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CINQUANTENAIRE DU NIGERIA : Que d’années perdues !

Publié le lundi 4 octobre 2010 à 03h59min

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C’est dans la frustration que la majorité des Nigérians commémorent aujourd’hui 1er octobre 2010 les cinquante ans d’anniversaire de l’indépendance de leur pays. En effet, plusieurs fois, ils auront manqué le rendez-vous avec l’histoire. Le géant aux pieds d’argile de l’Afrique de l’Ouest fait bien partie des pays qui auront beaucoup déçu : parcours marqué par une instabilité chronique, bilan qui contraste fort avec l’existence d’un énorme marché et des ressources immenses. Une vraie synthèse de l’Afrique décevante d’autant que le Nigeria qui se situe parmi les premiers producteurs de pétrole au monde, est aujourd’hui pratiquement à cours de carburant.

Nombreuses sont les raisons de ces attentes déçues. Par exemple, un grand paradoxe caractérise le Nigeria : il regorge de potentialités énormes, susceptibles de faire le bonheur de ses habitants. Mais il paraît difficile à gouverner, comme si le sort en avait décidé ainsi. Ici comme dans d’autres pays africains, la manne du pétrole apparaît même comme une malédiction.

Le Nigeria est aussi le prototype parfait de pays riche de ses ressources, mais pauvre de ses dirigeants, incapables de mettre fin aux crises récurrentes au sommet de l’Etat et des régions. L’oligarchie militaire et les élites qui ont, tour à tour, accaparé le pouvoir et les richesses, semblent n’avoir jamais eu pour souci de satisfaire les besoins élémentaires du grand nombre. Jamais l’instabilité chronique qui a marqué la vie de l’Etat n’a aidé le pays à avancer. En se libérant du joug colonial britannique, le Nigeria avait pourtant tout pour réussir : des infrastructures, des écoles, des universités, une presse dynamique et une économie qui promettait autant qu’une élite constituée de civils et de militaires brillamment formés.

Mais rapidement, des antagonismes de toutes sortes devaient prendre le dessus, enlisant le pays dans des conflits fratricides dont l’un des plus féroces aura été l’historique guerre de sécession du Biafra de 1967 à 1970. Le retour de la paix n’a pas pour autant permis au pays de guérir de ses maux qui ont pour noms mal gouvernance sur fond de déséquilibres entre régions, corruption, conflits interethniques et interreligieux. La guerre que livrent les rebelles du Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEND), rappelle étrangement celle des combattants du Biafra.

Autre paradoxe de ce pays : la survivance de pratiques moyenâgeuses dans un monde gagné par la modernité et ses tourments. Le peuple nigérian a toujours fait preuve d’une extraordinaire inventivité. Les myriades de petites et moyennes entreprises et industries de ce pays en sont l’expression. Grâce à l’ingéniosité de ses habitants, le Nigeria parvient ainsi à inonder les autres marchés africains, particulièrement ceux de l’Ouest africain. Même si certains paraissent suspects, en général, ces produits n’ont, pour la plupart, rien à envier à ceux venant d’autres continents. Cette inventivité des Nigérians a maintes fois fait rêver d’autres Africains.

Mais le Nigeria se caractérise aussi par son syncrétisme religieux qui effraie par moments. Les conflits interreligieux récurrents ont aussi bien souvent scandalisé par l’ampleur des désastres autant que par l’impuissance des leaders politiques à les résoudre. Cette question épineuse a le plus souvent mis aux prises musulmans et chrétiens. A côté, sévit le grand banditisme qui s’exerce parfois au-delà des frontières nationales.

Mais le Nigeria est aussi devenu le terrain de prédilection de toutes sortes de trafics (drogue, prises d’otages, etc.). Un terreau fertile pour Al-Qaïda et le terrorisme international. Les autorités civiles et militaires ont toujours eu du mal à endiguer ces fléaux, d’autant que les armes circulent à foison, et que la corruption gangrène le pays. De quoi troubler continuellement le sommeil des honnêtes citoyens et des étrangers.

Après cinquante ans d’indépendance, le bilan nigérian est peu reluisant. Les dictatures n’ont jamais apporté que désenchantement. La marche de l’Etat n’a pas toujours paru cohérente, et l’absence de cohésion a bien souvent nui aux intérêts des forces de progrès. Le parcours depuis l’indépendance se résume donc en un énorme gâchis. Il y a même comme un signe indien de voir ce pays encore confronté aux sempiternelles crises de confiance, de leadership et de gouvernance.

Comme si l’on n’avait jamais tiré leçon de ce parcours chaotique. Pourtant, tout au long de leurs tristes expériences, les Nigérians sont bien souvent parvenus à séduire l’Afrique et à alarmer l’étranger à la conquête des marchés. Le pays a su tirer de la culture britannique des éléments ayant permis de le mettre sur les rails du progrès et de préserver un tant soit peu les libertés démocratiques. Le Nigeria est l’un des rares pays en Afrique à disposer de partis politiques capables de s’assumer, d’organiser une course au leadership par le biais des primaires, et surtout d’oser faire l’alternance.

Ceci, en dépit des résurgences de régimes liberticides du genre de celui du dictateur Sany Abacha de triste mémoire. Une relative liberté d’expression existe qui a favorisé l’éclosion de titres et la prolifération de médias de toutes obédiences (informations générales, opinions, politiques ou religieuses, etc.). Mais au Nigeria, la question de la démocratie reste toujours posée, car les solutions d’une période donnée ne sont jamais celles du contexte nouvellement créé. Sur un autre plan, toutes les tentatives de médiation n’ont pas réussi au géant aux pieds d’argile. Il peut néanmoins se flatter d’avoir contribué à éteindre des incendies. On se souviendra ainsi de son implication dans la résolution de certains conflits fratricides en Afrique de l’Ouest, notamment par l’envoi de troupes au Liberia et en Sierra Leone.

Tout au long de son parcours, le Nigeria a aussi confirmé sa capacité à produire des intellectuels de renom comme Chinua Achebe et Wole Soyinka, premier Africain lauréat du Prix Nobel de litterature en 1986. Le fait que ce dernier ait choisi récemment de créer un mouvement politique destiné à encadrer la jeunesse montante, confirme jusqu’à quel point les acteurs politiques ont déçu. Toutefois, il est heureux qu’au crépuscule de sa vie, Soyinka qui est désintéressé, se préoccupe de la relève. Des espoirs sont donc permis, d’autant que ce pays densément peuplé aspire à prendre le leadership sur le continent. Des initiatives du genre de celle de Wole Soyinka permettront sans doute au Nigeria de compter sur un leadership nouveau, capable de relever les défis de demain. L’aube d’un espoir nouveau qui fera oublier ce parcours sinueux ? Il faut le souhaiter.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 4 octobre 2010 à 13:26 En réponse à : CINQUANTENAIRE DU NIGERIA : Que d’années perdues !

    Que d’années perdues en effet !! Un grand comme le NGR qui patauge dans la corruption, l’instabilité polique et le balbutiement économique ! Je ne parle même pas du Burkina qui n’est même pas encore au niveau ZERO...

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