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FREDERIC OUEDRAOGO (INTERPRETE DU PASTEUR KARAMBIRI) : "Travailler auprès du Pasteur Karambiri rend excellent"

Publié le vendredi 3 septembre 2010 à 01h45min

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Titulaire du Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) obtenu en 1970, Frédéric Ouédraogo est l’un des interprètes en mooré des messages du pasteur Philippe Mamadou Karambiri. Il n’a ni diplôme, ni formation en matière de traduction, mais ses prestations ne laissent aucun moréphone indifférent. Talent inné ou miracle de Dieu ? Pour mieux connaître les contours de son métier, nous avons rencontré cet autodidacte le mercredi 1er septembre 2010 dans les locaux de Impact T.V.

"Le Pays" : Comment êtes-vous venu à l’interprétariat ?

Frédéric Ouédraogo : Je suis d’abord parti en Côte d’Ivoire en 1972, année où j’ai obtenu le Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE), le seul diplôme que j’ai d’ailleurs. Mais j’avais échoué à l’entrée en 6e, ce qui m’avait choqué, d’où mon départ pour la Côte d’Ivoire, considérée à l’époque comme un eldorado pour tout jeune Burkinabè. J’y ai vécu pendant 16 années. Je suis retourné au Burkina Faso le 10 janvier 1988 avec un billet d’avion aller-retour. Mais je n’ai pas pu repartir et les gens se demandaient pourquoi j’étais toujours là. C’est en août 1989, au moment où le Centre international d’évangélisation (CIE) s’est implanté à Dassasgho, lors du premier camp des jeunes organisé par l’Eglise, que je me suis converti et j’ai été baptisé le 24 décembre 1992.

En 1992, pendant que nous étions à l’église, le pasteur n’avait pas d’interprète. Il a alors lancé un appel pour que quelqu’un vienne interpréter le message du français en mooré. Ne trouvant pas de volontaire, il a insisté et face a un silence de près de 15 mn, je me suis levé, sachant que pendant les 16 années passées au bord de la lagune Ebrié, je ne parlais pas le mooré. Il m’a félicité en disant : "Mon frère, que Dieu vous bénisse ! Ce que vous avez fait, c’est très bien !". Et il s’en est pris aux autres, notamment ceux qui avaient l’habitude de traduire. Et c’est comme cela que j’ai commencé l’interprétation ; c’était un mercredi soir.

Le dimanche 25 février 1992, j’ai constaté qu’il n’y avait pas d’interprète au moment où le pasteur devait passer à la phase de prédication. En l’absence de l’interprète, je me suis levé volontairement et je suis allé à la place et j’ai invité tous ceux qui ne comprenaient pas le français à se rassembler pour que je traduise en mooré pour eux. Lors du prêche, le pasteur s’était arrêté et m’a dit de venir sur la chaire. C’était la première fois que j’étais monté sur la chaire aux côtés du pasteur Karambiri et c’était le 28 février 1992. Tout s’est bien passé. Il était satisfait mais, moi je n’en voulais pas. Car je me disais que j’étais un nouveau converti. Ce qui m’intéressait, c’était d’être sauvé, d’être chrétien. Je ne voulais pas être interprète car c’est un poste de responsabilité et la responsabilité s’accompagne souvent de problèmes. Je ne voulais pas de responsabilité dans l’église, je voulais seulement vivre ma foi en Dieu. Mais j’étais tous les jours sollicité et je faisais même exprès de venir en retard à l’église. Souvent, même quand j’y étais, je me cachais et le pasteur venait me chercher au milieu des fidèles.

Lors du premier séminaire en 1994, le pasteur m’a demandé d’assurer la traduction et je l’ai faite. A la fin, il m’a encore félicité. A l’issue de ce séminaire, il m’a demandé qu’on fasse des émissions radiophoniques. Je lui ai fait savoir que je n’avais jamais fait une émission à la radio et il m’a rassuré que c’était la même chose avec l’interprétation à l’église. Après la radio, ce fut la télévision. Cela fait exactement 18 ans que je fais ce travail apprécié par beaucoup de personnes sauf moi-même car chaque fois je me remets en cause, je veux mieux faire.

Avez-vous été formé dans une école d’interprétariat ?

Je n’ai pas de diplôme ni de formation dans ce domaine. Je n’ai rien fait et appris pour être interprète. Je n’ai pas fait et appris de longues études. Je n’ai même pas le niveau secondaire, encore moins le niveau supérieur. Or, mon patron a le doctorat. Mais quand on travaille, on arrive à se comprendre, on se soutient mutuellement. Il y a une certaine complicité entre nous. Bien qu’il ne soit pas moaga, il comprend ce que je traduis. Certaines fois, il me dit même de changer de mot car il n’est pas convaincu de la justesse de certains mots. Donc, je peux dire que lui-même a contribué à mon amélioration, à ma formation. Je peux dire aujourd’hui que je suis autodidacte, que j’ai été formé sur le tas mais à ses pieds.

L’interprétariat est-il un don pour vous ?

Je peux le dire ainsi, car je n’ai pas mérité ce que je fais aujourd’hui. On peut l’appeler un don, mieux une grâce de Dieu. Comme je l’ai dit, je n’ai pas beaucoup étudié. J’ai eu mon CEPE depuis 1970 et j’arrive à traduire le message des grands intellectuels. Je peux dire que c’est une grâce divine parce qu’en traduisant, je suis moi-même étonné.

Avez-vous des séances de répétition avec le pasteur Karambiri ?

Non, jamais on ne l’a fait, même pas un seul jour. Même les références bibliques, je ne les connais pas à l’avance. Mais dès que le pasteur commence la prédication et qu’il donne le thème, je le retiens. Souvent je le devance en disant certaines choses qu’il est obligé de reprendre dans le message parce que le message a un esprit qu’on suit, on veut communiquer quelque chose à ceux qui écoutent, on veut les amener à changer de mentalité. Donc, je suis obligé parfois de dire certaines choses qui puissent aider à comprendre au lieu de dire forcément ce que le pasteur dit.

Traduire un message biblique du français au mooré n’est pas du tout facile. Avez-vous eu une formation pastorale ?

Je n’ai reçu aucune formation pastorale. Je me dis que l’église est un corps qui est constitué de plusieurs membres. Chaque membre joue son rôle. Mon rôle consiste à traduire le message biblique en mooré pour tous ceux qui ne comprennent pas le français et qui sont d’ailleurs nombreux dans ce pays. Donc pour moi, c’est un plaisir d’être utile à l’église.

Quel est votre secret pour bien remplir votre mission ?

Je me prépare seul et ce, dans la prière. Mon secret, c’est la prière.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez lors de vos différentes traductions ?

Parfois, c’est difficile parce que le mooré n’a pas de mots synonymes de certains termes du français mais par la grâce de Dieu, j’arrive à traduire en utilisant des images au lieu de faire une traduction littérale. Aussi, certaines personnes me font le reproche de ne pas traduire textuellement ce que dit le pasteur. Mais je fais fi de ces reproches car le pasteur est satisfait de mon travail.

Est-il facile de collaborer avec le pasteur Karambiri en tant que son interprète ?

Travailler auprès du pasteur Karambiri rend excellent. C’est un homme de caractère qui cultive l’excellence. Pour travailler avec lui, il faut aussi aspirer à l’excellence.

Vous arrive-t-il de voyager avec le pasteur Karambiri ?

Je voyage avec lui à l’intérieur du pays. Comme vous le savez, je n’interprète qu’en mooré, une langue purement burkinabè. Si j’interprétais en anglais, je voyagerais avec lui parce que quand il se rend dans les pays anglophones, il est obligé de se trouver un interprète.

Propos recueillis par Timothée SOME et Nestor BAKI (Stagiaires)

Le Pays

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