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Anarchie dans la construction : Force doit reter à la loi

Publié le jeudi 12 août 2010 à 22h47min

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Le secteur de la construction reste celui à interventions multiples : architectes, ingénieurs, géomètres, entrepreneurs etc. Les uns apportent leur expertise dans la conception, les notes de calcul et les études de sol. Les autres se chargent d’édifier l’ouvrage. Cette franche collaboration invitant au respect et au suivi des normes, paraît d’une nécessité absolue au Burkina Faso à la suite des effondrements d’immeubles et des dégâts constatés lors des inondations du 1er septembre 2009. Cela pourrait permettre de mieux appréhender la complexité de ce circuit et surtout, procéder à des contrôles rigoureux pour s’assurer de la solidité et de la fiabilité des bâtiments. Malgré la création du Centre de facilitation des actes de construire (CFAC), la politique en matière de construction au Burkina Faso souffre toujours de certaines pratiques dont les écueils influent négativement sur la qualité des édifices.

La modernisation tous azimuts de la capitale burkinabè à travers entre autre diverses constructions semble cache une anarchie et peut-être une impunité vis-à-vis de la législation immobilière. Le rapport des investigations sur le respect de la réglementation menées en 2009 à Ouagadougou par la « Brigade spéciale » mise sur pied par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, est sans équivoque : sur 1890 bâtiments contrôlés dans 16 secteurs périphériques de Ouagadougou, seulement 2,8% des propriétaires desdites constructions disposent d’un permis de construire. Des conclusions confirmant la face cachée, voire le laisser-aller de tout un secteur… en plein essor.

Des images de fers tordus, de blocs de béton réduits en morceaux, des piliers affaissés, relayés à la suite d’effondrements d’immeubles en construction dans la capitale burkinabè ont donné des sueurs froides à plus d’un citoyen. Samedi 25 juillet 2009, coup sur coup, à quelques minutes d’intervalles, deux bâtiments à niveaux s’écroulent comme des châteaux de cartes dans deux secteurs (n°6 et n°16) de la ville de Ouagadougou. Bilan : 03 pertes en vies humaines, 16 personnes blessées et des bâtiments avoisinants endommagés…Cette catastrophe a révélé un pan de la pagaille régnant dans les chantiers de construction au Burkina Faso.

Pour une cité en pleine modernisation, telle Ouagadougou, où les maisons poussent comme des champignons après la pluie, de tels évènements inquiètent et suscitent des interrogations sur l’application réelle et stricte des normes édictées par la réglementation en vigueur. Tant les résultats de l’expertise sur les bâtiments effondrés sont alarmants.

Mauvaise qualité des matériaux, absence ou défaillance totale de démarche technique (maître d’œuvre, architectes, ingénieurs)…bref, pour les experts, l’effondrement de ces immeubles en chantier est « la résultante d’une inorganisation qui frisait l’amateurisme ». Plus grave, l’un des bâtiments mortels a été construit sur simples instructions du propriétaire, par un tâcheron (son beau frère) qui s’est arrogé les rôles d’architecte, d’ingénieur, d’entrepreneur et de maître d’œuvre.

Sans plan, il a été réalisé sur la base d’un modèle déjà construit dans le voisinage. Bien qu’en plus, au départ, il n’ait été question que d’un bâtiment simple, transformé au fur et à mesure de sa conception, en un R+2. Et patatras ! Indéniablement, l’effondrement a été certainement au rendez-vous. Un drame inévitable, étant donné que la fondation n’a pu supporter des étages imprévus. Ainsi va l’univers du bâtiment au Burkina Faso.

La hauteur et l’immensité des constructions se mesurent souvent à la consistance de la poche de leurs propriétaires déterminés à exhiber leurs forces financières à l’entourage, en foulant au pied la politique en la matière. La passivité et le mutisme dont ce désordre a longtemps bénéficié, ont conduit à des transformations dangereuses dans des quartiers résidentiels, administratifs et commerciaux. Mettant ainsi le voisinage, les locataires et les habitants dans une insécurité certaine (incendie, effondrement, etc.). Et la gamme d’immeubles faisant fi des règles élémentaires, des normes immobilières s’élargit malheureusement au Burkina Faso.

Les investigations de la « Brigade spéciale » mise en place par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, au lendemain de l’effondrement des deux immeubles le 25 juillet 2009, ont mis à nu de « gros lézards » dans certains bâtiments et chantiers de la capitale burkinabè. La conformité avec les textes sont loin d’être une réalité : fissures importantes, fuite d’eau, défaillance de la plomberie et de l’étanchéité… Pire, des habitations bougent sous l’effet du vent. Triste constat mais courageux tout de même pour donner une saine lecture du milieu.

Le cas d’un immeuble (un R+3) au secteur n°20 de Ouagadougou effraie plus d’un. Ses occupants, des étudiants ont dû être vidés à cause de la vétusté de l’infrastructure s’ébranlant au gré du vent. Face à un tel « danger debout », le directeur central du contrôle au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, Gilbert Kibtonré, n’a pu s’empêcher de rassurer que cette enceinte menaçante pourrait faire l’objet d’une destruction totale si la gravité des défectuosités détectées par les investigations techniques le commandent.

Constructeurs comme chauffards

Evaluant l’état des constructions au Burkina Faso, les acteurs du secteur sont formels : « De nombreux bâtiments à Ouagadougou de nos jours, sont construits de façon anarchique », reconnaît le président de l’Ordre des architectes du Burkina Faso, Salif Koala. Abondant dans le même sens, Gilbert Kibtonré dont la structure est chargée de veiller au respect des normes de construction enfonce le clou : « Nous ne sommes pas très sûr de la durabilité de tous les bâtiments qui se construisent dans notre pays.

Cela nous inquiète ». Cette situation d’anarchie dans le secteur de la construction tire, selon « la Brigade spéciale de contrôle », son épine du non respect de l’article 190 du code de l’urbanisme et de la construction au Burkina Faso : « Quiconque désire entreprendre une construction dans une zone urbaine aménagée doit au préalable, obtenir un permis de construire. »

Cette disposition est loin de constituer un souci pour tous les constructeurs. Bien que, selon Gilbert Kibtonré, le permis de construire, soit un quitus d’une importance capitale : « En cas d’accident, les responsabilités sont partagées entre le constructeur et l’administration qui a délivré le permis de construire. Et en ce qui concerne les bâtiments à niveaux, grâce à l’assurance qui est exigée, le promoteur est protégé en cas de sinistre. » Les principaux concernés, les constructeurs, trouvent l’opération de délivrance du permis, coûteuse en temps et en argent.

« Les prestations de service des professionnels du bâtiment et des travaux publics, à savoir les architectes, les ingénieurs, les géomètres…sont onéreuses et il faut des mois pour entrer en possession du permis de construire », tente de convaincre S.S, propriétaire de plusieurs immeubles dans la ville de Ouagadougou. Pour ce qui est du retard dans la délivrance des permis, le directeur central du contrôle, sans nier les faits, reconnaît une évolution dans le secteur depuis la création d’un guichet unique en 2008.

Il souligne qu’avec le fonctionnement du Centre de facilitation des actes de construire (CEFAC), une quinzaine de jours suffisent désormais pour l’obtention d’un permis contre plusieurs mois de par le passé. « Nous délivrons en moyenne 280 permis de construire par an depuis 2008 », rappelle M. Kibtonré, tout en jugeant ce taux minime pour une ville en chantier comme Ouagadougou.

L’obtention de ce précieux document ouvrant la voie à la construction légale est pourtant un impératif pour le suivi et le contrôle des travaux. Et son acquisition impose aux promoteurs, un certain nombre de règles édictées par l’article 29 du Code de l’urbanisme et de la construction au Burkina Faso : « Toute construction soumise à permis de construire doit faire appel à un bureau d’études d’architecture ou à un architecte agréé, et/ou au service technique chargé de la construction territorialement compétent pour l’établissement du projet architectural ».

Le président de l’Ordre des architectes du Burkina Faso, Salif Koala, estime qu’entre le rôle de l’architecte et l’importance de l’architecture, il y a des conflits d’intérêts : « A tort ou à raison, il est perçu comme un individu qui n’aime que l’argent. Ces préjugés faussent un peu son rôle ».

Il reconnaît tout de même l’existence de certaines brebis galeuses dans sa corporation. Pour des professionnels de la construction ayant pour rôles la conception, l’établissement des projets de construction, de transformations, d’aménagements… Salif Koala, s’offusque aussi du fait qu’ils soient confondus à des dessinateurs. En plus des plans architecturaux, l’étude des sols n’est pas non moins importante pour assurer la conformité du bâtiment, surtout à niveaux.

Et au Burkina Faso, c’est le Laboratoire national des bâtiments et des travaux publics (LNBTP) qui a en charge, la réalisation des essais, des analyses, des études, des contrôles, des expertises sur les sols et les matériaux de construction. « L’objectif de l’étude géotechnique est d’investiguer le sol pour mieux comprendre les différentes couches, sa propreté, afin de mieux réaliser la fondation de l’ouvrage », révèle son responsable qualité, Kalsibiri Kaboré. Un véritable travail de fourmi est réalisé par cette structure, aussi bien sur le terrain qu’en laboratoire, pour garantir la solidité des bâtiments.

« Sur l’emplacement exact de l’immeuble, à l’aide de pénétromètres, nous faisons des essais de pénétration dynamique qui nous donnent, à tous les 20 cm, la résistance du sol jusqu’à une profondeur de 8m », affirme le chef de département sol et fondation du LNBTP, Lassané Compaoré. Cette phase est complétée par des puits creusés à ciel ouvert pour déterminer les différents faciès du sol sur le site.

Ainsi, en fonction des sols, et surtout des sols 5 qui, en présence d’eau, changent de « comportement », des blocs sont prélevés et analysés en laboratoire. « Les échantillons prélevés sont soumis à des essais de compressibilité à l’hydromètre afin d’avoir l’indice et le pourcentage du vide de ce sol. Ce qui nous permet alors de savoir la charge maximale que ce sol a supporté au cours de son histoire. Avec toutes ces données, nous évaluons l’ordre de tassement pour l’ingénieur de conception », déclare Lassané Compaoré dans son laboratoire, au milieu de plusieurs blocs de terres en analyse.

Appliquer absolument la loi

Prévention des risques contre l’incendie, sécurité des personnes handicapées, sécurité des personnes en cas de séisme, respect des normes environnementales…En clair, la réalisation d’un immeuble suit tout un processus complexe de conception, de construction et d’exploitation concernant la qualité de l’ouvrage et sa durabilité. « Un immeuble est sûr et habitable, lorsque sa conception et sa construction satisfont aux exigences légales réglementaires techniques en matière de qualité, de sécurité et de durabilité », juge le responsable qualité du LNBTP, Kalsibiri Kaboré.

Il estime qu’au Burkina Faso, il suffit de se conformer aux prescriptions du code de l’urbanisme et de la construction, pour être dans les normes. Le nombre élevé d’intervenants (ingénieurs, architectes, administration publique, entrepreneurs…) dans le circuit de la construction constitue également une situation difficile à gérer. Selon M. Kaboré, de nombreuses personnes ne perçoivent pas toujours le bien-fondé des études et du contrôle du laboratoire.

Certains contrevenants n’hésitent pas à pointer du doigt la cherté des prestations des différents techniciens intervenant dans les pièces constitutives pour l’obtention du permis de construire. Le directeur central du contrôle, Gilbert Kibtonré balaie cette échappatoire du revers de la main : « Actuellement, pour avoir le permis de construire, il faut débourser 45 000 F CFA au lieu de 800 000 FCFA pour les bâtiments simples et entre 600 000 et 800 000 CFA au lieu de 2 millions de FCFA en ce qui concerne les immeubles. »

Cette diminution des coûts pour faciliter l’obtention des actes de construire résulte des négociations entre le gouvernement, les architectes, les ingénieurs, les géomètres, etc. « Le gouvernement a approché les différents professionnels intervenant dans le secteur pour qu’ils baissent les coûts de leurs prestations, afin qu’ils ne soient pas un frein à l’obtention de leur permis de construire », rappelle Gilbert Kibtonré.

Un contrat entre le ministère et l’Association des géomètres et un autre en gestation avec les architectes est en cours de concrétisation. Le directeur central du contrôle estime qu’il faut privilégier d’abord la sensibilisation des différents acteurs, notamment des constructeurs. Le président de l’Ordre des architectes préconise une élévation du niveau de professionnalisme des concepteurs et appelle l’Etat à prendre ses responsabilités. « Il ne sert à rien d’adopter des lois et de les ranger dans les tiroirs.

Il faut les appliquer et punir ceux qui les enfreignent », propose Salif Koala. Et en matière de sanctions, l’article 220 du code de l’urbanisme et de la construction du Burkina Faso est sans équivoque : « Quiconque fait entreprendre, implanter, modifier ou fait modifier des constructions ou installations sans permis de construire ou en violation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, est puni d’une amende de deux cent mille (200 000) F CFA à deux millions (2.000.000) F CFA. » Pour M. Kibtonré, il faut susciter l’opérationnalisation de la Direction nationale de contrôle (DNC) qui se chargera des opérations d’aménagement et de construction si l’on tient vraiment à veiller à l’application et au respect des textes.

Cette structure déjà en gestation va procéder au constat, engager les poursuites et formuler des propositions de sanction à l’encontre de toute infraction dans le secteur de l’urbanisme et de la construction. Elle sera aussi investie de la diffusion des règles, des mesures et des procédures édictées par les textes. « Sinon la Direction centrale du contrôle, telle qu’éditée par le code de l’urbanisme n’est pas encore formalisée. Nous sommes en train de préparer un décret dans ce sens et les cadres commis aux tâches qui constitueront la DNC doivent être assermentés », affirme Gilbert Kibtonré.

Les membres de la DNC proviendront de plusieurs administrations : ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, gendarmerie, police, professionnels du secteur. Il s’agit de doter d’ici à 2011, le Burkina Faso, d’une force de frappe engagée à mettre de l’ordre dans le secteur de la construction sur toute l’étendue du pays.

Sié Simplice HIEN (hiensimplice@yahoo.fr)


Un vrai sésame : le permis de construire

A l’image du permis de conduire qui protège le conducteur d’une voiture, celui de construire situe les esponsabilités en cas de catastrophe, surtout d’effondrement. Selon le code de l’urbanisme et de la construction, toute construction en zone urbaine aménagée doit se réaliser sur la base d’un permis de construire.

Il est également exigé pour « les constructions dans les zones non aménagées d’établissements destinés à recevoir du public et de maisons d’habitation dont la surface du plancher hors d’œuvre dépasse 150 m2 » et aussi les travaux exécutés sur des bâtiments déjà existants (changement de destination, créer des niveaux supplémentaires…). Il existe trois catégories de permis de construire délivrés pour une durée de 5 ans renouvelable une fois. Il y a la catégorie A, pour les maisons à usage d’habitation en Rez-de-chaussée (RDC) dont la surface totale du plancher hors œuvre ne dépasse pas 150m2.

La catégorie B concerne les maisons d’habitation dont la surface totale de plancher hors œuvre dépasse 150m2 et les maisons à usages autres que d’habitation en RDC, dont la surface totale de plancher hors d’œuvre ne dépasse pas 150m2. Enfin le permis de catégorie C est prévu pour les bâtiments à plus d’un niveau, les maisons à usages autres que d’habitation en RDC dont la surface totale de plancher hors œuvre dépasse 150 m2 et les établissements recevant du public. Pour ces deux dernières catégories, des études architecturales et d’ingénierie sont obligatoires pour l’obtention du permis.

A ce sujet, l’article 194 du code de l’urbanisme et de la construction est explicite : « seuls les bureaux d’étude d’architecture ou les architectes agréés sont habilités à établir le projet architectural faisant l’objet de la demande de permis de construire. » Le permis de construire est délivré par le maire de la commune. Sauf dans les cas d’ouvrages administratifs et de construction à l’intérieur des périmètres d’intérêt national, où il est délivré par le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme.

En somme, il est obligatoire et s’impose à l’Etat et à ses démembrements, aux collectivités territoriales, aux concessionnaires de service publics et aux personnes privées. L’installation des dispositifs publicitaires, les travaux couverts par le secret de la défense nationale, la hauteur des murs n’excédant pas deux mètres, sont exemptés du permis.

S.S.H

Source : Code de l’urbanisme

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 16 août 2010 à 22:16, par Armando En réponse à : Anarchie dans la construction : Force doit reter à la loi

    Juste une correction, Lassané Compaoré n’est pas le chef de Département Sol et Fondation au LNBTP.

  • Le 16 août 2010 à 22:25, par Armando En réponse à : Anarchie dans la construction : Force doit reter à la loi

    Sur le plan technique il y’a beaucoup d’erreurs dans la partie concernant les explications des études de sol. On retient essentiellement que le LNBTP effectue des tests sur le sol afin de déterminer sa capacité portante et les tassements éventuels qu’il peut subir en fonction du bâtiment qui sera construit. Ces résultats permettent de dimensionner les fondations.

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