visite familiale. Pour Soufiane Naami, c’est abérrant.

Même la prison de Guatanamo est fermée !

Au moment où la France se bat pour obtenir les libérations de ses otages par AQMI et ailleurs, Soufiane Naami rappelle que lui et ses compagnons sont, eux aussi, des otages que la France détient au Burkina. Il souhaite qu’on leur rétablisse dans leurs droits, quitte à ce qu’ils décident d’aller ou de ne plus rentrer en France. Ils ne peuvent pas être des expulsés pour toute leur vie, surtout qu’il n’y a aucune preuve contre eux.

En France, des condamnés de crimes ont purgé leur peine et sont maintenant libres. Les Américains ont fermé la base de Guatanamo. Des terroristes parmi les plus dangereux ont été jugés et condamnés. Ils savent quand est-ce qu’ils sortent de prison. A Cuba, Fidèle Castro a libéré la plupart de ses prisonniers. Quelle est alors cette exception française qui s’applique aux expulsés de Folambray ? Ce sacrifice commis par Charles Pasqua pour plaire à la France et à ses amis algériens ne doit pas demeurer éternellement.

Samba Bila

L’Indépendant

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