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VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS : Ces "Abou Ghraib"* africains

Publié le jeudi 16 septembre 2010 à 03h04min

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Le pays de Me Abdoulaye Wade n’a pas bonne presse ces temps-ci au sujet de la protection des droits humains. L’Organisation de défense des droits de l’homme, Amnesty international, a publié le 15 septembre 2010, un rapport accablant pour la police, la justice et le gouvernement sénégalais. En effet, ce rapport qualifie le Sénégal de "terre d’impunité" au regard notamment du traitement réservé aux prévenus dans les commissariats du pays. Ce rapport est l’aboutissement d’enquêtes menées par l’Organisation auprès de différentes personnes entre 1998 et mai 2010. Il ressort, entre autres, de ces conclusions que ces trois dernières années, au moins six personnes arrêtées pour des infractions de droit commun, ont été torturées à mort.

Il est également mentionné que les tortionnaires sont généralement soustraits à la justice par toutes sortes de manoeuvres des autorités. Cela conforte les SOS de la Rencontre africaine des droits de l’homme (RADHO) qui, à maintes reprises, a décrié le fait que les forces de sécurité sénégalaises ont la main trop lourde dans le traitement des prévenus et jouissent d’une certaine impunité.

Nul doute que ce genre de situation n’est pas glorifiant pour ce pays dans un passé récent, réputé être un des Etats les plus démocratiques du continent. Cela n’est pas non plus à l’honneur de Me Abdoulaye Wade. L’avocat, défenseur des droits humains devenu président, ne semble plus se préoccuper de son sacerdoce originel. Cette absence de mesures fermes contre la torture des prévenus est suffisamment grave pour un Etat dirigé par un avocat de profession. En d’autres termes, le profil du chef de l’Etat sénégalais constitue une circonstance aggravante. Hélas, le cas sénégalais n’est pas une exception sur le continent. Ce que ce rapport révèle est extensible à souhait à beaucoup d’Etats africains et illustre une situation qualifiée par les défenseurs des droits humains, de critique sur le continent dans son ensemble.

La torture des prévenus, qu’elle intervienne dans des affaires politiques ou autres, est ainsi monnaie courante sur le continent. Ces pratiques sont si nombreuses que l’on a l’impression que dès que les prévenus franchissent le seuil des commissariats, la présomption d’innocence disparaît pour faire place à une présomption de culpabilité. Lors des interrogatoires, les agents s’emploient très souvent à obtenir, de force, les aveux dont ils ont besoin et qui prouveraient la culpabilité des prévenus. Dans bien des cas, ces derniers ont ainsi été torturés jusqu’à ce que mort s’en suive sans que leur culpabilité puisse être vraiment établie et ce, dans une totale impunité. Aux écarts de comportements de certains éléments des forces de sécurité, il faut ajouter les pressions politiques tendant à autoriser, voire exiger de ces agents de sécurité, l’extorsion d’aveux par le recours aux mesures les plus inhumaines qui soient.

Ainsi, ceux qui étaient censés protéger les pauvres populations se révèlent être leurs bourreaux. Des éléments de la procédure judiciaire comme les gardes à vue ne sont rien d’autre que des emprisonnements. La vétusté, l’exiguïté et l’insalubrité des locaux de détention, tel est le sort réservé à leurs malheureux occupants. Dans ces conditions, c’est peu d’affirmer que les milieux carcéraux, dans la plupart des Etats du continent, sont des "Abou Ghraib" africains. Toutes ces dérives en Afrique sont facilitées par l’absence de réflexe des populations, alors qu’elles peuvent toujours avoir recours à un conseil juridique dès qu’elles ont un problème. Mais aussi et surtout par l’impunité ambiante, l’absence de respect par les autorités, des textes relatifs à la protection des droits de l’homme, notamment de la Convention des Nations unies contre la torture.

Quoi de plus étonnant que les victimes et leurs familles sont désarmées et que les croyants s’en remettent à la justice de Dieu faute de solution plus immédiate ! Et pour ne pas arranger les choses, les mouvements de défense des droits humains dans les différents Etats africains semblent devenus moins actifs, essoufflés ces temps-ci. Cela se justifie sans doute par le tarissement des financements étant donné que les fonds pour travailler viennent généralement de l’extérieur. Sans oublier le combat acharné des gouvernants contre ces organisations, l’une des astuces consistant à susciter la création de mouvements symétriques, utilisés pour saboter l’action de ceux jugés dérangeants. Au regard de l’ampleur des exactions et de l’importance de la protection des droits humains, il est plus que jamais urgent que les Etats africains revoient leur copie. Pour ce faire, les dirigeants doivent dépasser les discours de circonstance pour traduire la volonté de protection de leurs populations contre la torture et autres exactions en actes concrets.

* Abou Ghraib : nom de cette sinistre prison irakienne située à Bagdad, où des tortures avaient lieu. Les consciences à travers le monde avaient d’ailleurs été heurtées avec la publication en 2004 des photographies de soldats américains torturant et humiliant des prisonniers. Ces crimes avaient valu en 2006 la condamnation d’une dizaine de soldats américains.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 16 septembre 2010 à 10:48 En réponse à : VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS : Ces "Abou Ghraib"* africains

    Pas etonnant. Nous avons des avocats qui militent pour la revision de notre article 37. Pensez - vous que ces professionnels sans la vocation, avocats de leurs ventre sans fond, frauduleux dans l’ ame, guarantiraient les droits de l’ homme s’ ils accedaient a la magistrature supreme ? Heureusement qu’ ils sont assez impopulaires pour ne meme pas etre conseiller municipal d’ un Six Metre chez nous au Faso en tout cas ou tout le monde voit clair dans la boue. C’est ainsi en afrique. On ne choisit pas le metier par vocation mais d’ abord pour les feuilles.

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