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GUERRE DES CHEFS A L’UFC : La fin d’une époque

Publié le mardi 10 août 2010 à 01h43min

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C’est une veillée d’armes dans les deux camps de l’Union des forces du changement (UFC) à Lomé. En effet, l’UFC tendance Fabre et celle soutenant Gilchrist Olympio ont décidé chacun de convoquer son congrès, respectivement les 10 et 12 août. Un seul parti, deux tendances et deux congrès en perspective.

Ce scénario était prévisible depuis les rumeurs confirmées plus tard par la décision du leader historique de ce parti de l’opposition togolaise, Gilchrist Olympio, d’accepter l’entrée du parti au gouvernement. Cet accord a été conclu avec le pouvoir en place pendant que le secrétaire général du même parti, Jean Pierre Fabre, candidat à la dernière présidentielle, conteste sa défaite. En effet, Fabre et ses partisans continuent d’organiser des marches pour réclamer la victoire qu’ils considèrent que Faure Gnassingbé leur a volée. Ils en étaient d’ailleurs, la dernière fois, à leur 20e marche. Chacun des deux camps de l’UFC réclame donc la propriété du parti et ce feuilleton n’est pas sans rappeler celui qui a secoué un parti comme le Parti africain de l’Indépendance (PAI) au Burkina.

Face à la guerre des communiqués, le ministre togolais de la Communication, Djimon Oré, a signé et publié un communiqué rendant illégale la tenue du congrès du camp de Fabre. Ce communiqué met également en garde la presse qui serait coupable de délit si elle diffusait l’information concernant la convocation dudit congrès. Dans ce combat fratricide, les autorités gouvernementales togolaises ont ainsi pris fait et cause pour Gilchrist. Quoi de plus normal, est-on tenté de dire. M. Olympio ayant envoyé ses partisans au gouvernement, il n’y a pas de raison que le pouvoir en place à Lomé le lâche -en tout cas, pas tout de suite- dans ce combat qui l’oppose à ceux qui ont refusé de rentrer dans les rangs.

Le président togolais soutient sûrement l’adversaire farouche et historique qu’il a su dompter, dans sa bataille contre l’aile de l’UFC qui refuse d’aller à la soupe. Le camp de Fabre en est conscient si on s’en tient aux déclarations de Patrick Lawson, premier vice-président de l’UFC, qui a soutenu que les partisans de Gilchrist ont "La justice et l’administration avec eux" et affirmé ne pas être étonné de cette situation. Les menaces, ce camp n’en a cure et tient mordicus à organiser son congrès. Cette décision laisse appréhender des journées chaudes à Lomé. Il semble pourtant qu’il serait plus sage pour la tendance Fabre, de chercher, pour éviter les empoignades vaines et qui font perdre inutilement du temps, à créer un autre parti si tant il est vrai que la majeure partie des militants de l’ex-entité UFC est acquise à sa cause.

En tout état de cause, c’est la fin d’une époque. Celle où l’UFC, en un bloc compact, cristallisait les espoirs d’alternance et de démocratie de toute une partie du peuple togolais avec son leader historique. On assiste aux derniers soubresauts de ce méga-parti qui avait bâti sa respectabilité dans son combat contre la dictature et la dynastie Eyadéma et qui a conquis une aura au-delà des frontières du Togo. Dans ce combat entre partisans et opposants du ralliement au gouvernement mis en place par Faure, on a l’impression que Gilchrist, même s’il a la légalité avec lui, a perdu la légitimité au profit de Fabre. Ce dernier défend d’ailleurs cette thèse lorsqu’il affirme, entre autres, que c’est son camp qui continue de tenir le siège du parti et cela n’est pas rien. Gilchrist semble donc s’être "vendu" moins cher. Avec sa trempe, il aurait pu, si cet accord avec Faure était vraiment nécessaire, arracher au profit de son parti, dans la logique d’un partage assez équitable du pouvoir, au moins le poste de Premier ministre. On assiste à une sorte de fin pitoyable d’un vieux lutteur.

Du parti historique, il gardera sûrement le sigle mais probablement pas la capacité de mobilisation ; une coquille vide en somme. Car il est vrai que les militants qui nourrissaient vraiment l’espoir de rompre le cercle du pouvoir Eyadéma ne lui emboîteront pas le pas. Pour eux, il n’est ni plus ni moins qu’un traître car il aura, par son comportement, rogné les ailes de l’espoir d’alternance qui se profilait déjà à l’horizon lors de la dernière élection dont ils réclament encore la victoire. Au soir de sa vie, Gilchrist aura donc bradé sa cause, peut-être pour des raisons personnelles comme certaines voix le disent. Peut-être qu’il était aussi gagné par l’essoufflement. Mais l’importance de l’enjeu amène à se demander s’il a, avant de s’y engager, bien considéré les tenants et les aboutissants d’un tel copinage.

Ce qui est sûr, dans le camp du président Faure, on se frotte les mains d’avoir réussi ce coup magistral. Mais l’arrivée de Gilchrist et de sa bande ne fait pas que des heureux dans la mouvance présidentielle, ne serait-ce qu’au plan de la distribution des portefeuilles. Et comme en politique, on n’est important qu’au degré de son poids électoral notamment, il est fort à craindre que Gilchrist se morde un jour les doigts s’il venait à être éjecté du gouvernement. Si pareille catastrophe lui arrivait, il n’aurait que ses yeux pour pleurer. Certes, on pourrait penser qu’il n’a plus rien à perdre à son âge. Cela est peut-être vrai. Toutefois, c’est bien une fin pitoyable à laquelle on assiste, car s’il est vrai qu’il y a lieu, au Togo comme partout ailleurs, de travailler à réconcilier ceux qui sont divisés par les violences politiques, le bon sens s’accommode mal d’une telle fragilisation de son parti, pour des intérêts aux contours brumeux et sans lendemains certains.

"Le Pays"

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