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Inondations du 1er septembre 2009 : Des populations attendent toujours leurs parcelles

Publié le mercredi 1er septembre 2010 à 01h26min

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Le premier septembre 2009, Ouagadougou a vécu une catastrophe. Les 263 mm d’eau recueillis ce jour-là ont causé des pertes en vies humaines et engendré des dégâts matériels considérables. Du coup, ce sont près de 150 000 personnes que dame nature a livré à un nouveau sort. Face à cette situation, le gouvernement burkinabè a pris le taureau par les cornes en organisant une riposte à la hauteur de l’ampleur de la catastrophe.

Des mesures ont été donc prises pour le relogement des sinistrés dans de nouveaux sites d’hébergement. C’en est suivi également la délimitation des zones inondables à Ouagadougou. Une année après, jour pour jour, Sidwaya fait le constat dans les quartiers Dapoya et Lanoag-yiri où les séquelles du drame restent toujours perceptibles.

Les zones à risques communément appelées zones inondables sont toujours habitées par des citoyens. Un tour dans les quartiers comme Dapoya et Lanoag-yiri laisse voir que la libération de ces zones n’est pas pour maintenant. D’ailleurs, des habitants s’y activent à confectionner des briques dans l’intention de reconstruire leurs logements. Ainsi, les maisons délabrées reprennent progressivement forme suite à des travaux de réhabilitation. Sinistrés en 2009, les occupants de ces lieux ne sont pas prêts à céder totalement ces zones à l’Etat.

La plupart des concessions hébergent des familles. Pourtant, des problèmes assaillent de plus en plus les populations. Ils sont dûs notamment aux fortes précipitations observées ces temps-ci. A cela s’ajoutent les angoisses d’une éventuelle démolition manu militari des quartiers concernés.

Rien qu’en début juillet 2010, une délégation gouvernementale conduite par le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Vincent Dabilgou, avait effectué une sortie dans les quartiers Dapoya, Ouidi et la cité An III dans l’arrondissement de Baskuy et Lanoag-yiri dans l’arrondissement de Bogodogo pour toucher du doigt les réalités. Après avoir constaté de visu la délimitation des zones à risques, des voix s’étaient élevées pour décrier l’entêtement des populations à y résider.

Depuis, les sommations verbales des autorités sont restées sans suite. Pour les résidants, aucune autorité n’est revenue dans les quartiers, à l’issue de la visite de juillet, échanger avec eux. De plus, disent-ils, aucun délai concernant leur éventuel déguerpissement n’a été arrêté. Pourtant, le gouvernement a pris une série de mesures au lendemain du déluge tendant à protéger les populations. Toute chose qui a conduit à l’identification de nouveaux sites pour reloger les sinistrés disposant déjà d’une parcelle dans leur zone d’origine. Sur le terrain, des victimes ont reçu leur lot à Yagma, un quartier de la périphérie-nord de Ouagadougou.

Malheureusement, des gens continuent aussi de vivre dans la précarité n’ayant toujours pas eu gain de cause. La situation est préoccupante à Lanoag-yiri où des sinistrés dorment dans des maisons où il n’y a ni toitures, ni portes, ni fenêtres. La plupart de ces personnes, des veuves et leurs enfants, trament surtout sur le site de l’école primaire Koubri Namanegma. N’ayant pas eu de parcelles sur les nouveaux sites et ne sachant où aller, elles ont été obligées de rejoindre leurs anciennes habitations bien qu’en piteux état.

Ces vieilles dames interpellent les autorités du pays à se pencher rapidement sur leur cas. En apercevant notre équipe de reportage, nombreuses sont les femmes qui croyaient à la délivrance. Elles se sont vite jointes à nous où chacune d’elles s’est précipitée de communiquer son nom, clamant que le gouvernement a envoyé une équipe d’agents recenseurs.

En nous sollicitant à visiter leurs maisons, elles ont voulu montrer les réalités vécues au quotidien. Dans chaque « bicoque » étaient entassés divers articles dont des vêtements, des bouteilles, des sachets plastiques, etc. C’est dans ces semblants de dépotoir que ces familles passent la nuit. La vente de sable est devenue leur activité afin de se faire un peu d’argent pour leurs besoins quotidiens.

Les causes d’un entêtement

Pourquoi aujourd’hui ces gens, après avoir vécu tant de malheurs,refusent de quitter les zones ? Les réponses apportées à cette interrogation divergent d’une zone à l’autre même si quelque part elles se rejoignent de par le fonds. Dans le quartier Lanoag-yiri, le principal argument avancé par les résidants pour justifier l’occupation « anarchique » reste avant tout le manque de parcelles dans les nouveaux sites d’hébergement.

Parmi ceux que nous avons approchés, une seule personne avoue être attributaire de parcelle à Yagma. Selon lui, les autres dons sont venus un peu tard, ce qui ne lui a pas permis de mettre en valeur son terrain. Hamado Zoungrana dont la maison a été complètement détruite par les eaux a vite trouvé refuge chez son frère aîné avec les sept autres membres de sa famille. Il est conscient qu’une telle charge est difficilement supportable par un proche, mais il est dans l’incapacité de trouver une demeure.

Dans ce quartier, on se plaint que les bénéficiaires de parcelles dans les nouveaux sites sont majoritairement venus d’ailleurs, pour dire tout simplement que c’était des non-résidants. Osée Moumouni Garga et Basile Boly disent être responsables des sinistrés de Lanoag-Yiri. Pour eux, les autorités sont au courant du retour des sinistrés sur le site non loin de l’école Koubri après la fermeture de celui de Cissin. Déplorant la situation, ils lancent un appel aux autorités à ne pas mettre leur dossier aux oubliettes.

Monsieur Garga indique que des engagements ont été pris pour statuer sur leur sort, mais rien n’a été fait jusque-là. « Tant de promesses ont été faites par les autorités, je ne comprends pas cet oubli », s’indigne-t-il. Cependant, au quartier Dapoya, d’autres motifs sont avancés pour expliquer l’entêtement. En fait, des gens refusent de partir sous prétexte que le matériel de construction n’est pas parvenu à temps.

D’autres occupants estiment qu’en dépit de tout, la construction d’une maison d’habitation ne se réalise pas en un laps de temps. Des raisons telles que la solidité des liens tissés entre les habitants et l’inadéquation des nouveaux sites pour mener des affaires viennent combler les convictions de ces populations déterminées à demeurer dans leurs « taudis ». Madame Tiendrebéogo, une dolotière dudit quartier résume ses soucis : « Nous avons eu notre parcelle à Yagma, mais sincèrement elle est petite. Nous ne pouvons pas mener notre activité. En plus, c’est un nouveau quartier où vivent très peu de personnes. Qui sera nos clients si nous allons là-bas ? ».

Par contre, M. Charles Bila Kaboré n’est pas contre la décision des autorités. Seulement, il souhaite qu’en cas de déguerpissement, les habitants soient informés du délai de leur départ. « A partir du moment où le gouvernement a fait le constat, mieux vaut dire la vérité aux gens afin que chacun puisse prendre ses dispositions. Sinon rester dans le silence, c’est un peu gênant pour ceux qui doivent quitter », confie-t-il. En tous les cas, des populations des zones inondables attendent toujours le soutien de l’Etat pour « quitter » les lieux. Elles préfèrent néanmoins être averties de leur déguerpissement.

Ouamtinga Michel ILBOUDO (ouamtingamichel@gmail.com)

Sidwaya

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