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Lotissement de Bouroum-Bouroum : Langage de sourds entre Coutumiers et maire

Publié le jeudi 26 août 2010 à 02h03min

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La commune rurale de Bouroum-Bouroum est l’une des cinq communes qui a bénéficié de la subvention de l’Etat (48,8 millions FCFA), ainsi que de l’autorisation de l’Etat (2008) pour le lotissement entamé en 2009. Aussitôt les démarches enclenchées, conseil municipal et population s’opposent et se regardent en chiens de faïence ; les uns et les autres se jettent la balle. Le lotissement serait-elle la cause du démêlé entre le maire et les autochtones coutumiers, propriétaires terriens qui « accusent » le maire d’avoir loti et parcellé les zones sacrées. Qu’en est-il exactement ?

Située à 25 km au nord de Gaoua sur la route nationale n°12 reliant Gaoua à Diébougou, Bouroum-Bouroum se présente comme un carrefour de par sa position géographique. Elle est l’une des communes concernées par un projet d’’électrification. Des raisons qui lui ont valu d’être retenue pour bénéficier d’une opération de lotissement parmi les 05 communes bénéficiaires du plan national.

Lundi 12 juillet 2010 ; il est 10 heures. Nous sommes à Bouroum-Bouroum. Les dignitaires coutumiers en quelques minutes, se regroupent chez le chef de terre. Le nœud du problème est le lotissement des zones dites « sacrées ». Ils affirment avoir établi une liste, de commun accord avec le maire, avant les levés topographiques et à leur grande surprise, lors de la pose des bornes, ces zones ont été délimitées et même parcellées à l’intérieur.

Ce qui constitue la pomme d’achoppement entre les deux parties. Les autochtones soutiennent que ces zones ne peuvent être profanées par des habitations. Le chef de village, Sidité Kambiré indique : « Nous avons appelé le maire pour comprendre parce que dans les zones sacrées, on ne peut ni construire ni se loger ».

Et le chef de terre Thioulé Kambou de renchérir : « Ils sont venus (les topographes) avec leurs appareils, et nous sommes allés voir le maire. Ils ont déposé les bornes là où il y a même les fétiches du village. Ils disent que ma cour est grande, donc ils vont la diminuer.

Du vivant de nos parents, tout se passait ici et le maire veut venir parceller et vendre là où nous faisons nos coutumes. Je ne peux pas vendre cette terre et mourir après ».

Thioulé Kambou souligne, par ailleurs, qu’une voie devrait passer devant sa cour, mais il aurait refusé sous prétexte que c’est le passage des initiés. Un groupe est allé à la rencontre du maire pour comprendre cette opération de lotissement, mais il s’est trouvé que celui-ci était en déplacement sur Bobo.

Le préfet, Mme Louise Soudré/Ouédraogo que nous avons rencontrée, ne semble pas être bien informée, car elle vient d’arriver. Cependant, elle dit avoir informé qui de droit par rapport aux doléances des coutumiers qui affirment être déterminés à faire respecter leurs coutumes. Ils auraient adressé une lettre au maire qui les a finalement reçus le 15 juillet 2010.

Un délai a même été retenu pour le retrait des bornes dans les zones dites sacrées uniquement, mais d’après nos sources, les ressortissants se sont impliqués pour calmer les esprits, en attendant de trouver une solution idoine. Ces mêmes ressortissants auraient auparavant, joué la carte de l’apaisement au début de l’opération de lotissement où les notions de « résidant » et « non résidant » avaient opposé le conseil municipal à la population. Ils disent également ne pas s’opposer au lotissement mais veulent que le conseil municipal libère les zones sacrées.

Le marché serait sacré

Le bornage du marché actuel constitue une autre pomme de discorde. Les coutumiers s’opposent, en effet, au lotissement du marché actuel de Bouroum-Bouroum car indiquent-ils, le site du marché est sacré et un fétiche y est implanté. Certains rites funéraires se déroulent aussi à l’intérieur de celui-ci, à en croire Koadjo Da, responsable du marché. Un nouveau site serait prévu pour délocaliser le marché. La marge de 30 m à dégager de chaque côté de la voie bitumée pour respecter les normes de lotissement atteint le marché qui est situé à quelques encablures de ladite voie.

« En faisant cela, ça empiète sur le marché mais le marché gagne 113 mètres à 120 mètres à l’intérieur et s’agrandit. Les gens disent de laisser le marché tel quel, mais je dis non. Tel qu’il est, les marchands ne resteront pas durant cinq ans à l’intérieur du marché et certains finiront par occuper le long de la voie bitumée. Cela va les exposer aux accidents de la route. D’ailleurs, on attire déjà notre attention par rapport aux risques que les gens encourent en s’installant au bord de la voie », explique le maire, Bèbè Ignace Doli.

Le responsable du marché rejette la proposition faite par le maire et se justifie par le fait que la nouvelle délimitation atteint le fétiche. Le maire note néanmoins, qu’après avoir rencontré le propriétaire du fétiche du marché, celui-ci est prêt pour son déménagement à condition de faire quelques sacrifices. La zone ne serait donc pas un lieu sacré communautaire, mais individuel. Il reste à l’étape actuelle, 08 bornes à poser au niveau du marché.

Pour le maire de la commune rurale de Bouroum-Bouroum, Bèbè Ignace Doli, les lieux sacrés ont été recensés en juillet 2009 dans les 08 quartiers de la commune et consignés dans deux cahiers de 32 pages remis au bureau d’étude et au président du Comité villageois de développement (CVD), en présence du fils du chef de terre.

Au total 80 lieux sacrés ont été répertoriés, mais compte tenu du nombre d’hectares à parceller, 300 ha demandés et 200 ha retenus, les difficultés ne manquent pas. Parmi les 80 lieux dits sacrés, figurent des endroits où on a un piquet ou un arbre appelé djiè et des zones dites hantées. Les coutumiers soutiennent que ces lieux sont sacrés et la question que les autorités communales se posent, c’est comment faire pour respecter ces lieux sacrés ?

Dans un lotissement, les parcelles d’habitation doivent occuper 40 à 45% pour l’urbanisme, les voies, entre 20 à 25% et les équipements collectifs, 30 à 35%. Telles sont les exigences et normes d’un lotissement. « C’était compliqué pour le bureau d’étude de tenir compte des pourcentages. Ils ont délimité des touffes, de grands ensembles.

Si l’on devait tenir compte des 80 lieux sacrés, il n’y aurait pas d’espaces habitables ; c’est pourquoi le plan de lotissement a pris en compte les grands lieux sacrés, à savoir les trois grandes touffes qui ont été d’ailleurs bien délimitées et celle de la préfecture, agrandie et non parcellées à l’intérieur contrairement à ce que les coutumiers ont laissé entendre.

Le bureau d’étude a donc borné ces zones et les a mises dans des parcelles qui seront réattribuées à ces coutumiers, afin de respecter les normes requises et de pouvoir dégager 177 parcelles commerciales et 1515 parcelles d’habitations et satisfaire les nombreux demandeurs », a expliqué le maire.

Amalgame entre lieux sacrés, fétiches et domiciles

Toutefois, celui dont les terres ont été prises par une réserve ou zone commerciale se verra octroyer une parcelle à côté de la même zone commerciale si cela est possible. « Je les ai rencontrés le 15 juillet 2010 selon leur vœu ; ils m’ont demandé de retirer les bornes dans ces zones.

Je leur ai fait savoir qu’il m’était impossible de le faire, tout en leur demandant de se référer au haut-commissaire du Poni qui est le président de la commission provinciale d’aménagement du territoire et toute personne qui enlève une borne commet une faute pénale et est passible de sanctions pénales », a relaté le maire Doli. Les lieux sacrés sont généralement des endroits inhabitables réservés uniquement aux rites funéraires, cultuels et coutumiers. Ils sont strictement interdits aux personnes non initiées et sont une propriété communautaire.

T.Marc Dolly, conseiller municipal, président de la Commission affaires générales relève qu’au début, les lieux sacrés ont été identifiés et délimités pendant le bornage. « Les gens disent que ce n’est pas bon, mais je précise qu’on a mis les bornes, mais on n’est pas rentré à l’intérieur des lieux sacrés. Les domiciles ne sont pas des lieux sacrés. S’il y a des fétiches, on peut les déplacer », estime T.Marc Dolly.

S’il est vrai que les touffes considérées comme lieux sacrés ont été délimitées et non parcellées à l’intérieur, d’aucuns se posent des questions. En effet, la zone du marché, à l’école de Bouroum-Bouroum jusqu’à la préfecture, est considérée sacrée par les coutumiers, mais comment se fait-il qu’on ait pu ériger une école dans cette zone, une préfecture et un centre de loisir ?

Dans le premier listing, les domiciles du chef de terre qui figurent d’ailleurs sur le plan de lotissement et celui du chef de village ont été considérés lieux sacrés et par conséquent, épargnés, la borne n’atteint pas l’endroit du fétiche du village, mais s’y approche, selon le maire. Pourquoi donc cette intransigeance des coutumiers ? L’autre difficulté, c’est le souhait des coutumiers d’interdire la zone l’installation des étrangers.

« Ils n’avaient pas dit que la zone ne serait pas lotie ? Ils reviennent avec la nouvelle selon laquelle certaines zones loties soient interdites aux étrangers. Le bureau d’étude a jugé discriminatoire le fait de ne pas admettre des étrangers dans cette partie. Il a souhaité que la question soit gérée à l’interne.

Les parcelles seront attribuées en tenant compte de leur vœux », explique le maire. La commission provinciale d’aménagement du territoire qui a suivi de très près ce lotissement est interpellée par rapport à cette question. Certains pensent que l’une des solutions serait d’attribuer les zones sacrées parcellées aux autochtones et/ou de déplacer certains fétiches individuels dans d’autres zones ou même de ne pas les attribuer.

A l’orée des élections municipales, il est souhaitable que le problème soit traité objectivement et que les uns et les autres n’exploitent pas la situation à des fins politiques. Cela peut porter préjudice à la quiétude des populations. Le lotissement est un acte de développement d’une commune. En le faisant, il entraîne certainement des conséquences, mais il appartient aux coutumiers et maire d’en discuter franchement et même d’envisager des solutions coutumières pour réparer certaines choses.

Assany SAWADOGO

Sidwaya

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