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RETOUR SUR LA PROBLEMATIQUE DE LA LIMITATION DU MANDAT PRESIDENTIEL : COMPARAISON N’EST PAS RAISON, MAIS....

Publié le lundi 13 septembre 2010 à 02h39min

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La question du déverrouillage de la clause limitative du mandat présidentiel, longtemps dénoncée par quelques politiques dans le silence de la communauté internationale, a enfin fait son entrée dans la thématique des griefs formulés contre les facsimilés de démocratie africaine. Et revoici pourtant le Burkina Faso qui se fait remarquer en remettant sur le métier la question. Mais un petit exercice de vie politique comparée laisse vite apparaître qu’on est loin d’en avoir terminé avec ce fil à la patte que traînent nos démocraties. Pour pouvoir le décrocher, voyons comment les Constitutions en général traitent le sujet avant de se pencher sur les propositions de règlement définitif de cette contestation fqui gangrène les processus démocratiques sur le continent.

LES CONSTITUTIONS AFRICAINES ET LA QUESTION DES MANDATS

Nous avons d’abord les constitutions qui généralement, après avoir fixé le mandat à deux termes, prévoient une clause qui renforce cette limitation de telle sorte que le président en exercice ne puisse échapper en aucune façon à cette restriction. Exemple : la constitution du Bénin en son article 42 : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels. » La nouvelle constitution
guinéenne contient le même empêchement en son article 27 : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de 5 ans renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non. ». Ici, il s’agit même d’une interdiction définitive de candidature, sans possibilité de remettre ça après une période de relâche.

Toutefois, la volonté de protéger la limitation du mandat n’est pas allée jusqu’à sa sanctuarisation en l’inscrivant dans les matières à jamais insusceptibles de révision comme on le fait parfois du territoire national, du multipartisme, etc., à l’exemple de l’article 165 de notre Constitution.

Il est par d’autres constitutions qui se contentent de prévoir la limitation du mandat, sans plus. Exemple : la constitution du Mali en son article 30 : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Il n’est rééligible qu’une seule fois. ». Même idée avec l’article 35 de la constitution ivoirienne : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel. Il n’est rééligible qu’une fois ». Nous restons dans la même veine avec le célèbre article 37 de la constitution burkinabé : « Le Président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois ». On notera que dans ces constitutions, non seulement la limitation n’est pas renforcée mais à tout moment, il est possible de procéder à une révision de la loi fondamentale sur le point de la limitation du mandat présidentiel par voie législative ou référendaire. (cf San Finna N° 580 « Ce qui est toujours relevé par les partisans du déverrouillage, c’est que si effectivement la limitation est inscrite dans la Constitution, cette dernière n’interdit pas de réviser l’article 37. Elle n’a pas, comme au Bénin, inclus une disposition qui verrouille la limitation du mandat »).

Il y a un cas tout à fait à part, celui du Sénégal. Dans sa Constitution de 1963 révisée en 2001 alors que le président Wade venait tout juste d’être élu pour un mandat de 7 ans, il y a eu une disposition instaurant le quinquennat. C’est l’objet de l’article 27 : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ». Clin d’œil à notre révision de 2000 avant la fin du deuxième septennat de Blaise Compaoré et qui instaurait également le quinquennat ! Mais première remarque : dans les dispositions transitoires, il est fait application immédiate de la révision à Abdoulaye Wade de telle sorte qu’après son septennat, il n’a droit qu’à un seul quinquennat. C’est le raisonnement de Luc Marius Ibriga qui est ici appliqué. (cf Bendre : « Si le principe de non rétroactivité a épuisé ses effets et a été appliqué au président Compaoré parce qu’on ne pouvait pas revenir sur ses 7 ans, au bout des 7 ans, c’est la loi nouvelle qui s’applique ; et cette loi nouvelle qui s’applique conduit à écarter la candidature du président Compaoré parce que sous la constitution de la IVè République, il a fait deux mandats de 7 ans et c’est cette constitution qui est encore en vigueurt »).

Autre remarque : la constitution sénégalaise ne sanctuarise pas la limitation du mandat ; elle en permet même expressément la révision dans cet article 27 en précisant que la limitation du mandat ne peut être révisée que par une loi référendaire. Ce qui fait dire qu’en matière de jonglerie juridique, on ne fait pas mieux que Wade ! Il n’est pas pour rien Docteur en droit et avocat émérite ! Le Parti socialiste, dans une déclaration datée du 1er septembre 2010, a d’ores et déjà pris le problème à bras le corps. Il saisira le Conseil constitutionnel pour l’invalidation d’une éventuelle candidature d’Abdoulaye Wade : « Lorsque le moment viendra fatalement pour lui de devoir répondre de ses actes devant la justice des hommes, cet exploit d’huissier prouvera utilement que non seulement Abdoulaye Wade, malgré sa qualité de gardien de la Constitution, l’aura violée, mais qu’il l’aura, circonstance aggravante, bafouée en toute connaissance de cause. Ce serait probablement le dernier et non le moindre des crimes qu’il collectionne allégrement depuis 2000, voire même avant, et qui le rendent coupable de Haute Trahison passible par conséquent de la Haute Cour de Justice ».

Mais il est des pays qui laissent totalement ouvert le mandat. Il en va ainsi du Togo avec l’article 59 de sa loi fondamentale : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans. Il est rééligible. » Voici un aperçu, parmi bien d’autres, de la façon dont la question est abordée dans quelques Constitutions.

Mais on le voit bien, la solution à la problématique du mandat présidentiel ne réside pas dans l’art de sa formulation constitutionnelle.

QUELS REMEDES EFFICACES AU PROBLEME DE LA LIMITATION DES MANDATS ?

Il en est qui pensent que, quelles que soient les barrières insérées dans les lois fondamentales, elles ne peuvent faire obstacle à la volonté d’un président de s’enkyster au pouvoir. On l’a vu avec le Niger où le mandat était limité à deux et bien verrouillé. Même s’il en a coûté au président Tandja d’avoir voulu outrepasser les interdictions constitutionnelles, il l’a quand même tenté et rien ne dit que dans l’avenir, d’autres ne l’imiteront pas. D’ailleurs, en Algérie, en Tunisie et en Ouganda, on a allègrement tortu le cou à l’interdit, sans conséquence ni interne, ni internationale ! Ce qui, de guerre lasse, en amène à estimer qu’il faut tant qu’à faire, totalement omettre de la Constitution l’interdiction qui est au demeurant antidémocratique comme l’a relevé Roch Marc Christian Kaboré parce qu’elle est en porte à faux avec le principe que seul le peuple est souverain. L’idée ici défendue est celle de la primauté de la souveraineté populaire qui dérive du mot latin « peranitas » (un pouvoir qui ne souffre rien au-dessus de lui). Si rien n’existe au-dessus de la volonté du peuple, on ne peut d’aucune manière la restreindre, notamment en limitant son choix sur ses représentants.

A leur opposé, il existe des partisans de la sanctuarisation de la limitation, et parmi eux, il en est qui demandent qu’en cas de passage d’une constitution à une autre, cette disposition soit maintenue et qu’en tout les cas, le président sortant ne puisse pas se représenter. D’autres, plus exigeants comme l’UNDD, suggèrent non seulement de renforcer les restrictions en sanctuarisant la limitation des mandats mais plus encore, une protection supranationale aux constitutions africaines ou à certaines de leurs dispositions en les mettant sous protection internationale : CEDEAO, Union Africaine, Nations Unies. Les transferts supranationaux de compétences et le principe de subsidiarité sont des concepts qui peuvent juridiquement expliquer une atténuation des pouvoirs du peuple. La répartition des pouvoirs dans le cadre des Etats fédéraux, le démontre déjà depuis bien longtemps, sans même recourir à l’exemple édifiant des USA (suivis de la France) qui limitent le mandat sans qu’on en tire le prétexte d’une régression démocratique l

Dans la mesure où la question n’est plus seulement propre à l’Afrique, qu’elle fait des adeptes dans les pays membres de l’ancienne Union soviétique et tout autant dans ceux d’Amérique Latine avec le Venezuela comme tête de proue, une réflexion sur cette protection internationale même à la carte pourrait être une option à creuser !

LK

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2010 à 09:20, par Albert En réponse à : RETOUR SUR LA PROBLEMATIQUE DE LA LIMITATION DU MANDAT PRESIDENTIEL : COMPARAISON N’EST PAS RAISON, MAIS....

    Monsieur LK, Vous partez du principe dans votre titre qu’il y a une "problématique de la limitation du mandat présidentiel", alors que la problématique n’est pas dans la limitation, mais dans le désir de rester a vie au pouvoir.

    De plus votre argumentation en prenant des exemples de constitution étrangères n’est pas tres intéressante : il vous faudrait lister les pays africains ou la constitution ne limite pas le mandat présidentiel et vous vous rendrez vite compte du danger : Togo, Gabon, Tchad, Congo Brazza etc. Rien que des dictateurs qui n’ont rien a faire de leur peuple.

    A la fin de votre texte vous prenez l’exemple du Venezuela sans plus de précision. Au Vénezuela, Chavez a déverrouillé la limitation du mandat présidentiel, mais en échange, tous les 2 ans, il y a un référendum populaire pour savoir si le président reste ou pas. Tous les 2 ans, le peuple peut mettre fin au mandat du président (même s’il est au milieu de ces 5 ans).

    Si Blaise fait comme au Venezuela : je suis d’accord. Mais il n’osera jamais.

  • Le 13 septembre 2010 à 12:40, par régis En réponse à : RETOUR SUR LA PROBLEMATIQUE DE LA LIMITATION DU MANDAT PRESIDENTIEL : COMPARAISON N’EST PAS RAISON, MAIS....

    d’accord de A à Z avec cette analyse pertinente

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