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Dans la guerre contre le terrorisme, les États africains doivent-ils OUI ou NON accepter des bases étrangères sur leurs territoires ?

Publié le mardi 28 septembre 2010 à 02h43min

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A la faveur des audaces d’AQMID dans le Sahel, le souci de coordonner les actions internationales pour lutter contre le mouvement terroriste a conduit la France à pré-positionner des militaires français du Commandement des Opérations Spéciales (COS) dans plusieurs Etats africains. Comme il fallait s’y attendre, la contestation n’a pas manqué de s’allumer automatiquement opposant les Pour et les Contre. Tomi et Tozi ne sont pas les moins acharnés à s’étriper dans cette polémique. Deux sons de cloche.

LE RENFORCEMENT DE LA COOPERATION INTERNATIONALE CONTRE AQMID EST UNE NECESSITE

Il y a des défis qui, par leur nature, ne peuvent être combattus et encore moins relevés, par un seul Etat. C’est cette donnée qui, ces dernières décennies, s’impose de plus en plus comme une des nouvelles réalités de la vie de nos Etats. Les problèmes de la drogue, du Sida, de la dissémination des armes atomiques, de la pollution, du terrorisme… ne peuvent être réglés par les Etats pris individuellement, quelle que soit leur puissance. Les Etats du Sahel sont d’autant plus portés à miser sur l’internationalisation du combat contre le terrorisme qu’ils sont faibles et que certains d’entre eux, même, sont insuffisamment caractérisés en tant qu’Etat. La solidarité, compte tenu des méthodes de lutte d’AQMID, est la moindre des réactions à laquelle on doit s’attendre de la part des Etats. Si les Français ont choisi la solution militaire pour régler les problèmes de prise d’otage, c’est tout simplement parce qu’ils ont compris qu’il est impératif de détruire cette vermine d’AQMI et vite.

Avant qu’elle ne transforme le Sahel en territoire de guerre, où les forces internationales viendront prendre siège, comme de nos jours en Irak et en Afghanistan avec tous les désagréments qui s’y attachent. Il faut donc non seulement que la coopération régionale, dans ce domaine, progresse (même plus vite que celle liée à l’économie et à la monnaie) mais que l’on porte au plan international la collaboration pour avoir des réponses plus positives contre ce mouvement terroriste. Il y a beaucoup plus à perdre qu’à gagner en laissant ce cancer se généraliser dans la sous région. Même si la guerre n’est pas la seule solution contre le terrorisme, elle en fait partie. C’est pourquoi, on ne doit éprouver aucun d’état d’âme à voir des Français débarquer avec matériel de guerre et combattants spécialisés, dans la lutte anti-terroriste, dans la sous région. Je trouve même que les USA, les Chinois, devraient venir prêter main forte aux Français pour qu’on vienne à bout très rapidement de ces quelques 300 individus qui, sous prétexte de servir Dieu, s’emplissent les poches, se livrent aux commerces illicites les plus innommables et qui plus est, en tuant froidement et atrocement, des innocents.

Les critiques contre cette présence militaire de la France sont tout à fait ridicules : on oublie que plusieurs fois dans l’Histoire, des clans, des Etats, se sont prêté main forte pour faire face à un danger commun. Les forces d’interposition, d’intervention, de maintien de la paix… découlent de cette nécessité que, devant un péril collectif international grave, un Etat peut accepter ou même être contraint d’accepter des bases étrangères pour un temps sur son sol. Et puis, qui perd si les investisseurs étrangers quittent nos pays à cause de ces menaces là ? Que fera-t-on quand nos propres ressortissants seront des cibles du réseau terroriste ? Rien ! C’est là que sa souveraineté sera vraiment menacée dans tous ces Etats.

TOMI


IL NE FAUT PAS ACCEPTER DES BASES MILITAIRES DANS NOS PAYS POUR CONTRER LE TERRORISME

L’accueil des forces militaires françaises dans nos pays est une erreur grave que nous risquons de payer très cher. Il est marqué par l’impréparation et comporte beaucoup de risques. La France sarkozienne a vraiment le goût de la bravade inutile. Il n’y a même pas deux mois, l’otage d’AQMI, Michel Germaneau a été trucidé par ses bourreaux après que Paris ait décidé d’affronter à la hussarde les preneurs d’otages : « Sarkozy n’a pas seulement échoué à libérer son compatriote dans cette opération manquée, mais il a sans aucun doute ouvert l’une des portes de l’enfer pour lui, son peuple et sa nation. Nous annonçons avoir exécuté l’otage français dénommé Michel Germaneau samedi 24 juillet pour venger nos six frères tués dans la lâche opération de la France » (in Le Point du 26-07-2010).

Et nous, nous allons nous retrouver avec cette France, embarqué dans une guerre contre laquelle les moyens de lutte classique sont inopérants. AQMID va maintenant frapper indistinctement sur nos populations, nos infrastructures, nous considérant comme des « collabos ». Ensuite, tant qu’à faire la guerre, il faut s’en donner les moyens. Ce ne sont pas quelques éléments dispersés au Niger, au Burkina, en Mauritanie, qui pourront venir à bout de ce terrorisme qui a pris pied au Sahel. En Somalie, qu’a-t-on pu faire contre les Shebabs et les membres d’Hezb al-Islam ? En Irak et surtout en Afghanistan, a-t-on pu les éradiquer les fous de Dieu ? Pourtant, ce sont des coalitions d’Etats militairement et économiquement forts qui sont à la manœuvre dans ces régions. Autre considération : l’aspect économique et social n’est pas suffisamment intégré dans cette guerre totale. C’est parce qu’il y a des analphabètes, des pauvres, des désespérés en nombre grandissant que le Djihad trouve des recrues.

Si sans se doter des moyens conséquents, on s’enrôle dans cette guerre contre le terrorisme, les éléments d’AQMID vont frapper sur nos infrastructures ; ils vont tuer dans l’œuf le tourisme (pas moins de 400.000 touristes chez nous, 900.000 au Sénégal, par exemple), et bonjour la multiplication des facteurs de troubles et de fractures sociales et nationales de toutes sortes. Enfin, pour engager une telle bataille, le minimum, c’est de rassembler à l’intérieur de ses propres frontières, les opinions ; c’est de réussir une sorte d’union sacrée. Nos Etats ont fait fi de tout cela, obéissant sans rechigner comme à l’époque de la colonisation, au grand maître, une fois qu’on leur a demandé de l’espace pour débarquer des hommes et des armes. On se demande pourquoi il y a des assemblées nationales, pourquoi il y a des partis politiques. Le prétexte de la discrétion est ici inopérant puisque même en France, on parle plus de cette affaire dans les médias internationaux et nationaux que chez nous. C’est dire que la mèche était déjà vendue, rendant vaine, toute tentative de conserver le secret pour l’efficacité.

TOZI

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 28 septembre 2010 à 06:56, par maurice melliet En réponse à : Dans la guerre contre le terrorisme, les États africains doivent-ils OUI ou NON accepter des bases étrangères sur leurs territoires ?

    je suis entièrement d’accord sur le fait qu’il ne faut pas introduire des forces armées étrangères dans les pays concernés par le terrorisme. Mais il faut que cela ne soit pas à sens unique, il faut que les Etats africains seuls souverains refusent aussi des bases terroristes sur leur sol.
    Sinon, ce serait trop facile de brandir encore une fois de plus le drapeau anti-colonial, ce que je comprends parfaitement. Les moyens existent en Afrique pour juguler le terrorisme et par les Etats africains eux même... du moins ceux qui ne sont pas complaisants avec les mouvements terroristes...
    Maurice Melliet

  • Le 29 septembre 2010 à 03:09 En réponse à : Dans la guerre contre le terrorisme, les États africains doivent-ils OUI ou NON accepter des bases étrangères sur leurs territoires ?

    Face aux évolutions en cours au Sahel, on est ahuri par le niveau du silence de la classe politique burkinabè.
    Qui a intérêt à voir les troupes franco-américaines s’installer à domicile et intervenir au Sahel ? Peut-être Blaise Compaoré, le Mali, la Mauritanie et le Niger où les otages ont été pris. Mais certainement pas l’opposition Burkinabè. Mal engagée par son éparpillement dans une campagne électorale qui n’en est pas une, elle brille étrangement par son silence sur les évolutions que dessinent ces prises d’otages dans les confins saharo-sahéliens. Celles-ci ne manqueront pas d’avoir des conséquences que l’on sait : l’installation durable de troupes étrangères occidentales à domicile. En dehors d’intérêts mesquins et pro-impérialistes, quelle conscience lucide peut, au Sahel, s’imaginer qu’une intervention militaire des Occidentaux dans la région, au prétexte de libérer militairement des otages et de lutter contre Al-Qaïda, est bénéfique pour les paisibles populations menacées plutôt et avant tout par l’incurie des régimes en place. Il faut le savoir et dénoncer ce que les Occidentaux cherchent sous les prétextes les plus divers : transformer la région en zone d’occupation militaire, à l’exemple de l’Irak et l’Afghanistan riches en pétrole, pavot et autres ressources.
    Servis déjà par des régimes pourris, ils se préparent à assurer la défense de leurs intérêts stratégiques sur le dos des populations sahéliennes et contre la pénétration chinoise. Ils connaissent les potentialités de la région (pétrole, uranium, or, et autres minerais rares dont ils ont besoin) et tiennent au contrôle exclusif.
    C’est quoi ce dispositif de 80 para-commandos et appareils sophistiqués pré-positionnés au Burkina-Faso ? Comment ce fait-il que cette présence ne suscite aucune question de la part de l’opposition et de la presse dite libre ? Sans débat, la France peut installer tranquillement stationner, à Ouagadougou, des hommes, au prétexte de vouloir libérer des otages, parmi lesquels figure un de ces agents secrets missionné à infiltrer les rangs de l’AQMI. Pourquoi un tel silence, une telle opacité ? Quand on sait par ailleurs que dans cette histoire, les parties impliquées opèrent par le biais d’éléments les plus douteux et dangereux. En plus de la perspective d’une présence massive de troupes occidentales au Sahel, le premier dégât collatéral de cette affaire est le fait que le Mali, le Burkina-Faso, la Mauritanie et le Niger malgré lui, ont réussi à torpiller les accords d’Alger signés dans le cadre de la lutte contre les trafics illicites et le terrorisme trans-saharo-sahélien. Qu’il est beau la diplomatie de régimes aux ordres des Occidentaux. Pour de tels régimes, la politique du ventre prime sur tout. Et heureusement qu’au-delà du silence de la presse locale, on apprend par la presse française que le pré-positionnement des forces françaises à Ouaga, a d’abord requis, en premier, l’accord des Américains. Allez comprendre une telle démarche si le Burkina est encore un Etat souverain et si la France qui a intégré l’Otan a encore une diplomatie et une armée autonome ? Mais ce qui doit, avant tout, préoccuper les Burkinabè, ce sont les choix du régime Compaoré dans ce jeu régional. A quoi joue-t-il encore dans cette partie ? La question vaut pour tous les régimes de la sous-région. Les démocrates et les consciences éclairées et soucieuses de défendre la paix des populations locales doivent s’en saisir et la poser en débat.

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