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Alpha Condé, candidat au second tour de la présidentielle en Guinée : "…Je ne vois pas comment je peux perdre cette élection…"

Publié le mardi 7 septembre 2010 à 02h02min

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Arrivé deuxième au premier tour de la présidentielle en Guinée, avec 18% des suffrages contre 43% à son adversaire Cellou Dalein Diallo, le Pr Alpha Condé ne pense pas le moins du monde, que le second round du 19 septembre prochain, peut lui échapper, si les élections sont propres et sans fraudes. Le candidat du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) est d’autant plus confiant que trois des quatre régions de la Guinée lui sont favorables, selon son propre constat et ne considère pas tellement le "grand" écart qui le sépare de son adversaire. C’est entre autres ce qu’il nous a confié dans une interview accordée le 3 septembre 2010, juste avant de quitter la capitale burkinabè, après avoir signé un protocole de bonne conduite dans la perspective du second tour de la présidentielle.

Sidwaya (S.) : Vous venez juste de signer un protocole de bonne conduite avec votre adversaire dans la perspective du second tour en Guinée. Quelles sont les grandes lignes de ce texte et est-ce qu’il vous convient ?

Alpha Condé (A.C.) : Le protocole comporte à la fois l’homologation de l’élection et le comportement des deux candidats. Tout le monde a vu que le premier tour a été scandaleux. Il y a eu beaucoup de dysfonctionnements et de fraudes généralisées. La CENI n’a pas été capable d’organiser correctement les élections. Ce qui pose problème. Lorsque vous êtes à la Coupe du monde, il y a des matchs qualificatifs jusqu’à la finale. Si en demi-finale, l’arbitre a beaucoup de carences, il faut trouver un moyen pour pallier cela.

Lorsque le président Blaise Compaoré est venu à Conakry, mon adversaire a dit qu’en une semaine, on peut régler tous les problèmes de dysfonctionnement. Alors que cela fait plus d’un mois et demi, que sur les 24 points qui ont été dégagés par la commission ad hoc qui a été mise en place par le Conseil national de transition (CNT) et la CENI, 16 ne sont pas encore réglés, parce que la SAGEM (Société française spécialisée dans la confection de cartes d’électeur) n’a commencé son travail que mardi (Ndlr : l’interview a eu lieu le vendredi).

Donc, il y a eu un accord entre nous trois, le président Blaise Compaoré, Cellou Dalein Diallo et moi. Et nous avons demandé que premièrement la liste électorale soit maintenant publiée et accessible sur Internet. Et deuxièmement, que le redécoupage qui vient d’être fait avec la création de nouveaux bureaux de vote soit effectif, et que ces bureaux de vote soient en place avec des urnes et des bulletins.

Ensuite, que lorsque la SAGEM aura fini le redécoupage, la liste soit affichée à chaque bureau de vote. Il faut aussi qu’il y ait des enveloppes pour sécuriser, parce qu’au premier tour, beaucoup de gens sont venus avec des bulletins cachés et ont voté deux ou trois fois. Alors que si vous mettez deux bulletins dans une enveloppe, le vote est annulé.

La CENI avait reconnu devant le groupe international de contact, qu’elle n’avait ni les moyens matériels, ni les moyens humains pour organiser les élections. Et donc, il faut que l’assistance du ministère de l’Administration du territoire soit effective.

Parce qu’il faut la paix en Guinée. Et pour cela, il faut que l’élection soit vraiment transparente. Il faut savoir que si le général Sékouba Konaté a la volonté d’organiser les élections et de partir, ce n’est pas le cas de tous les militaires. Donc, si l’élection engendre des troubles, on risque de retourner à un coup d’Etat militaire.

S. Qu’allez-vous faire, si d’aventure les choses ne se déroulent pas comme convenu dans ce protocole de bonne conduite ?

A.C. : Nous allons nous battre, avec la caution du président Compaoré, pour qu’il n’y ait pas de dysfonctionnement. Il est venu lui-même en Guinée, il a constaté. Je pense qu’en unissant nos efforts, nous allons obtenir que les différents dysfonctionnements soient réglés, parce qu’il y va de l’intérêt de la Guinée et de la sous-région.

S. Comment envisagez-vous le second tour de la présidentielle, vous qui êtes grandement distancé par Cellou Dalein Diallo ?

A.C. : Les gens ont une très mauvaise lecture de la situation en Guinée. Il y a 4 millions 270 mille électeurs. Les suffrages exprimés à la fin, faisaient 1 million 700 mille. C’est-à-dire même pas 45% du collège électoral. Dans les régions qui nous sont favorables, les bureaux de vote étaient par exemple situés à 40 km et donc, de nombreuses personnes n’ont pas pu voter. En reprenant le découpage électoral, ce problème est maintenant réglé.

Ensuite Sidya Touré (Ndlr : arrivé troisième au premier tour de la présidentielle et ayant porté son choix sur Dalein Diallo), avant de se déterminer a dit à tout le monde, que 30% de son bureau politique veut qu’il aille avec Dalein Diallo, mais sa base veut qu’il soit plutôt avec moi. Et ses militants lui ont dit que s’il se ralliait à Cellou Dalein Diallo, il ira seul. Mais, c’est ce qu’il a fait et actuellement sa base m’a rejoint. Et les gens l’on mis en cause. Lorsque le président Compaoré est venu à Conakry, il a vu comment il y avait des pancartes qui avaient des messages hostiles à Cellou Dalein Diallo.

Il avait organisé les femmes pour aller insulter le général Sékouba. Là, c’était ses propres militants qui étaient contre lui. C’est la même chose pour le candidat Abbé Sylla. Mieux, la Basse Guinée, la Haute Guinée et la Guinée forestière, c’est-à-dire trois régions sur quatre sont mobilisées derrière moi. Alors, je ne peux qu’être tranquille, parce que je ne vois pas comment je peux perdre cette élection, s’il n’y a pas une fraude gigantesque,

S. : Vous êtes donc certain d’être le prochain président de la Guinée-Conakry ?

AC. : S’il n’y a pas de fraudes, il n’y a pas de raison que je ne sois pas élu. Trois régions sur quatre me soutiennent. Comment voulez-vous que je puisse perdre ces élections.

S. : Et que dites-vous à ceux qui pensent que votre âge pourrait être un handicap pour vous ?

AC. : C’est leur problème. Vous me voyez assis. Voyez si je suis âgé ou pas...

S. : Quels commentaires faites-vous des propos de votre adversaire, selon lesquels vous avez un "deal" avec le Premier ministre Doré pour vous permettre de remporter le second tour ?

AC. : (Rires...) Vous savez, c’est toujours le voleur qui crie au voleur. Je n’ai aucun deal avec Doré. Par contre, vous pouvez poser la question à Doré. Il y a une semaine, le candidat d’en face avec les grands commerçants qui sont dernière lui, ont rencontré le Premier ministre. Ils lui ont proposé de faire alliance avec Cellou Dalein, afin de lui garantir le poste de président de l’Assemblée nationale. Mais le Premier ministre a dit qu’il est neutre et qu’il s’attelle à organiser les élections. Alors demandez au Premier ministre, puisqu’il est vivant, qui lui a proposé un accord ou qui ne l’a pas fait.

S. : Quelle seront vos priorités, une fois à la tête de la Guinée ?

AC. : Je les ai déjà définies. Il s’agit de l’autosuffisance alimentaire, la santé et l’éducation pour tous, les infrastructures, notamment le chemin de fer. Ensuite, la réconciliation et l’unité nationale. Vous savez que la Guinée a connu beaucoup de turbulences sous la première et la deuxième République.

Il faut donc qu’on apprenne à se pardonner. C’est pourquoi, j’ai organisé la lecture de Coran et des sacrifices pour la mémoire du président Conté sur sa tombe et aussi pour le président Sekou Touré. Je compte faire la même chose pour les deux principaux collaborateurs du président Sékou Touré. La première République m’a condamné à mort par contumace et la deuxième République m’a amené en prison.

Mais, je veux montrer aux Guinéens qu’aujourd’hui, nous devons savoir nous pardonner. C’est pourquoi, si je gagne, je prévois de tenir une conférence "vérité et réconciliation", afin que chacun reconnaisse ses torts et que les autres pardonnent, parce qu’il y a tellement de problèmes à résoudre en Guinée que nous avons besoin de notre unité et de nous donner la main. C’est pourquoi si je gagne, je formerais un gouvernement d’union nationale. Ce qui est important aujourd’hui, c’est que nous pensions à l’avenir et non pas au passé. Et que la situation que nous avions connue, que nos enfants et nos petits-enfants ne la connaissent pas.

S. : Et qu’allez-vous faire de Moussa Dadis Camara, si vous êtes président ?

AC. : J’ai dit que si je gagne, je donnerais à Dadis ses droits d’ancien président. Maintenant, il y a la Cour pénale internationale, mais jusqu’à présent, elle n’a rien décidé. Donc, on verra bien. Je veux que les Guinéens se réconcilient et qu’on se donne la main pour avancer.

S. : Comment analysez-vous le fait de participer aux premières élections véritablement libres et démocratiques dans votre pays ?

AC. : Je souhaite vraiment que ces élections soient véritablement démocratiques comme vous le dites, afin que le peuple guinéen puisse réellement choisir son dirigeant. Et surtout que cette élection permette une rupture d’avec la gestion passée, parce que la Guinée, étant le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest, il est anormal qu’on soit le dernier de la sous-région, du point de vue développement. Je pense que si ces élections sont transparentes, nous pourrions à la fois lutter contre la corruption, l’impunité etc., et mettre la Guinée sur les rails.

S. : Comment appréciez-vous l’action du médiateur Blaise Compaoré pour une sortie de crise en Guinée ?

AC. : Si j’ai répondu avec empressement à son invitation, c’est parce que nous lui sommes reconnaissant, pour s’être beaucoup investi en Guinée, sur tous les plans, c’est-à-dire humainement, physiquement et matériellement. Et d’avoir mis toute son énergie, son intelligence, son habilité pour qu’on arrive à des élections apaisées. Si ce n’était pas le président Blaise Compaoré qui m’avait invité, je ne serais pas venu à Ouagadougou.

Interview réalisée par Gabriel SAMA

Sidwaya

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