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Opération CNIB : Plus difficile à distribuer qu’à produire !

Publié le lundi 6 septembre 2010 à 19h53min

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De l’extérieur on croit que le problème c’est la production des cartes. La vraie difficulté c’est comment faire parvenir les cartes aux propriétaires. Au jour d’aujourd’hui l’ONI aurait produit plus de carte qu’il n’y a de personnes inscrites sur les listes électorales. Pour la ville de Ouagadougou, l’ONI a produit 917 976 cartes d’identité alors qu’il y a seulement 448 089 inscrits sur les listes électorales. Le problème c’est qu’on a pensé à la collecte et à la production et on avait oublié de perfectionner les mécanismes de distribution des cartes aux propriétaires.

La nécessité faisant loi, la mission de la direction générale de l’ONI a été quasiment modifiée en cours de mandat. Depuis que les députés ont voté la loi imposant la CNIB comme le seul document de la votation pour la présidentielle à venir, l’ONI a vu son mandat changer. Il lui est désormais enjoint de produire des CNIB pour la votation, alors que sa mission initiale était de doter le maximum de burkinabè de la carte nationale d’identité burkinabè (CNIB). La lettre de mission du directeur général est claire : produire quelques 5 à 6 millions de CNIB d’ici à la fin de l’année 2010. A la mi-aout, quelques 3 400 000 cartes ont été produites. Nous sommes à quatre mois de la fin de l’année.

Très peu de temps donc pour produire quelques 3 millions de cartes avec une production journalière actuelle de 20 000 cartes. Si les nouvelles machines de l’ONI tournent à plein régime et sans interruption, au 31 décembre 2010, ce sont 2 400 000 cartes qui seront produites. On ne sera pas très loin du compte, mais la tâche est titanesque. Mais comme on le sait, l’objectif ce n’est pas le 31 décembre, mais le 21 novembre, date de la présidentielle. Il est possible qu’au rythme de production de l’ONI actuel, les inscrits sur les listes électorales puissent effectivement bénéficier d’une carte d’identité. Mais le tout n’est pas de produire les pièces, il faut qu’elles parviennent aux propriétaires. Selon toute vraisemblance, c’est le maillon de la chaîne qu’il va valoir mieux organiser. Les efforts colossaux semblent avoir été fait pour améliorer le système de production. A Ouagadougou on a adjoint un second centre de production des cartes à Bobo Dioulasso.

Au niveau du traitement des données on est passé de 8 à 23 centres. Ces centres intermédiaires reçoivent et traitent les données avant de les transmettre à l’ONI pour la production des pièces. Ces centres sont alimentés par des équipes mobiles et fixes de collecte. Le nombre d’équipes fixes est passé de 60 à 97 et celles mobiles de 15 à 50. La pression de la présidentielle a conduit à décupler les capacités de l’ONI qui le mettent aujourd’hui en situation de répondre au " défi imposé " par la nécessité politique. Mais les capacités à elles seules ne suffisent pas à lever tous les goulots d’étranglement. Les responsables de l’ONI expliquent cela par plusieurs raisons dont surtout le retard observé dans le démarrage de l’opération spéciale d’établissement massif. Prévu pour commencer en janvier dernier, ce n’est qu’en avril véritablement que la machine a pris.

La campagne de production massive des CNIB lancée le 15 mars dernier prend fin le 30 septembre prochain. Mais cela ne veut pas dire qu’à cette date l’ONI arrêtera de produire les cartes. Le service va continuer à fonctionner normalement. Autres difficultés la saison des pluies. Dans les campagnes, les paysans sont plutôt préoccupés à des occupations plus vitales. C’est pourquoi l’ONI dit avoir constaté actuellement une baisse de l’affluence dans les zones rurales. Le problème que l’ONI doit aujourd’hui gérer tient moins à sa capacité de production. Il est de ce point de vue bien outillé. Il lui reste à faire face à d’autres aléas qui n’avaient pas été prévus. La démobilisation des paysans pour fait de travaux champêtres et surtout la question de la distribution des cartes déjà confectionnées.

Cartes introuvables aux commissariats

Dans les commissariats de police, on n’est plus au temps où les populations étaient obligées de venir s’aligner à 20h pour espérer avoir l’inscription le lendemain matin. Mais l’affluence est toujours grande. Ce jeudi 19 août au commissariat de police de Boulmiougou, de longues files indiennes sont constituées. Le formulaire d’inscription en main, chacun attend son tour pour se faire inscrire. Le processus d’inscription une fois commencé ne prend pas beaucoup de temps. A 11H30 tous les demandeurs se sont inscrits. Ici, les citoyens peuvent s’inscrire tous les jours ouvrables dans la matinée. La soirée est réservée à la distribution des cartes. "Tant qu’il y a des demandeurs nous continuons les inscriptions. On ne renvoie pas un demandeur " assure le commissaire de police de Boulmiougou, Bongné Ouahabou.

Une dizaine d’agents sont commis à cette tâche tous les jours. Soit environ 1/5 de l’effectif du personnel du service. Malgré tous ces moyens, les problèmes ne manquent pas. Ils sont de plusieurs ordres. Certains demandeurs sont excédés " je me suis inscrit depuis 2009. Jusqu’à présent je n’ai toujours pas ma carte. A chaque fois que je viens, on me dit que ma carte n’est pas encore arrivée. Pourtant certains de mes amis qui se sont inscrits il y a seulement quelques semaines ont déjà leur carte " explique Alidou Nikiéma. C’est l’un des grands problèmes auxquels les agents commis à la tâche sont confrontés tous les jours. "Nous n’avons pas véritablement d’explication pour donner à ces gens inscrits depuis plusieurs mois.

Ce que nous faisons nous leur disons tout simplement de repasser une prochaine fois pour voir" confirme un agent de police. Mais pour le commissaire de police sur ce sujet, c’est une question de chance et une chose est sure, le problème n’est pas à leur niveau. " Après les inscriptions, nous transmettons les enveloppes au centre de traitement intermédiaire " affirme le commissaire Bongné Ouahabou. La date inscrite sur le reçu est juste indicative. Cela ne veut pas dire que ce jour là, le demandeur aura automatiquement sa carte. C’est une date probable. Et c’est ce qui inquiète Amidou, un jeune de 19 ans. Inscrit ce jour 19 aout, son rendez vous est pris pour le 19 septembre prochain. Comme la plupart des demandeurs qui se sont inscrits à cette date, ils ont un mois pour espérer avoir la carte. Pas trop long selon la plupart des inscrits interrogés.

Le seul problème, ils ne sont pas sûrs avoir leurs cartes à cette date. Mais pour le commissaire de police, il n y a pas de souci à se faire. Il y a eu une période de pic pendant les mois de mars-avril, mais actuellement la fièvre est tombée et normalement les choses devraient aller plus vite qu’avant où chaque jour, le seul commissariat de Boulmiougou pouvait enregistrer jusqu’à 500 demandes. Aujourd’hui, l’affluence a beaucoup baissé et les centres de production ont augmenté. Si en ville on enregistre toujours beaucoup de demandes, en campagne les populations sont beaucoup plus préoccupées par les travaux champêtres. Le directeur général de l’ONI se veut rassurant. Son service est aujourd’hui en mesure de satisfaire la demande actuelle avec le dispositif mis en place depuis mars dernier.

Les problèmes de retard ne sont pas liés à l’ONI. "Les enveloppes que nous recevons ne font pas plus de deux semaines ici." assure le colonel Abdou Diallo. Les retards ne constituent pas les seuls problèmes. Il y a surtout le non retrait de milliers de cartes déjà produites et envoyées dans les commissariats ou transmises aux associations. Ce problème est aujourd’hui un véritable goulot d’étranglement. Dans les commissariats et dans certains centres intermédiaires de traitement des milliers de cartes étaient stockées et attendaient les intéressés.

Associer les communes dans la distribution

Suite au constat du premier ministre qui a effectué une sortie à l’ONI, toutes les cartes ont été envoyées aux mairies où les intéressés sont originaires pour la distribution. Rien que pour le seul commissariat de Boulmiougou, ce sont des milliers de cartes qui y étaient stockées. Le commissaire et ses agents comme partout ailleurs ne savaient pas trop quoi faire pour retrouver les demandeurs qui se sont inscrits et qui ne viennent pas pour le retrait. Où sont passés les propriétaires ? Un des agents de police a une réponse. "Quand tu viens, une deux trois fois et tu ne trouves pas ta carte, pourtant tu loges très loin du commissariat, souvent ce n’est pas facile. La personne peut se décourager. Ils ne savent pas que quand on s’inscrit on doit suivre jusqu’au bout. Même si c’est très difficile". Le commissaire Bongné donne aussi son explication. Pour lui, certains demandeurs aussi sont responsables de la situation actuelle. " Nous faisons l’appel à partir de 15h.

Nous avions des milliers de cartes ici. Ces cartes sont classées par ordre alphabétique. Quand on commence l’appel à 15h, il y en a qui viennent par exemple à 16h passées pendant qu’on a déjà dépassé leurs noms. Ce n’est plus possible de repartir en arrière pour fouiller les milliers de cartes pour rechercher une seule pendant que des centaines d’autres personnes attendent " On ne sait combien de cartes exactement ne sont pas encore parvenues aux destinataires. Les autorités cherchent toujours la solution magique sur le problème. Selon le directeur général de l’ONI beaucoup de solutions ont été essayées. Même les nouvelles technologies n’ont pas permis de résoudre le problème. "Nous avons envoyé plus d’un millier de sms sur les portables des proches des intéressés. Mais il y a que quelque 300 personnes qui sont allées retirer leur carte." Confie le DG de l’ONI. Un des responsables du maillon reconnait que pendant longtemps, l’accent a été mis sur la collecte et la production. On ne savait pas que la distribution poserait problème. Le gouvernement a donné des instructions pour que ces cartes soient envoyées aux mairies où les demandeurs sont originaires pour la distribution.

Depuis le 18 aout dernier, à la mairie de l’arrondissement de Boulmiougou comme dans d’autres mairies, des équipes sont installées pour permettre une restitution fluide des cartes. Mais là aussi, l’affluence n’est pas très grande au moment de notre passage le 20 aout dernier. Le premier jour passé, la ferveur a baissé. Prévue pour durer 48h, les autorités municipales ont été obligées de renvoyer la fin de l’opération à une date ultérieure. Les équipes ont certes pu distribuer quelques centaines de cartes, mais ce qu’elles ont en main dépassent ce qu’elles ont distribué. La formule connait même quelques difficultés. Certains demandeurs ne se retrouvent plus. " Il y a des gens qui se sont inscrits avec les associations et qui viennent se plaindre avec nous ici. D’autres aussi ne sont pas de l’arrondissement mais comme ils se sont inscrits au commissariat de Boulmilouogu, quand ils partent là bas on leur dit de venir à la mairie. Pourtant leur carte est partie là où ils vivent " explique une étudiante bénévole.

Aujourd’hui l’ONI a produit plus de cartes que de nombre d’électeurs inscrits, mais rien ne prouve à ce stade que tous les inscrits ont leur carte. A Ouagadougou par exemple, l’ONI a déjà produit 917 976 cartes à la mi-aout contre un total de 448 089 inscrits sur les listes électorales. Le croisement avec la commission électorale nationale indépendante se fera dans les semaines à venir. Un premier lot de données de 50 000 personnes a été envoyé à la CENI pour un test. Malgré quelques petites difficultés l’opération semble marcher.

Par Moussa Zongo

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