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CAMPAGNES ÉLECTORALES AFRICAINES : DES MOMENTS PROPICES AUX TRANSFERTS SOCIAUX DIRECTS ?

Publié le mercredi 22 septembre 2010 à 03h22min

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La qualité des élections en Afrique, leur nécessité, de tout cela, on en a déjà parlé en long et en large même si on est loin d’avoir trouvé des remèdes propres à guérir tous les maux que les examens révèlent. Notre souci ici, c’est tout simplement de faire un autre constat, celui que dans la politique sociale de l’Etat, la campagne électorale peut apparaître comme réalisant les transferts très significatifs.

C’est vrai, il ne s’agit pas, comme dans un budget social, de cibler tel ou tel secteur, ou tel ou tel investissement en particulier, pour en ouvrir l’accès au plus grand nombre de Burkinabé et notamment aux plus démunis, mais d’injection de masses considérables d’argent qui peuvent peu ou prou, avoir le même résultat.

Si l’on prend d’abord tout l’argent décaissé pour la préparation, la tenue des élections, que cet argent vienne des bailleurs de fonds ou de l’Etat lui-même, ce n’est pas petit comme on dit ; ce sont des milliards et des milliards de FCFA. Entre toutes les opérations à mener en amont des élections, liées au recensement, aux inscriptions, aux documents électoraux, à la dotation des instruments électoraux, en perdiems…, ça fait un paquet qui a des retombées sur bien de familles. Il y a ensuite ce qu’il faut donner aux candidats ou aux partis à travers le financement public pour leurs campagnes. Mais ça, ce n’est que la face visible de l’iceberg ! Si l’on rajoute ce que chaque candidat, chaque parti, va débourser à son niveau, c’est immense.

Et cela se calcule en termes de moyens de déplacement, de carburant, d’instruments d’animation des campagnes électorales, de locations de salles… Ca aussi, ça aide bien de gens, d’entreprises comme les concessionnaires de véhicules, les garagistes, les imprimeries…à fonctionner. Et que dire des cadeaux ? Une étude sur leur montant serait intéressante. Il est fonction des gens à qui ils sont destinés, ce qui fait que leur valeur peut varier du simple au double, voire au centuple : ça va du tee-shirt au pagne en passant par la montre ou le sceau mais aussi du vélo à la voiture en passant par la moto, sans oublier les enveloppes plus ou moins grosses en fonction des récipiendaires à qui elles sont destinées.

Autant de données qui font que les populations s’intéressent de plus en plus aux élections, non pas tant parce qu’elles constituent un challenge ou la promesse d’un changement au sommet de l’Etat pouvant induire des changements dans leur vie quotidienne mais un moment fort où il faut se débrouiller pour ne pas sortir perdant. A la limite, celui qui n’aura pas su manœuvrer pour en avoir quelque chose, pour surenchérir et obtenir le maximum des différents candidats ou partis, sera l’objet de la risée dans le village ou dans le quartier.

Le pouvoir a tellement conscience que les populations attendent ces moments pour se faire un peu de « beurre » qu’en dépit des demandes multiples de l’Opposition et de la société civile pour interdire l’utilisation des gadgets pendant les campagnes électorales (pour raison de rupture d’égalité entre les partis, ceux de la majorité ayant des moyens énormes !), celle-ci a été maintenue.

On peut disserter sur l’impact négatif au plan éthique de ces pratiques, de ces habitudes qui ont été inculturées par les citoyens et qui minent à la racine, l’idéal que renferme la démocratie mais le fait est là : ventre affamé n’a point d’oreilles.

De fait, la campagne est devenue comme un grand marché de services où tout le monde afflue : « tu rabats des électeurs réels ou fictifs pour moi et en contrepartie, je te donne tant ». L’autre jour, à Pama, sans qu’on ne soit vraiment engagé dans la campagne, la délégation d’un grand parti est arrivée, promettant de donner 1.000 fcfa à tous ceux qui viendraient assister à sa rencontre programmée. Il paraît qu’on s’est bousculé « grave » comme on dit mais on dit aussi que ceux qui n’ont pas été informés de cette opportunité par leurs connaissances, en ont éprouvé de l’aigreur à leur endroit. Il faut comprendre !

Les gens d’en bas regardent ceux d’en haut comme des rapaces sans pitié qui se sucrent sur leur dos ; ils les revoient afficher un semblant d’humanité seulement quand les élections approchent mais tout le monde se « sait ». Alors, sans pitié à leur tour, ils sont prêts à tondre la laine sur le dos des demandeurs, surtout qu’ils se disent que ce que tous ces gens-là ont amassé, c’est le fruit de leur sueur et le peu qui leur reviendra ne sera qu’un juste retour des choses.

San Finna

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