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S.E. Mme Céline Yoda : "La coopération entre le Burkina et les pays nordiques se porte bien"

Publié le mercredi 8 septembre 2004 à 06h19min

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Mme Céline Yoda

« Atypique », ainsi pourrait-on qualifier le parcours de Madame Céline YODA qui, après une longue carrière dans les organisations non gouvernementales (ONG) et intergouvernementales est aujourd’hui ambassadeur du Burkina Faso à Copenhague.

Diplômée de l’Ecole Normale Supérieure d’Enseignement Technique et Professionnel de DAKAR (Sénégal) option Economie Sociale et Familiale, elle a été superviseur du Programme Alimentaire et Nutritionnel de CATHWELL (1985-1988), chef de Programmes au Plan de Parrainage International des Lacs (PPIL) Kongousi (1988-89), coordinatrice Régionale (Burkina- Sénégal- Mali) des Programmes, « Intégration de la Femme au Développement », de l’ONG World Relief International (1989-1996).

Membre fondateur et membre actif de plusieurs Associations féminines, Mme Yoda a été la première femme à occuper la fonction de Secrétaire Générale du SPONG (Secrétariat Permanent des ONG), le collectif des ONG au Burkina Faso pendant 2 mandats successifs et aussi membre du Conseil Economique et Social (CES) au titre des ONG, membre du Conseil d’Administration de Faso Baara.

Sa carrière la conduit ensuite au sein du système des Nations Unies au FNUAP Burkina comme expert national « genre population et développement ». C’est après cette riche expérience dans la société civile qu’elle se retrouve de plain-pied dans l’administration publique comme Secrétaire Général du Ministère de la Promotion des Femmes de 1997 à 2000.

Depuis quand êtes-vous en Poste au Danemark ?

J’ai été nommée le 09 mai 2001 Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire du Burkina Faso auprès du Royaume de Danemark avec résidence à Copenhague et compétence sur les 4 autres pays nordiques (Royaume de Suède, Royaume de Norvège, la République de Finlande, et la République d’Islande) ainsi que les 3 pays Baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie).

Le 13 juin 2001, j’ai présenté mes lettres de créances à sa Majesté la Reine Margaret II de Danemark, avec la lourde mais noble mission de mettre en œuvre la politique extérieure du Burkina Faso dans les pays d’accréditation, d’œuvrer au développement de relations d’amitié et de coopération avec les pays de la juridiction, d’assurer la promotion de l’image du Burkina Faso et la protection des intérêts de l’Etat et de celui de ces ressortissants.

Quel Bilan faites vous de vos premiers mois à Copenhague ?

Je suis en poste depuis 3 ans et il serait fastidieux de faire un bilan de 36 mois d’activités, je me contenterai alors de signaler quelques acquis majeurs en évoquant quelques difficultés rencontrés ou qui se posent car tout n’a pas toujours été rose.

En effet, les évènements de décembre 1998 avaient quelques peu entamé le crédit du Burkina Faso au Danemark et en Suède et aussi dans les autres pays nordiques.
Il n’est pas toujours aisé de parler de soi-même ou de ses performances, mais sans fausse modestie et sans tomber dans l’autosatisfaction, je peux dire que les résultats atteints sont satisfaisants, même s’ils restent perfectibles comme toute œuvre humaine et nous y travaillons.

Depuis quand date la coopération Dano-burkinabè ?

La coopération au développement entre le Danemark et le Burkina Faso a commencé en 1973, et une coopération fructueuse sur deux décennies a été formalisée en 1993, lorsque le Burkina Faso a été choisi par le Danemark comme « pays programme », c’est-à-dire un pays de concentration de la coopération bilatérale. Au printemps 1994, l’Ambassade de Danemark a été ouverte à Ouagadougou.

Quelles sont les priorités de cette coopération ?

Aujourd’hui, le référentiel pour la coopération au développement entre le Danemark et le Burkina Faso est le cadre Stratégique de lutte contre la Pauvreté (CSLP) du Burkina Faso.
En effet, le Danemark dans sa politique d’aide au développement, souhaite contribuer à lutter contre la pauvreté dans le monde, par un partenariat d’engagement ferme et de longue durée avec les pays en développement.

Les secteurs prioritaires d’intervention sont : l’eau et l’assainissement, l’agriculture, l’énergie, la décentralisation, le développement du secteur privé, l’éducation.

La stratégie de coopération du Danemark prône et soutient aussi la réduction des inégalités homme-femme avec la participation égale des hommes et des femmes au processus de développement, la prise en compte de la protection de l’environnement, la lutte contre le SIDA, le respect des droits de l’homme, le renforcement de la démocratie, la bonne gouvemance, qui sont d’une importance décisive dans la lutte contre la pauvreté et sont pour cela des aspects transversaux de la politique danoise d’aide au développement.

La hauteur du budget de la coopération danoise pour 2004 est estimée à 196 millions de couronnes danoises soit environ 17 milliards.

Il faut dire que notre pays a su regagner la confiance et la sympathie de ses partenaires les dernières années par sa volonté à asseoir une véritable démocratie et à lutter contre la corruption.
Ainsi, les relations avec les pays de ma juridiction sont très bonnes et se consolident ; j’en veux pour preuve la récente décision de la Suède de faire du Burkina Faso un pays de oncentration de sa coopération bilatérale.

Le gouvernement du royaume de Suède a adopté en 2004 une stratégie de 3 ans pour la coopération au développement avec la Burkina Faso. L’adoption de cette stratégie est la concrétisation de la volonté politique du gouvernement suédois de renforcer sa coopération avec notre pays. Cette excellente disposition à l’égard de notre pays dans son combat quotidien pour le développement vise à contribuer à la lutte contre la pauvreté. Le montant prévu pour cette aide est de 130 millions de couronnes suédoises soit environ 10 milliards 500 millions franc CFA par an.

La Suède octroie également au Burkina Faso une aide budgétaire de 40 millions de couronnes suédoises, environ 2 milliards de franc CFA par an.
Le ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération au Développement de la Suède justifie tout ce soutien par les efforts du Burkina Faso dans la lutte contre la pauvreté au cours de ces dix dernières années ainsi que les avancées dans les processus démocratiques. Nous ne pouvons que nous féliciter des bonnes dispositions des autorités suédoises dans leur appréciation positive des efforts consentis par notre gouvernement. A la suite de cette décision du gouvernement suédois, la ministre suédoise de la Coopération au Développement, madame Carin JAMTIN effectuera une visite officielle de travail du 23 au 24 septembre 2004 à Ouagadougou pour discuter des modalités de la mise en œuvre de la stratégie de la coopération et procéder à la signature d’un accord de coopération.

La Finlande a fait le choix de soutenir le Burkina dans la lutte pour la protection de l’environnement. Ainsi, un projet « Gestion des feux en milieu rural » est en cours d’exécution avec le ministère de l’Environnement depuis 2001, avec une contribution financière finlandaise de 3.370.000 euro soit environ 2 milliards de franc CFA.
La Finlande accorde pour 2004-2006 un soutien financier de 500.000 euro à IDEA (Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale) pour poursuivre son intervention au Burkina Faso pour le renforcement des acquis de la démocratie à travers les activités du Centre pour la gestion de la gouvernance démocratique au Burkina Faso.

Les 3 années ont été aussi marquées par des échanges de délégations de haut niveau entre les pays de la juridiction et le Burkina Faso. Ce qui est incontestablement un signe d’ouverture, de redynamisation et de réchauffement des relations d’amitié et de coopération.
Il s’agit des visites officielles de travail du :
- Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères et de la
Coopération Régionale et sa délégation ;
- Ministre d’Etat, Ministre d’Agriculture, de l’Hydraulique et desRessources Halieutiques et sa délégation ;
- Ministre délégué au Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Régionale ;
- Maire de Ouagadougou et sa délégation ;
- député Joseph KABORE et la délégation SOPROLAIT.

En sens inverse, notre pays a reçu des visites :
- 3 missions finlandaises dans le cadre du projet « Gestion des feux en milieu rural » ;
- 12 membres du conseil d’administration de Danida ;
- Visite du maire de Gillelej et sa délégation

Au total ,le Burkina Faso doit maintenir et renforcer son capital crédit dans les pays nordiques. Pour cela, l’ambassade va poursuivre ses initiatives comme indiqué dans son plan d’action annuel en direction des milieux politiques des leaders d’opinion, des partenaires de la coopération décentralisée, mairies et ONG pour maintenir le pays dans leur estime. La nécessité du renforcement en ressources humaines s’impose.

0n sait Que le Danemark est plutôt pointilleux sur les questions de droits de l’Homme et de démocratie. Où en est-on avec ces questions qui reviennent souvent dans les consultations bilatérales ?

L’extrême sensibilité des pays nordiques aux questions des droits de l’Homme est connue, et ces questions sont effectivement revenues de manière récurrente lors des consultations bilatérales à Ouagadougou mais aussi à Copenhague et à Stockholm lors des rencontres de concertation que j’ai souvent eues avec le département Afrique du Ministère des Affaires Etrangères ; ou même quelques fois sur leur interpellation.Mais le Burkina Faso a toujours montré et démontré sa bonne volonté, sa disponibilité et son engagement pour gérer de manière transparente toutes les affaires pendantes relatives à ces questions.

Le gouvernement a montré de nombreux signes d’ouverture par rapport à ces questions qui ont fini de convaincre que le Danemark et le Burkina Faso accordent la même importance à l’observance de ces valeurs et principes hautement transcendants. Il s’agit de :
- L’adoption de la stratégie et du plan national pour la réforme de la justice ;
- L’érection du Ministère délégué en Ministère plein chargé de la promotion et de la protection des droits Humains ;
- L’instauration d’un dialogue permanent avec la société civile et les partis d’opposition ;
- La configuration actuelle de l’Assemblée nationale qui est aussi une preuve tangible.

Quelle perception les Danois ont-ils du Burkina Faso ?

Il convient de rappeler que pour des raisons historiques, le Burkina Faso demeure encore très peu connu de l’écrasante majorité des nordiques.

La barrière linguistique est souvent évoquée comme frein au rayonnement du Burkina Faso dans ces pays où le français est très peu usité. En effet chacun des ces pays a sa propre langue nationale, et utilise l’anglais comme langue de communication internationale.
Seuls au Danemark et en Suède, la population a une assez bonne connaissance du Burkina Faso grâce aux efforts soutenus des associations d’amitiés, Danemark-Burkina et Suède-Burkina.

Le Burkina Faso est néanmoins connu à travers ses grandes manifestations culturelles et commerciales telles le FESPACO, le SIAO, et ceux qui y sont allés et l’ont visité une fois ont gardé des liens affectifs avec notre pays. Ils y retournent immanquablement, parce qu’ils ont aimé et disent-ils « y ont perdu leur cœur ».

Y a-t-il des Burkinabè immigrés au Danemark et quel est leur profil ?

Le Danemark et les pays nordiques ne sont pas des destinations prisées par les Burkinabè du fait certainement de la rigueur du climat (des contrastes entre le Sahel et le grand froid).

A mon arrivée, j’ai entrepris une action de recensement et d’immatriculation des Burkinabè à Copenhague et dans les autres pays où j’avais sollicité le concours des consuls Honoraires, mais qui n’a pas connu une affluence, et en dehors du personnel burkinabé de la chancellerie, nous avons enregistré moins de 50 burkinabé pour tous les pays, et majoritairement des jeunes femmes qui ont épousé des danois.

Quel est le quotidien d’un Ambassadeur burkinabè dans un pays nordique comme le Danemark ?

C’est un quotidien particulièrement chargé comme vous allez le constater. Ma juridiction couvre 8 pays à savoir le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège, l’Islande et les trois pays baltes qui sont la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie.

Le suivi des dossiers de coopération avec la plupart de ces pays, de l’actualité politique, économique, sociale et culturelle sont une occupation quotidienne de l’Ambassadeur. Quand on y ajoute toutes les contraintes protocolaires, les missions intérieures, les contacts avec les milieux politiques, diplomatiques, la société civile, les ONG ainsi que les initiatives en faveur du Burkina, je vous assure que je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Contrairement à certaines idées reçues, les diplomates burkinabè à l’étranger sont très sollicités en général et la règle est d’être disponible 24 heures su 24.

Il y a aussi :
- la participation aux activités du Corps Diplomatique ;
- la participation aux activités des groupes spécifiques (Groupe Africain, Groupe francophone, Groupe des femmes ambassadeurs), etc...

En tant que femme comment vous sentez vous dans le milieu diplomatique ?

Je me sens à l’aise dans ce milieu en dépit de ma courte expérience, et fière de la sensibilité et de l’engagement de mon pays à promouvoir des femmes à de si hautes fonctions (N.B : le Burkina Faso compte 5 femmes ambassadeurs).
J’ai eu le temps de me rendre compte que ce métier de diplomates est à la fois exaltant et contraignant. Il faut cultiver aussi bien les relations professionnelles que personnelles donc avoir le contact facile, être disponible, avoir les capacités de convaincre et de rassurer sur les positions de son pays, et d’un autre côté observer le devoir de réserve face à certaines situations et sur certaines questions et éviter les écarts de comportement.

Pour terminer, je voudrais adresser mes sincères remerciements à l’équipe de « LeFaso.net », pour cette opportunité qu’elle me donne de pouvoir parler de cette juridiction peu connue des Burkinabè. Longue vie au site et à ses animateurs.

Interview réalisée par Cyriaque Paré
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