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Russie : Un peuple en otage

Publié le mardi 7 septembre 2004 à 07h11min

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Le drame que vient de vivre la Russie est innommable. La mort, dans des circonstances tragiques, de centaines de personnes dont une majorité d’enfants, a atteint les limites de l’horreur. Depuis le dénouement sanglant d’une première prise d’otages à Moscou, en 2002, la Russie avait commencé à plonger dans un cycle inquiétant d’actes d’extrême violence. Le carnage de Besslan, dans le Caucase russe, est donc un autre palier de plus dans l’escalade.

Mais à peine le travail de deuil est-il entamé par les familles que les autorités russes cherchent un coupable, en accusant le "terrorisme international" et en promettant de réformer les services de sécurité. En clair, Vladimir Poutine rejette la responsabilité de la violence sur cette nébuleuse, ce fourre-tout, ce bouc-émissaire que chacun accuse lorsqu’il a des difficultés intérieures.

Réduire pourtant le séparatisme tchétchène à ce monstre sans visage qu’est le terrorisme international, relève d’un cynisme indicible. Certes, il est facile de brandir un tel argument pour pouvoir réprimer férocement, comme le font les forces russes, toute velléité contestataire tchétchène. Mais en même temps, c’est fermer les yeux sur une réalité qui, tôt ou tard, devrait avoir un traitement politique et responsable. Or la stratégie guerrière de Poutine ne conduira qu’à l’impasse. La Russie ne peut ignorer les exactions qu’elle commet dans le silence (et avec la complicité) de la communauté internationale et qui nourrissent les vocations extrémistes. Sinon, comment comprendre le geste de désespoir de ces jeunes filles tchétchènes, qui se font exploser pour venger leurs proches torturés par les Russes ?

Elles vivent la même désespérance que les filles palestiniennes, à qui l’armée israélienne enlève des frères, des pères et des époux. Il y a donc une similitude de souffrances et d’aspirations entre deux peuples séparés par des milliers de kilomètres et dont le dénominateur commun est la soif de liberté. En proposant ses services à la Russie, Israël veut donc créer un axe Tel Aviv-Moscou pour réprimer ce qu’il appelle le terrorisme. Mais y parviendront-ils tant que la domination et les assassinats seront le fondement de leurs politiques respectives en Palestine et en Tchétchénie ?

En dehors de l’Union européenne, à travers sa présidence finlandaise et son président de la Commission, aucune entité internationale n’a demandé des explications aux Russes sur les circonstances de l’assaut fatal. Les Etats-Unis, puis récemment la France et l’Allemagne, qui ont encouragé la Russie dans sa politique en Tchétchénie, sont bien embarrassés. Ils voient que Poutine, au nom de la lutte contre le terrorisme, les a entraînés sur un terrain glissant, faisant fi de tout respect des droits de l’homme. Un pacte semble lier Moscou à Washington, qui autorise les deux capitales à agir en toute impunité dans leurs sphères d’influence respectives.

A Washington le monde, à Moscou la Tchétchénie. Poutine peut y tuer, personne ne le lui reprochera. Poutine a cru avoir un blanc seing de ses alliés occidentaux pour casser du Tchétchène. N’a-t-il pas déclaré qu’il traquerait les séparatistes jusque dans les chiottes ? Une déclaration d’orgueil qui ne fait que semer l’apocalypse en Russie et sur laquelle bien des Russes doivent méditer. En effet, la froideur et la férocité de Vladimir Poutine, qui rappellent les temps obscurs du soviétisme, ne sont pas du tout appropriés. En arrivant au pouvoir en 2000, Poutine avait promis de rétablir l’ordre en Tchétchénie.

Promesse non tenue, avec en prime, le chaos qui s’abat, comme un boomerang, sur la Russie. "Pourquoi mettre en danger des soldats et maintenant , des centaines de civils", s’exaspère une radio moscovite ? Il est évident que l’usage de la force n’a pas d’issue. Pourquoi donc Poutine s’entête-t-il dans une guerre perdue d’avance ? Pour restaurer la grandeur perdue de la Russie ? Pour éviter que d’autres parties du territoire ne soient tentées par le séparatisme ? Ou pour montrer simplement qu’il est le maître du Kremlin et qu’il maîtrise la situation ?

Ces questionnements n’ont, de toute façon, aucun sens pour les victimes et leurs familles qui ne comprennent rien aux calculs politiciens de leur président mais qui doivent en payer le prix fort. Ils sont pris en otage par leurs propres dirigeants. Faut-il pour autant continuer à pleurnicher après chaque attentat et passer son temps à condamner le "terrorisme" sans même poser le postulat de départ à savoir, définir le terrorisme ? Depuis que l’on cherche à déterminer avec précision qui est terroriste et qui ne l’est pas, rien n’a véritablement évolué.

Et l’amalgame continue d’être entretenu, à la satisfaction bien sûr de pays comme les Etats-Unis qui, à la faveur de cette lutte contre le terrorisme, peuvent tout se permettre. S’il était donné une opportunité de réfléchir profondément sur le concept, nul doute que des doigts accusateurs se pointeraient sur les Etats-Unis eux-mêmes ou sur la Russie. En reculant cette échéance de la vérité, la première puissance mondiale et ses alliés se donnent le temps de régler leurs comptes à leurs ennemis, par la force si nécessaire. Mais cette fuite en avant risque plutôt de semer le chaos comme le montre la prise d’otages en Ossétie.

Le Pays

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