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Mode : Retour en force de "Zogoda"

Publié le lundi 6 septembre 2004 à 07h59min

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Rouge-noir ou l’un sans l’autre. Dans tous les cas, ces couleurs semblent les préférées de nombreuses personnes. Particulièrement les dames qui les arborent au point qu’ailleurs, on désigne cette tenue sous le sobriquet peu flatteur de drapeau de dames.

Stendhal a décidement la vie longue. Sa riche œuvre le "Rouge et le noir" a-t-il seulement quelque chose dans cette ruée vers les mélanges rouge et noir que de nos jours les filles "branchées" affectionnent ? Un tour à Ouagadougou et dans les provinces et on est "violemment" frappé par la flopée de personnes en rouge et noir. Les raisons de ce choix vestimentaire varient selon la personne. "Le rouge colle à mon teint", confesse mademoiselle Ida Oulé.

Dans la foule des personnes venues ce jeudi soir faire leurs emplettes dans un magasin bien fréquenté sis à Rood Woko, mademoiselle Oulé bien entendu, n’était pas la seule femme en rouge et noir. Même que certaines, de teint noir foncé comme on dit, étaient fièrement dans leur rouge et noir. "C’est l’effet modes qui me pousse à me mettre en rouge et noir" se confie Aline Sawadogo étudiante. Un peu comme pour dire qu’elle ne partage pas le point de vue de mademoiselle Oulé. D’ailleurs au campus, "Le rouge et le noir fait fureur". Ce sont les tenues-phare. Le phénomène est pourtant loin d’être circonscrit au seul temple du savoir. De tous âges et surtout de toutes catégories sociales, le rouge et le noir restent le choix premier dans le vestimentaire.

Commerçante de son état, Agnès Traoré évoque pour sa part une autre raison qui la pousse vers le rouge et noir. "Je suis habillée ainsi non pas parce que ce sont des couleurs à la mode" dit-elle en désignant ce mélange dans les termes qui lui sont connus. C’est-à- dire le Zogoda. Pour madame Traoré son choix se justifie par le fait que "le haut que j’ai porté est noir" et contient un peu de rouge et ma chaussure est noire. Selon elle, c’est plutôt le souci "de mariage, d’harmonie" qui l’a poussée à se vêtir dans les couleurs rouge et noir. Le Zogoda ou l’habillement en rouge et noir a été lancé de façon amplifiée par un artiste musicien ivoirien du nom de Ernest Koffi. A l’époque, la tenue devait soutenir son œuvre musicale dont le rythme naturellement était appelé Zogoda. L’ariste aurait pu désigner son rythme par les appellations de Zouglou, Zyglibity, Zoblazo ou Zigbéï.

Du reste, les refrains de la chanson s’attardaient sur la coincidence des premières lettres de tous ces genres musicaux à succès qui étaient le "Z". Cela a incidemment permis à la tenue rouge et noire de vivre son heure de gloire. A moins que ce ne soit la tenue rouge et noire qui ait ouvert les portes du succès à la chanson. Dans tous les cas, le fait était établi que cette couleur-là était la préférée.

Tant les jeunes particulièrement les filles cherchaient à défaut d’être avec le musicien comme danseuses, ressembler au moins à ces filles par la tenue vestimentaire. Depuis plus d’un lustre pourtant, la chanson s’est éteinte et le silence observé par le "propriétaire" du rythme avait conduit à la mise sous teigne de la tenue. Comment alors expliquer sa resurgence ? Sur une bonne dizaine de filles rencontrées en circulation ou dans les lieux publics dans notre capitale et certainement dans les autres villes, plus de la moitié sont en rouge et noir. Peut-on seulement parler de préférence comme Salif Ouédraogo vendeur de sacs, chaussures et pantalons ?

En effet pour lui, "les couleurs préférées des clients hommes comme femmes c’est d’abord le noir, ensuite le rouge". M. Ouédraogo qui tente une explication à ce choix de première classe avoue que "les gens choississent la couleur noire parce que le noir se salit moins. On le lave par conséquent rarement. Cela permet de le porter le plus longtemps possible". La conclusion qu’il tire de son constat est d’ordre économique. "On économise en temps , en savon". Et la raison de la couleur rouge ? Motus ?

Les personnes rencontrées n’arrivent pas à justifier pourquoi le rouge. Ou lorsqu’elles le font, c’est sur la base des "auditu". Selon mademoiselle Oulé, "il parait que le rouge est signe de violence". Pour étayer ses propos, elle prend l’exemple du sang et conclut "moi je n’ai pas de la couleur rouge, cette conception. D’ailleurs je la préfère plus que tout autre couleur". Et si seulement le rouge et noir burkinabé transcendait le Zogoda de l’artiste musicien ivoirien et dans le temps, et dans les fondements ? En considérant que le Zogoda est vieux seulement de deux lustres et surtout était simplement un effet de mode.

En effet, les bonnets de chefs traditionnels et le foulard appelé "liuli-pendé" que les femmes burkinabé portent lors des grands rendez-vous de leur vie est un signe car dans cet aéropage vestimentaire les couleurs dominantes demeurent le rouge et le noir. Ces couleurs accompagnent et mettent en évidence d’autres symboles dont surtout les oiseaux qui agrémentent la beauté des bonnets et du foulard. D’ailleurs l’un des symboles de souvéraineté du Burkina Faso alors Haute Volta, l’étendard était frappé des couleurs noir et rouge avec bien sûr le blanc.

Mais toujours le rouge et le noir. L’omniprésence de ces deux couleurs dans les faits et vécus des Burkinabè a certainement un sens profond. Au-délà des considérations micro nationalistes, tout Africain retient au moins du noir la couleur du deuil, du rappel constant que "l’homme est neuf mais pas dix". Comme le disent les africains pour seulement rappeler aux uns et autres que personne n’est parfait. Par conséquent nous appéler à plus d’humilité, de tolérence et de pardon. Le noir comme l’a également dit le poète est "la couleur de tous les jours". Quant au rouge, il rappelle la force, la virilité et surtout la violence.

Et paradoxalement le rouge reste la couleur de la vie. Ne serait-ce que par le sang qui coule dans les veines de tous les êtres humains comme des animaux. C’est par excellence la couleur qui rappelle à tous que nous sommes égaux quelles que soient nos différences. Sont ce ces raisons qui justifient la préférence pour le rouge et le noir ? Rien en vérité n’est certain. Mais le constat est là, qu’il en est du rouge et du noir en habillement comme le reggae en musique. Tous les deux sont intemporels. Donc résistent à l’usure du temps.

Le rouge et le noir ont donc devant eux de beaux jours. Voyez les motos, les plus prisées sont les rouges ou les noires ou tout simplement les rouge et noire. C’est un clin d’oeil. Une façon de dire que ces couleurs-là, en plus du blanc, nous accompagnent tous les jours. Le Noir parce qu’on est noir. Le rouge parce que c’est le sang. Et le blanc pour nous accompagner lors de notre grand et dernier voyage. Voilà qui est bien dit.

Marguerite Blegna,
Jean Philippe Tougouma
Sidwaya

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