LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

Publié le jeudi 16 septembre 2010 à 03h05min

PARTAGER :                          

Dans le cadre du débat sur les réformes politiques, Sidwaya a donné la parole au chef du service des opérations du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), Abdoul Karim Saïdou. Il situe la nécessité d’une révision constitutionnelle et donne son avis sur la limitation du mandat présidentiel.

Sidwaya (S). : Est-il normal de réviser une constitution ?

Abdoul Karim Saïdou (A.K.S.). : Absolument. Cependant, il y a des révisions consolidantes et des révisions déconsolidantes. Les révisions consolidantes sont des révisions constitutionnelles qui visent à améliorer la performance d’un système politique en matière démocratique, c’est-à-dire, renforcer le système démocratique. Par exemple, au Mali et au Bénin, il y a eu des réformes constitutionnelles qui ont visé essentiellement à faire en sorte que le citoyen soit beaucoup plus impliqué dans la gouvernance politique.

Et faire en sorte que le pouvoir judiciaire soit beaucoup plus indépendant, à même de remplir sa mission etc. Dans ces pays, la question de la non limitation du nombre de mandats présidentiels n’a pas été à l’ordre du jour. La Constitution du Bénin n’a pas été revisée depuis 1990. Cela fait partie des révisions consolidantes, qui permettent de tirer les leçons, les enseignements de l’expérience démocratique d’un pays et de renforcer la démocratie.

Mais on a aussi des révisions déconsolidantes c’est-à-dire qui nuisent au système démocratique. Je prends l’exemple de tous ce qu’il y a eu comme révision constitutionnelle en Afrique de manière générale, depuis les années 60 pour renforcer les pouvoirs des chefs d’Etat, les pouvoirs exécutifs au détriment du parlement et de la démocratie.

S. : Lors de son investiture à la candidature, le 21 août dernier, le président Blaise Compaoré disait que la Constitution burkinabè doit être conforme aux principes universelles, aux réalités africaines et inspirée de l’expérience de l’exercice du pouvoir et les enseignements du fonctionnement des institutions. Quel commentaire faites-vous ?

A.K.S. : A priori, on peut estimer qu’il y a effectivement une volonté pour engager des réformes qui vont servir à améliorer la gouvernance démocratique au Burkina Faso. Mais connaissant la politique nationale et les intérêts qui sont en jeu, on est obligé d’avoir des réserves. Lorsqu’on parle de valeurs africaines, je vous rappelle que depuis 1960, certains chefs d’Etat ont instrumentalisé la culture africaine à leur profit pour imposer des dictatures en Afrique.

On a souvent cette perception erronée que l’Africain aime le pouvoir fort. C’est-à-dire, que l’Afrique a un système de pouvoir pyramidal où on estime que des valeurs telles que l’opposition politique, le pluralisme ne sont pas des valeurs africaines. Cela est contredit par les sondages que nous avons réalisés en 2008 dans le cadre de afrobaromètre. Les résultats ont montré que les Burkinabè dans la majorité, 52% des sondés sont favorables à la limitation du nombre de mandats présidentiels. De l’autre côté, quand le chef de l’Etat parle des enseignements tirés de notre expérience immédiate, cela dépend de la lecture que lui-même fait de l’expérience.

Dans notre approche, nous estimons que la leçon à tirer de toutes les révisions constitutionnelles, c’est qu’il faut sacraliser d’abord l’article 37 qui limite le nombre de mandats présidentiels. C’est-à-dire, faire en sorte que ça soit une disposition intangible comme on le voit un peu partout en Afrique.

La particularité du Burkina Faso, est d’avoir fait l’économie d’une vraie transition qui aurait permis aux acteurs de s’accorder sur les fondamentaux de la politique. Nous estimons que s’il faut tenir compte des enseignements et de l’expérience du Burkina Faso, il faut associer tous les acteurs, c’est-à-dire, engager un processus inclusif qui va impliquer l’ensemble de la classe politique, l’ensemble de la société civile et des citoyens pour faire des réformes qui vont servir à renforcer la démocratie.

S. : N’est-ce pas ce qu’a préconisé le chef de l’Etat ?

A.K.S. : Effectivement, l’année dernière dans son adresse à la Nation, le chef de l’Etat a parlé de réformes politiques, mais n’a pas dit exactement de quelles réformes il s’agit.

S. : Jusqu’à présent, il n’y a pas encore eu de concertations. Pourquoi lui prêter déjà des intentions ?

A.K.S. : Après l’adresse du chef de l’Etat, des mouvements politiques ont déclaré que l’article 37 actuellement n’est pas démocratique etc. C’est ce que nous craignons. Lorsqu’on parle des réformes, il faut veiller à ce que ces réformes puissent servir à consolider le système démocratique. Aujourd’hui au Burkina Faso, nous pensons qu’il y a un certain nombre de réformes qu’il faut véritablement engager si on veut vraiment aller dans le sens d’un vrai système démocratique.

S. : D’aucuns estiment que le débat sur l’article 37 n’intéresse qu’une frange des intellectuelles, que si ça préoccupait les gens, ils allaient par exemple s’inscrire massivement et voter pour l’alternance de façon démocratique.

A.K.S. : Je pense que cette apathie des citoyens qui ne sont pas sortis s’inscrire traduit un malaise politique et exprime un problème, un déficit de légitimité dont souffre le pouvoir. Nous estimons que les citoyens burkinabè ne sont pas d’accord avec la manière dont la chose publique est gérée actuellement. Concernant la controverse autour du nombre de mandats présidentiels, les citoyens ont besoin de s’assurer qu’ils sont dans une vraie démocratie, c’est-à-dire dans un système où le jeu est ouvert, où les citoyens ont les mêmes droits. Je pense que cela traduit le malaise qu’on ressent au niveau de la population.

S. : Empêche-t-on les opposants ou les partisans de la limitation des mandats, de mobiliser les gens pour aller voter en faveur d’une alternance ?

A.K.S. : Je ne pense pas qu’il y a des freins. Mais l’autre aspect de la question est que l’opposition politique n’a pas tous les moyens de sa politique. Elle a des faiblesses sur les plans organisationnel, logistique, matériel qui ne lui permettent pas d’assurer véritablement son rôle. Comme vous le savez aussi, l’opposition burkinabè est victime d’émiettement, d’un manque de cohésion. L’article 37 est illustratif.

Il y a une quinzaine de partis qui ont créé une coalition 37 pour s’opposer à la révision de l’article 37. A l’intérieur de cette coalition, vous n’avez pas Me Bénéwendé Sankara qui est le chef de file de l’opposition. Alors que dans l’opposition de manière générale, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut protéger l’article 37. Comment expliquer cette attitude ? C’est un des facteurs qui permet de comprendre pourquoi l’opposition n’arrive pas à mobiliser.

S. : Et la société civile ?

A.K.S. : Je pense que nous aussi en tant que société civile, nous sommes interpellés. Chaque fois que nous prenons la parole dans nos activités, nous demandons aux citoyens d’aller s’inscrire. Parce que nous estimons que cette politique de la chaise vide qui consiste à dire que les règles ne sont pas bonnes tant qu’on n’a pas les conditions de l’alternance, n’est pas une bonne option. La démocratie donne à tous les citoyens les voies démocratiques, les voies légales pour exprimer leurs opinions politiques.

S. : Il y a des partis qui arrivent pourtant à mobiliser un grand nombre de citoyens.

A.K.S. : C’est à la veille des élections qu’on voit les grandes mobilisations des partis politiques pour aller vers les électeurs, vers les citoyens. Cela est un peu regrettable. Les partis ont des fonctions essentielles dans le cadre de la consolidation d’un système démocratique : des fonctions d’éducation, programmatique, d’articulation, d’agrégation des intérêts catégoriels qui se manifestent dans la société.

On n’oublie pas le sens de la fonction des partis politiques. Nous estimons qu’il faut créer les conditions pour que les partis politiques puissent travailler de manière permanente pour qu’ils soient présents sur le terrain, parce qu’ils ont un rôle d’encadrement des citoyens en matière d’éducation, de sensibilisation, de socialisation politique. C’est valable pour la majorité et l’opposition.

S. : En dehors de l’article 37, quel est votre appréciation sur les autres réformes ?

A.K.S. : Très souvent, on reproche à la société civile de faire une fixation sur l’article 37. C’est un reproche qui n’est pas justifié parce que c’est une clause assez fondamentale dans notre constitution. Il y a beaucoup d’autres réformes qu’on peut initier en vue d’un renforcement du système démocratique. Par exemple, on peut faire en sorte que le contrôle de constitutionnalité soit beaucoup plus crédible, plus efficace.

Au niveau du CGD, nous avons fait des propositions dans ce sens. Par exemple, celle de faire en sorte que le Conseil constitutionnel puisse être composé de personnalités réellement indépendantes. On peut adopter d’autres réformes, essentiellement pour réduire les pouvoirs exorbitants accordés à l’exécutif.

Nous estimons que la Constitution burkinabè a en fait mis en place un système présidentialiste alors que dans l’esprit, il s’agit d’avoir une constitution semi-présidentielle où le Premier ministre chef du gouvernement a des pouvoirs constitutionnels et où il y a la possibilité de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement. Dans l’hypothèse d’une cohabitation, il y a des problèmes d’interprétation pour ce qui est des pouvoirs du chef de l’Etat, du Premier ministre et du président de l’Assemblée nationale.

S. : Le CDP n’a t-il pas été visionnaire en proposant des réformes telles que celle du Conseil constitutionnel ?

A.K.S. : Je n’ai pas pris connaissance exactement des réformes proposées par le CDP. Mais je ne pense pas que ce parti puisse aller dans le sens des réformes que nous proposons. Nous souhaitons par exemple qu’on donne la possibilité au Conseil constitutionnel de s’autosaisir comme c’est le cas au Bénin et dans le projet de Constitution du Niger. Nous souhaitons des réformes qui puissent consolider la démocratie burkinabè.

Entretien réalisé par Bachirou NANA

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 16 septembre 2010 à 10:32, par le visionnnaire En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    "Très souvent, on reproche à la société civile de faire une fixation sur l’article 37. C’est un reproche qui n’est pas justifié parce que c’est une clause assez fondamentale dans notre constitution} ". voici ce que le monsieur a dit. D’où avez vous tiré cette expression ? Ne déformez pas les propos de ce juriste qui mesure bien la portée des désagréments que cela pourrait engendrer.
    Je sais que vous l’avez invité dans le but de le voir dire des choses en faveur de la révision de cet article ;ce qui n’a pas été le cas , donc honte à vous pour le titre que vous donnez à l’article

  • Le 16 septembre 2010 à 11:02 En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    Monsieur le journaliste, pourquoi cherchez-vous coûte que coûte à emmener votre invité à dire ce que vous voulez entendre ? La maneouvre est grossière. Il faut cesser de prendre le lecteur pour un gogo. Quand je pense que c’est avec l’argent public que vous vous permettez d’agir de la sorte...

  • Le 16 septembre 2010 à 12:02, par CDR En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    Malgré le vernis démocratique qui couvre notre système, il n’est pas pour autant démocratique. Nous avons certes une presse plurielle (pluralité des titres) qui n’est pas forcément indépendante. La démocratie va s’enraciner lorsque le pouvoir va changer de main, quand Blaise Compaoré va quitter le pouvoir. C’est lui paradoxalement, le père de la démocratie qui en est le frein à son épanouissement, à l’épanouissement de la démocratie. Il ne voit pas autrement son existence en déhors du pouvoir. Il utilise tous les artifices pour s’y accrocher. Avec la bénédiction de sangsues bien connues à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

  • Le 16 septembre 2010 à 12:12, par cestdommage En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    il pense que la société civile est meilleure que la société politique. ce que je ne crois pas. eux,de la société civile, ils ont voulu tout seuls tirer profit de l’article 37 avec leur pétition, sans inviter les partis. voyez ! ce n’est pas bien. Et maintenant, ils disent que l’opposition est divisée, faible. Ca aide qui ? le pouvoir !

  • Le 16 septembre 2010 à 12:15 En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    de toute manière, ces gens se croient les plus intelligents, les plus forts et ils n’arrêtent pas de critiquer l’opposition. j’ai suivi Loada hier sur la TNB : il dit que l’opposition ne propose jamais rien. astafourlaï ! faut pas exagérer ! Le MPS, l’UNDD, le PAREN, l’UNIR/PS, les Verts, L’Autre burkina.... n’arrêtent pas de critiquer et faire des propositions pertinentes mais on ne les écoute pas. Il faut pas dire alors qu’ils ne font rien. Ce n’est pas correct. Loada devait plutôt s’en prendre au pouvoir qui ne répond pas aux demandes

  • Le 16 septembre 2010 à 12:22, par Bouba En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    Je viens de lire cette interview de Monsieur Karim Saidou fort édifiant. On sent qu’il maitrise son sujet. Quatre observations cependant :

    1) Je ne sais pas si le journaliste ou la rédaction de sidwaya comprend français où si c’est sciemment fait. Nul part, Monsieur Saidou n’a dit “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”. Pour ceux qui comprennent français, il a en substance dit qu’on reproche à la société civile d’en faire une fixation mais que ce reproche n’est justifié parce que c’est primordial dans notre constitution et donc ça vaut la peine. Je cite « C’est un reproche qui n’est pas justifié parce que c’est une clause assez fondamentale dans notre constitution »

    2) Le titre est encore plus impardonnable quand vous le mettez entre guillemets parce qu’en bon français ça veut dire que vous avez cité exactement ce que la personne a dit.

    3) Monsieur Saidou a égratigné quelque peu Me Sankara. Mais je crois que ça n’en valait pas la peine parce le fait de ne pas se retrouver dans un même regroupement ne veut pas dire qu’on est divisé sur la question. Me Sankara est contre la révision de l’article 37 à ma connaissance même s’il n’est pas dans la coalition 37. On pourrait parler de division si Me Sankara était pour la révision de l’article 37. Ce qui n’est pas le cas.

    4) Je trouve au contraire la société civile elle-même est très divisée et instrumentalisée à des fins inavouées selon les circonstances, ce que Monsieur Saidou passe sous silence. Par exemple, on l’a vu lors de la réélection du président de la CENI : on a fait sortir des associations de dolotières pour voter le président de la CENI qui lui-même représente le GERDES qui est uneinstitution qui n’existe que de nom car je ne vois pas quelle étude sérieuse ce Groupe d’études et de recherche a déjà mené sur le terrain.

  • Le 16 septembre 2010 à 15:19, par jean-paul En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    De quel droit ce monsieur décide-t-il que la politique de la chaise vide n’est pas un bon combat politique ? Quelle expérience a-t-il de la lutte concrète sur le terrain politique ? Quelles responsabilités a-t-il occupées au sein d’instances gouvernantes ? Que connaît-il des pratiques inciviques de nos gouvernants pour parler comme il parle ? Il est tout à fait dans le faux et, comme beaucoup de la société civile, sans en avoir l’air, il fait le jeu du pouvoir. Il incite les opposants à aller se faire massacrer aux élections pour légitimer le pouvoir en place

  • Le 16 septembre 2010 à 21:11, par Le Sud Africain En réponse à : Abdoul Karim Saïdou, chef du service des opérations du CGD : “Il n’y a pas de fixation sur l’article 37”

    Le président Wade a vu juste en disant qu’ "En Afrique il n’y a pas de société civile, ce sont tous des politiciens qui avancent masqués".
    Loada et Ibriga n’ont pas le courage politique de se lancer dans l’arène.Ils espèrent une victoire de Zeph pour monayé des strapontins de ministère.

    Sans Rancune

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique