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Mode : Quand le farot-farot s’empare d’Abidjan

Publié le mercredi 8 septembre 2004 à 06h14min

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Abidjan, une des capitales africaines de la mode, ne faillit pas à sa réputation, malgré la crise qui secoue la Côte d’Ivoire depuis deux ans, en se mettant à l’heure du farot-farot, un phénomène vestimentaire qui a conquis la capitale économique ivoirienne.

Conçues sur un fond de pagnes sur lesquels sont transposés des empiècements de vieux tissus en jeans, les chemises et jeans farot-farot font fureur depuis quelques mois à Abidjan.

Cette appellation a bizarrement trouvé son origine chez les fous traînant dans les rues, comme souvent en Afrique, qui portent des pantalons rapiécés et usés jusqu’à la corde.

Le "fatô jean", le jean du fou en langue malinkè, l’une des plus parlées dans l’ouest africain, a ainsi donné l’idée à un créateur de concevoir des chemises sur lesquelles on retrouve des morceaux de vieux jeans.

En quelques mois, cette idée originale a suscité une adhésion massive, et le fatô devenu le farot-farot du créateur Etienne Marcel a été adopté par des milliers d’Abidjanais et Ivoiriens.

Du T-shirt sur les plages, aux chemises chic pour soirées mondaines, en passant par les jupes en cuir ornées de tissus jeans usagés, le farot-farot est désormais un signe de reconnaissance pour toute personne "branchée" d’Abidjan.

"Il y a quelques mois, j’avais racheté un vieux jean au marché. Je l’ai découpé, utilisant les morceaux, y compris la ceinture, pour créer une chemise", raconte Etienne Marcel N’Zi à l’état civil, 45 ans, revenu au pays en 1985, après des études d’arts graphiques à Paris.

Cette chemise a connu un tel succès que le créateur a tenté la même expérience avec les pantalons. Un essai transformé qui consacre ainsi la mode farot-farot.

"Le farot-farot a donné une autre importance au jean, celle de s’imposer dans les milieux très chic et BCBG" (bon chic, bon genre), note Mam Camara, journaliste à "Top Visage", un journal populaire ivoirien de mode.

Devant ce succès, le farot-farot est repris partout, au point qu’il existe désormais des gilets, des casquettes, des sandalettes qui commencent à être imités par des couturiers de quartier, s’inquiète son créateur qui ne voudrait pas que son succès lui échappe.

Aujourd’hui les carnets de commande du créateur du farot-farot sont remplis, et son personnel a doublé, atteignant une vingtaine d’employés.

"La collection marche très fort", se félicite Etienne Marcel qui a offert un T-shirt farot-farot au président ivoirien Laurent Gbagbo.

"Mon souhait est de le voir en photo, habillé en farot-farot", dit-il avec fierté.

Le phénomène a engendré un support musical, le Coupé-décalé, dernière danse à la mode dans les nombreuses boîtes de nuit d’Abidjan.

Le Coupé-décalé, dansé sur un rythme africain, s’esquisse en accentuant le mouvement des bras vers l’avant à l’image d’un nageur, pour le coupé, tandis que le mouvement des jambes, lancées vers l’arrière, de préfèrence en y imprimant une démarche de frimeur, affirme l’aspect décalé.

Un téléphone portable à l’oreille, le cigare à la bouche peuvent compléter le tableau pour les plus "in".

Le phénomène a déjà son vocabulaire. Il existe désormais le verbe faroter : faire le malin, frimer. Le farotage ou le farotement, signifiant l’action de faroter.

A peine née, cette mode a déjà ses détracteurs qui déplorent, à l’instar de Mam Camara, la philosophie qu’elle exprime.

"L’insouciance caractérise ce phénomène", selon ce spécialiste, qui n’hésite pas à parler d’"exhibitionnisme et de gaspillage".

"Une jeunesse dont le pays est en crise gagnerait à être plus attentive que distraite et dépensière", estime-t-il.

AFP

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