LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Editorial de Sidwaya : Le Burkina n’oublie pas…

Publié le lundi 6 septembre 2010 à 19h54min

PARTAGER :                          

Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Le peuple burkinabè n’oubliera pas, au cours des âges à venir, que lors du sinistre provoqué par la pluie torrentielle du 1er septembre 2009 (263 mm d’eau), il a puisé dans les profondeurs de ses ressources patriotiques, sociales et culturelles suffisamment de force et d’espoir pour faire face à ce que d’aucuns avaient qualifié d’Apocalypse. L’élan national, sous l’impulsion du chef de l’Etat, a consisté à trouver très rapidement des solutions pour pallier les maux que cette catastrophe a provoqués.

Ailleurs, on trouvera les données chiffrées se référant à l’inondation dans son ampleur et le nom des personnalités et institutions nationales ou étrangères qui se sont particulièrement dévouées pour une meilleure gestion de ce sinistre. On n’oubliera pas, en particulier, que cette année-là, le gouvernement burkinabè, avec à son gouvernail, Tertius Zongo, Premier ministre, a fait de son mieux pour être là où le devoir national l’exigeait, et pour soulager les peines de milliers d’hommes et de femmes éprouvés par la perte de leurs biens, dans leur chair et dans leur âme.

Le poète allemand Hölderlin a écrit : « Là où grandit le péril, là aussi grandit ce qui sauve ». Contre les torrents de la mort, les Burkinabè ont, en l’espace de quelques heures, imaginé et réalisé les rampes multiformes qui devaient les éjecter du danger. Les institutions politiques et administratives, notons-le bien, ont donné la main à l’expression populaire de nos valeurs traditionnelles.

Cela nous semble une grande leçon à retenir : le sauvetage nous est venu de la Modernité, le salut, de la Tradition. Sans doute, mairies, armées, premier ministère, Action sociale…, ont les moyens matériels et, au besoin, les pouvoirs juridiques pour juguler le sinistre.

Mais le 1er septembre 2009 exigeait plus que cela : il fallait des cœurs qui battent à l’unisson pour que les moyens matériels arrivent à leur fin ; des volontés qui s’unissent, une fraternité agissante, le sens du dévouement, pour que ceux qui souffraient ne perdent rien de leur dignité. Et ces dispositions sont venues, pour la plupart, de l’attachement de notre peuple à ses valeurs culturelles traditionnelles. Très concrètement, on comprend, par là, que le développement soit toujours fondé sur la culture, la culture comme comportement et comme esprit d’un peuple.

Les acteurs directs ou indirects de notre système éducatif et de tout ce qui participe au renforcement de l’esprit national devraient prendre acte. N’attendons pas qu’il y ait des « 1er septembre » avant de montrer à nos enfants, par exemple, que le cours de la fraternité et de la solidarité est toujours supérieur à celui du dollar et de l’euro. Et que dans la bourse de nos valeurs nationales, la solidarité est l’indice de référence.

Au cours des 50 premières années de notre existence comme nation souveraine et indépendante, à part les deux guerres frontalières, nous n’avons pas souvenance que le peuple burkinabè ait été aussi collectivement sollicité. Au vu de ce qui s’est passé pendant ce sinistre et après, nous osons croire que le pari de la formation de l’esprit national est gagné.

En 1960, l’Etat burkinabè est souverain dans les textes. En 2009, nous avons constaté que la Nation burkinabè est vivante dans les cœurs et à travers les actes. Le Burkinabè du Nord et du Sud, le Burkinabè de l’Est et de l’Ouest, le Burkinabè du Centre et de l’étranger ont tous manifesté le même sentiment : celui d’être Burkinabè. Et cela, malgré les larmoiements des critiques de notre gouvernance, est un gain immense, une victoire très précieuse.

Le philosophe Alain dit que « l’Europe a pris 15 siècles pour apprendre l’obéissance », c’est-à-dire : pour apprendre à se comprendre, à parler le même langage, à former des communautés parlant à peu près le même langage et, peu ou prou, acceptant de se soumettre à la loi de tous. Nos bases culturelles et les priorités de notre politique nationale aidant, nous avons pris 50 ans pour assimiler la même obéissance au même degré. Même si les 50 années d’histoire de notre pays ne nous avaient donné que cela, il fallait le célébrer à haute et intelligible voix. Avec des danses et des youyous et des ki-li-li-li-li… à l’appui.

Pour l’avenir, nous pensons que les cinq petites suggestions qui vont suivre devraient pouvoir attirer l’attention des acteurs des domaines de l’habitat, de l’environnement, des changements climatiques et de l’action sociale, c’est-à-dire, en vérité, de nous tous. La prudence voudrait que nous ne mettions pas notre belle solidarité souvent à l’épreuve. Nous pourrions en abuser et en être un jour déçus.

La réaction spontanée de solidarité ne devrait-elle pas, à la longue, être rationalisée ? Une ou des caisses de solidarité alimentées en permanence nous permettraient d’objectiver notre capital social et d’anticiper plus rationnellement, sur les sinistres futurs. Tous les jours, des nouvelles nous parviennent de partout, attestant que nous ne sommes pas à l’abri d’autres 1er septembre. Cela est une question de gouvernance, mais aussi de discipline.

Des projets et programmes de sensibilisation, de plus en plus nombreux et pertinents sur les changements climatiques, ne devraient-ils pas être envisagés ? Ils pourraient, par exemple, porter sur la formation de nos populations à réagir de façon efficace, en cas d’événements climatiques extrêmes, en attendant d’éventuels secours d’urgence. Comment se défendre contre ce qui arrive si l’on ignore tout de l’événement qui arrive ?

Sur le phénomène global des changements climatiques, la recherche burkinabè tarde à indiquer la voie à suivre. Nos gouvernants, peut-être un peu moins qu’ailleurs, en font un problème d’importance. Alors qu’à notre sens, pour que le Burkina Faso entre dans la dynamique mondiale des changements climatiques, il faudrait que nos autorités en fassent à la fois un problème politique et un problème de développement, mais pas seulement un problème d’environnement.

Des sources de financements immenses existent, relativement aux initiatives sur les changements climatiques. Des ateliers de formation et de sensibilisation, des études de courte et longue durée à l’aide de bourses sont possibles. Comme cela s’est vu très heureusement dans d’autres domaines, il est souhaitable que nos autorités se penchent sur la question.

Il est impérieux que les autorités communales continuent à récupérer les caniveaux bouchés par les travailleurs spontanés, exerçant au bord des voies publiques : en premier lieu, les mécaniciens d’engins à deux roues, les gérants de maquis, les vendeurs de fruits et légumes, les vendeurs de café par terre… Souvent, ceux-ci n’hésitent pas à fermer un caniveau avec de vieux pneus ou des chiffons pour grignoter un espace d’un ou de deux mètres. Les conséquences de ces actes, à l’ignorance populaire défendant, sont désastreuses.

Une autre pomme de discorde : l’occupation anarchique des banlieues de nos villes. L’eau des pluies a perdu ses voies d’antan. Les cours d’eau naturels facilitaient l’évacuation de la manne du ciel, comme le charognard s’occupait naturellement de la charogne. Non seulement les résidents des habitats spontanés sont aujourd’hui en danger, mais ils mettent aussi en danger ceux qui, sans savoir pourquoi, se retrouvent noyés sur une terre qu’ils habitent en sécurité depuis des années.

La sagesse populaire conseille de prendre les mesures du bonnet du phacochère en sa présence. Les voies et moyens de notre vie nationale et urbaine doivent aussi se concevoir et se réaliser par tous, au vu et au su de tous, avec la collaboration de tous.

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr )

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance
Burkina : De la maîtrise des dépenses énergétiques des Etats
Burkina Faso : Combien y a-t-il de langues ?