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Sortie ouest de Ouaga : Les usagers récriminent, les techniciens expliquent

Publié le mardi 10 août 2010 à 01h45min

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« …Depuis le début du mois de juin, nous éprouvons toutes les difficultés pour accéder à nos domiciles et nous sommes obligés de laisser nos véhicules en dehors de nos concessions à nos risques et périls. Pire, nos enfants sont exposés, car le canal servant d’évacuation des eaux n’est pas couvert et passe à quelques mètres de nos portes… ». C’est là un extrait de la lettre ouverte des riverains des travaux de réhabilitation de la route nationale n°1, sortie ouest de la capitale burkinabè, à l’adresse du Premier ministre, lettre dans laquelle ces derniers égrènent le chapelet des désagréments qu’ils subissent.

Il faut dire qu’en attendant le bitume, ce chantier (qui est actuellement à 23% d’exécution en 7 mois), d’un montant de 17 milliards de F CFA attribué au groupement d’entreprises Kara Establishment/SACBA-TP s.a., fait couler beaucoup d’encre et de salive. Et on pourrait même ajouter de sueur. D’un côté de la voie, les contempteurs qui crient au retard des travaux et même à « l’amateurisme », et de l’autre les exécutants qui assurent respecter les normes de qualité et pouvoir finir dans les délais, c’est-à-dire en mars 2011. Gros plan sur ce gros ouvrage qui fait de grosses vagues.

Jeudi 29 juillet 2010, 7h30. Nous sommes à droite à l’entrée du pont de Boulmiougou à la sortie ouest de Ouagadougou. Seydou Ouédraogo sort de chez lui pour se rendre au magasin dont il a la charge. Pour ce faire, il entreprend de rejoindre son véhicule, qui a encore passé la nuit à la belle étoile ou plutôt au bord de la voie à une bonne cinquantaine de mètres du domicile de son propriétaire. Ce père d’une famille de quatre enfants doit slalomer par monts et par vaux avant d’accéder à un passage sur le canal qui passe devant sa porte. Un petit sentier lui est réservé à cet effet. Il y rencontre son voisin d’infortune, Etienne Ilboudo.

Seydou Ouédraogo nous prend à témoin : « Vous-même, vous voyez comment c’est pénible, la situation que nous vivons. On ne sait plus à quel saint se vouer. Depuis pratiquement deux mois, mon véhicule dort dehors avec tous les risques qu’il peut y avoir. Par exemple si on vient démonter les roues, qui est-ce qui va payer ? On a carrément laissé l’ancienne route et on est venu coincer la nouvelle contre nos domiciles et en plus sans nous faire des espaces provisoires pour rejoindre la voie ».

Le calvaire des riverains

Pis, le diamètre du canal est tellement petit, selon lui, qu’ils sont menacés d’inondations car c’est le passage des eaux de ruissellement du quartier de Pissy pour rejoindre le barrage. Il raconte d’ailleurs comment, afin de permettre à l’eau de s’écouler vers le barrage, ils ont dû, avec l’aide des jardiniers du voisinage, prolonger le canal que les exécutants du chantier avaient arrêté juste à la fin de leurs concessions. L’accès difficile à leurs concessions, le canal mal creusé et constituant aussi bien un véritable nid de moustiques avec l’eau qui y stagne en permanence qu’un danger pour leurs enfants qui naturellement jouent à proximité, ce sont là, les principaux griefs relevés par Etienne Ilboudo, douanier de son état, lui aussi marié et père de quatre enfants :

« Pour vous dire un peu l’insécurité que cela entraîne pour nous, une fois lors d’une grande pluie, il y a un crocodile qui a suivi l’eau jusqu’au niveau du pont situé à quelques mètres d’ici. Imaginez un peu ! Et il faut savoir que depuis 18 ans que nous vivons ici, c’est la première fois que nous avons de l’eau qui stagne en permanence devant nos portes. Même lors de la grande pluie du 1er septembre nous n’avons pas connu d’inondations ici ».

Et les riverains de nous raconter l’infortune de certains des leurs à l’image de cette dame qui, depuis le début des travaux, a son véhicule bloqué dans le garage et est obligée de prendre un taxi pour aller au travail ; ou encore de ce monsieur qui, ayant posé sa voiture dehors, comme Seydou, l’a retrouvée un matin sur cales, des voleurs ayant démonté et emporté les roues. Il aurait depuis lors décidé de se créer lui-même un passage devant sa porte pour faire rentrer son véhicule. La hauteur de la chaussée leur pose également problème : « Ça nous inquiète car ça ne tient pas compte du seuil de nos portes. Et on se demande comment on va faire pour rejoindre cette voie-là à la fin des travaux ».

A les en croire, jusque-là leurs échanges, de façon informelle avec les maîtres d’œuvre, n’auraient abouti qu’à de vagues promesses d’accélération des travaux et de prises en compte de leurs doléances. Situation qui a conduit les deux hommes à adresser la lettre ouverte au Premier ministre, Tertius Zongo, déjà rappelée et parue dans L’Observateur paalga n° 7684 du jeudi 29 juillet 2010. Dans cette adresse, ils demandent « de revoir certains aspects du projet afin que des solutions durables et définitives soient trouvées ». Il s’agit, entre autres, de : la modification du tracé actuel de l’axe. A ce calvaire pour les riverains s’ajoutent « des conséquences financières » pour ceux d’entre eux qui exercent une activité économique dans les environs.

Avec des voies d’accès impraticables, les bonnes affaires sont de vieux souvenirs pour les commerçants. C’est le cas de Fatimata Koté, gérante d’un négoce et d’un télécentre, qui, à l’en croire, ne fait plus que se ronger les ongles à longueur de journée : « Ça ne marche plus du tout ! Depuis près de huit mois que les travaux ont débuté, les clients se font très rares. Comme je ne peux pas rester à la maison à ne rien faire, je viens au moins passer le temps ici. On compte des jours avant qu’un client ne vienne vous demander ne serait-ce que la simple bouteille de gaz. Je suis obligée de fermer même la porte de mon télécentre pour laisser le passage aux voisins qui longent le canal pour rentrer chez eux ».

Karim Kiendrébéogo, vendeur de ciment en face de la station d’essence située après le pont de Boulmiougou en sortant de la ville, nous confie qu’ils ont du mal à garder propres les devantures de leurs commerces avec les eaux qui stagnent en permanence faute de caniveaux. Conséquence, les clients rechignent à « nager » dans la boue pour venir jusqu’à eux. Même son de cloche chez Jacques Bouda, dont l’établissement est collé à celui de Karim : « On a du mal à trouver notre pain quotidien car c’est très difficile. Le chantier est trop lent. S’il pleut, y a pas de route, donc pas de clients ! Ils ne viennent plus parce qu’il y a trop de boue et beaucoup d’accidents sur la voie ».

Tout baigne sur le chemin de croix

Une réalité qui a poussé Awa Zongo, vendeuse de sucreries locales, à mettre de la terre sur les flaques à plusieurs reprises. Sans succès, les chalands continuant de bouder. D’une demi-douzaine de clients par jour avant le début des travaux, Boukary Nana, vendeurs de chaussures au bord de la route, est passé, selon ses propres propos, à moins de deux par jour depuis que le chantier a démarré. Pendant que nous nous entretenons avec Boukary, un motocycliste freine brusquement à l’arrière de son étal. Juste à temps pour éviter d’être éclaboussé par l’eau boueuse que vient de projeter un car.

« C’est la même gymnastique tous les jours pour éviter d’être sali par les voitures, nous explique Gérard Sama. Tout est tellement gnagami (désordonné en langue dioula) que c’est pas la peine ! Tout le monde roule sur la même petite voie et personne ne veut rentrer dans la boue, donc chacun se débrouille. On a qu’à nous arranger au moins la route parce qu’avant, c’était la poussière, le problème maintenant, c’est la boue ». Il abrège notre conversation pour poursuivre son chemin en slalomant entre les passants et les flaques d’eau.

Le moins que l’on puisse dire est que les usagers ne sont pas moins exaspérés que les riverains. Au nombre d’eux, Yacouba Ouattara, qui au volant de sa voiture, s’étrangle de colère. Pour lui, leur sort frise le mépris : « On entend tellement de choses sur cette route de Pissy qu’il est difficile de démêler le vrai du faux. Mais pour moi, le problème n’est pas que ce soit X ou Y qui ait décroché le marché car cela n’aurait aucune importance si tout était bien fait. Or, c’est là que problème se pose et naturellement il y a les ressentiments à l’endroit de X ou de Y qui remontent en surface. Je ne veux pas citer de nom.

Cela dit, il faut savoir qu’on peut comprendre qu’on ne puisse pas faire d’omelette sans casser des œufs et que toutes les fois qu’il y a un chantier quelque part, on ne peut pas ne pas subir des désagréments. Moi, ce qui me fait le plus mal, ce n’est pas tant la réfection de la voie à proprement parler, s’ils veulent qu’ils prennent dix ans, c’est leur problème, mais en tant qu’habitant de la zone, j’ai besoin d’avoir des solutions de rechange dignes de ce nom : je veux parler des déviations. Il n’y en a pas, sinon en piteux état. Il y a ces fameux goudrons “vie chère“ qui avaient été posé entre-temps mais ça a été lavé littéralement dès les premières pluies.

Et là où il n’y a pas cette espèce de bitume, c’est une masse d’eau boueuse et nauséeuse comme c’est le cas du côté ouest du cimetière de Gounghin où les véhicules s’embourbent chaque jour que Dieu fait (NDLR : ce jour-là justement, nous avons effectivement croisé un camion embourbé à cet endroit précis et les occupants peinaient à s’extirper de là). Ou encore cette crevasse à hauteur du Yampoutin qui a brisé bien des carters. A cela s’ajoute le manque de signalisation digne de ce nom. Il faut connaître le moindre trou, la moindre crevasse.

C’est le casse-pipe et les gens disent qu’avant que cette route-là ne finisse on ne saura pas combien de morts par accidents, elle va enterrer. Je trouve que ce n’est pas sérieux et que ça traduit une forme de mépris envers la population ! Bientôt c’est le mois d’août [NDLR : nous l’avons rencontré le jeudi 29 juillet 2010] avec des précipitations pratiquement tous les jours. On fait quoi sans route ? Et la question que je me pose est de savoir qui doit s’en occuper ? Est-ce la mairie ou les sociétés adjudicataires ?

Qui doit veiller à ce qu’on ait des voies carrossables ? C’est vraiment ça qui me met en boule plutôt que ces histoires de pont qu’on a cassé et refait et de travaux en retard. Il faut un minimum de respect pour nous les usagers » . A l’image de notre automobiliste en boule, ils sont nombreux à vouloir nous confier leurs récriminations, et à mots à peine couverts, certains dénoncent ce qu’ils appellent “l’amateurisme” de SACBA-TP, propriété d’Alizet Gando, la « belle mère nationale » comme d’aucuns la surnomment.

Et à dire vrai, plus que le chantier, c’est souvent la bonne dame que l’on semble juger. En aval du pont du Boulmiougou, côté droit, s’étend la cour de la future autogare où camions et graders de toutes catégories se disputent la place aux dalles et autres matériaux. Visiblement, c’est le QG des exécutants du chantier. A l’intérieur se trouvent les bureaux du Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP) qui a la charge du contrôle géotechnique de l’interconnexion, comme nous l’explique Gilbert Abavri : « Nous vérifions la qualité des matériaux utilisés sur le chantier.

Pour cela nous faisons des essais en interne pour voir s’ils sont conformes aux prescriptions techniques contenues dans le cahier des charges. Nous procédons également au prélèvement du béton pour juger de sa force ». L’interprétation des résultats de leurs essais est à la charge de la mission de contrôle (voir encadré) à laquelle ils viennent en appui. « C’est le déficit d’information qui engendre certaines incompréhensions »

« Nous sommes sereins quant à l’évolution du chantier de la route nationale RN1 communément appelé interconnexion ». C’est ce qu’a assuré d’entrée de jeu le Directeur de la construction et de la reconstruction (DCR), Issouf Joseph Tiemtoré, qui nous a reçu dans son bureau à la Direction générale des routes (DGR), le vendredi 30 juillet dernier en compagnie du chef de la mission de contrôle du chantier, Hémianon Kakpo. Le projet d’un montant, rappelons-le, de l’ordre de 17 milliards de F CFA, a un délai d’exécution de 15 mois (du 9 décembre 2009 au 9 mars 2011). Le chantier est à 23% d’exécution des tâches pour un délai consommé de l’ordre de 50%. Cet écart entre les deux données qui pourrait inquiéter des non-initiés s’explique techniquement, selon le DCR :

« C’est normal au stade où nous sommes car il faut savoir que certains travaux (comme les pieux pour le pont actuellement en édification sur le chantier) qui ne pèsent pas lourd en termes de finance, prennent énormément du temps pour être exécutés tandis que d’autres (comme le revêtement) coûtent très cher mais prennent très peu de temps ». Les travaux se déroulent donc normalement, au dire de M. Tiemtoré, même si cette avancée est actuellement plus ou moins timide en raison d’un certain nombre de facteurs au nombre desquels la saison des pluies et les difficultés techniques. Difficultés techniques, de quoi s’agit-il ? Elles seraient liées, selon lui, au fait que certains travaux nécessitent un temps d’examen :

« Nous suivons une procédure au niveau de la construction de certaines pièces,comme les pieux, pour être sûr que nous ne faisons pas d’erreur. Si les résultats ne sont pas satisfaisants, nous faisons des investigations à travers des essais et nous procédons à l’interprétation des résultats et à la correction ». Comme le fait de casser et de refaire le pont ainsi qu’on l’a entendu, preuve s’il en est, selon certains de nos interlocuteurs, que « ces gens-là ne maîtrisent pas leur affaire » ? Réponse du Directeur de la Construction et de la Reconstruction :

« C’est une impression que peut effectivement avoir l’œil profane mais en réalité c’est l’évolution normal pour ce type de chantier. Il faut savoir que les pieux sont des éléments en béton qui entrent dans le sol. Il y a une partie qui est prévue pour être taillée ; si cette partie déborde, si nous avons par exemple 2 mètres au lieu d’un seul mètre demandé, on fait ce qu’on appelle le recepage, c’est-à-dire qu’on casse jusqu’à un certain niveau et on continue. Sur ce point, je précise que c’est la méthode utilisée pour casser qui a fait l’objet de protestations entre-temps parce qu’elle peut avoir des conséquences sur le reste de l’édifice ».
« On ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs »

Et M. Kakpo de préciser que le rôle de la mission de contrôle qui est la structure commise par le maître d’ouvrage qu’est le ministère des Infrastructures et du Désenclavement (MID) pour assurer et garantir la qualité des travaux sous la tutelle de la DGR, est de faire en sorte que l’entreprise respecte les normes de qualité prescrites par le cahier des charges.

Le DCR se dit conscient des désagréments que subissent les riverains et les usagers de la route, chose inhérente à tout chantier de ce genre : « Nous partageons cela avec eux mais malheureusement, comme on le dit, on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs. A mon avis, on aurait pu dégager par exemple des passages provisoires pour chaque concession mais cela allait ralentir considérablement l’avancée des travaux. Je leur demande donc de prendre leur mal en patience et nous pouvons d’ores et déjà les assurer que nous prendrons toutes les dispositions pour réduire le temps de calvaire qu’ils vivent actuellement. Pour ce qui est du chantier, c’est le produit fini qui témoignera du travail accompli ».

Au niveau du pont, le barrage presque à ras-bord témoigne de l’abondance des précipitations sur la capitale. La saison des pluies entraîne de nombreux problèmes à gérer selon le Directeur technique de SACBA-TP, Maurice Bagré (lire entretien). Pourtant la météo ne prévoit pas d’accalmie pour l’instant. C’est dire qu’il est encore long, le chemin jusqu’au 9 mars 2011, date prévue, sauf contretemps, pour la fin des travaux. En attendant, les usagers vont continuer de souffrir, leurs voitures et engins aussi.

Hyacinthe Sanou


Fiche technique du chantier

7, 316 km. C’est la longueur totale du tronçon du lot N°1 de l’interconnexion des routes RN1 et RN4 (allant précisément du pont Kadiogo au lycée Bethesda) à reconstruire et à bitumer et comprenant, entre autres, des voies principales (route à double voie) munies de chaussée, terre-plein central (TPC), pistes cyclables et trottoirs ainsi que des bretelles comprenant chaussée et accotements. L’exécution du chantier est à la charge du groupement d’entreprises Kara Establishment/SACBA-TP s.a. et le suivi est assuré par une mission de contrôle conduite par GIC-Mali/AACE/Le BICI avec l’appui du Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP). Le montant exact des travaux est de 17 084 495 929 FCFA TTC, financés par la Banque islamique de développement (BID) et le budget de l’Etat (cf. compte-rendu du Conseil des ministres du 15 avril 2009). Des systèmes d’assainissement (caniveaux), des dalots et ouvrage d’art sont également prévus. La réalisation des contre-allées est, elle, prévue pour plus tard.


Maurice Bagré, Directeur technique de SACBA-TP : « Attendez de voir le produit fini »

Le moins que l’on puisse dire est que les rumeurs vont bon train sur les travaux de l’interconnexion : désagréments subis par les riverains et les usagers, succession de directeurs techniques à la tête des travaux, incapacité de l’entreprise à exécuter le chantier, autant de points sur lesquels revient le Directeur technique de SACBA-TP, Maurice Bagré, dans cet entretien qu’il nous accordé le lundi 2 août 2010 à Pissy. Avec, en arrière-plan, des caterpillars et autres engins lourds. Comme pour dire qu’ici on travaille malgré tout ce qui se dit.

Dites-nous ce que représente le groupement d’entreprises Kara/SACBA-TP ?

• Le Groupement désigne deux entreprises de deux pays différents en l’occurrence l’une qui est africaine, la Société africaine de construction de barrage et d’aménagements hydroagricoles-Travaux publics (SACBA-TP) et l’autre qui est arabe : il s’agit de Kara Establishment.

Qu’est-ce qui justifie le fait que les deux entreprises s’associent sur le même chantier ?

• Vous savez qu’actuellement le monde est un village où toutes les unions sont possibles. Il est à l’heure actuelle encouragé de faire des groupements quand vous avez les mêmes façons de voir les choses. Sur la base des intérêts des uns et des autres, on peut s’associer sur un chantier donné. C’est sur cette base-là que nous avons entrepris de travailler ensemble sur ce chantier.

En êtes-vous à votre première collaboration ?

• Oui, j’avoue que c’est la première fois que nous travaillons ensemble. Une première expérience n’est pas forcément mauvaise, il faut la vivre pour voir la suite. Pour le moment nous travaillons main dans la main.

Quels sont les types de travaux que vous entreprenez sur la RN1 à l’heure actuelle ?

• Les travaux que nous sommes en train d’exécuter s’étendent sur une longueur de 7, 316 km et comprennent deux voies de 7 m x 2 dans chaque sens. En plus de ces voies, nous avons une piste cyclable de 3m et un trottoir d’1 m. Il y a aussi des contre-allées de 5m de large qui seront exécutées seulement dans les sections 1 et 2 parce que plus on entre en ville moins il y a d’espace pour aménager ces contre-allées. En plus nous avons les caniveaux, l’assainissement ainsi que l’éclairage public, la signalisation lumineuse, etc. Il y a aussi des ouvrages d’art à réaliser au niveau des ponts Kadiogo et Boulmiougou.

Quels sont les problèmes spécifiques que vous rencontrez sur le terrain ?

• Travailler en centre-ville n’est pas une mince affaire. Il y a beaucoup de contraintes. Vous avez les concessionnaires, les riverains et les imprévus que vous rencontrez et qu’il vous faut gérer. On s’attendait à tout ça vu le contexte géographique dans lequel on évolue, mais ce sont des problèmes qu’il faut régler au jour le jour.

Le pont de Boulmiougou aurait été construit puis cassé et reconstruit, pourquoi ?

• C’est la première fois que j’entends cela. Ce que je sais, c’est que c’est l’ancien pont qui est resté intact jusque-là qui a fait l’objet d’études car au départ dans le dossier initial, il était question de la mise en gabarit de cet ouvrage d’art comme on dit dans notre jargon, c’est-à-dire qu’on l’élargit en tant que tel. Les analyses ont montré que cet ouvrage ne tiendra pas, raison pour laquelle on construit carrément un nouvel ouvrage d’art.

Mais, il arrive bien que l’on élève des éléments et qu’on les casse après coup. Tout ça n’inspire pas confiance.

• Je comprends ce dont vous voulez parler et je tiens à préciser que jusqu’à présent, l’on n’a rien cassé au niveau du pont de Boulmiougou. Ce sont des systèmes constructifs que, peut-être, le commun des mortels n’arrive pas à comprendre. Ce sont des pieux que l’on coule et c’est prévu de couler jusqu’à un certain niveau et on procède à ce qu’on appelle un recépage. C’est sûrement cela qui donne l’impression à l’œil profane que l’on construit et que l’on casse ; mais c’est bien prévu comme ça dans le système constructif de ce genre d’édifice.

Est-ce la construction du nouveau pont qui explique le fait que la voie a dévié de son tracé initial ?

• Oui, si l’ancien ouvrage restait, on n’aurait pas eu l’angle que vous voyez qui dévie et qui passe à proximité des concessions.

On remarque des systèmes de déviation de l’eau au niveau du pont ; qu’est-ce qui explique cela ?

Il faut être prévoyant lorsque vous faites ce genre de travaux. Et avec la saison des pluies, il faut prévoir que l’eau peut venir à tout moment et les systèmes que vous voyez, ce sont des voies d’évacuation de l’eau que nous avons prévues pour nous permettre de travailler.

Justement, comment prévoyez-vous de travailler pendant cette saison des pluies ?

Il y a des choses que nous pouvons prévoir et d’autres comme la météorologie que nous ne pouvons pas prévoir. Nous sommes soumis aux aléas climatiques et nous faisons avec. La saison pluvieuse nous embête un peu parce que Pissy est une zone de bas-fonds et ce sont des cas que nous essayons de gérer.

Ce volet de la saison des pluies n’était-il pas contenu dans votre cahier des charges ?

• Vous savez bien qu’avec les changements climatiques on ne peut pas prévoir tout ce qui va arriver. On ne pouvait pas prévoir un 1er septembre. Quand les imprévus arrivent, on les gère, c’est tout.

Vous l’avez dit, il y a les aléas climatiques qui entrent en jeu et on remarque à cet effet que la pluie a mis en mauvais état les déviations tracées. Qu’est-ce qui est prévu à ce niveau ?

• Au niveau des déviations, c’est une longue histoire parce qu’initialement, il était prévu un marché à part pour les déviations qui n’a pas vu le jour. Et nous, afin de faire nos travaux, on a aménagé des déviations. Celles que vous voyez actuellement, c’est nous qui les avons aménagées à nos frais avec le volet enduit superficiel monocouche (rechargement avec une couche de goudron).

Et ces caniveaux qui causent d’énormes soucis à certains riverains qui ne peuvent plus accéder à leur domicile avec leur véhicule ?

• Je reconnais qu’il y a des désagréments au niveau des riverains, nous en avons conscience et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour réduire ces nuisances-là. C’est vrai que lorsque vous vous levez le matin et que vous avez des problèmes pour sortir de chez vous, vous n’êtes pas contents mais d’un côté ce n’est pas notre faute parce que nous ne faisons qu’exécuter le projet. Dans tous les cas, nous sommes en milieu urbain où la communication est très cruciale et tous les riverains qui viendront nous voir pour exposer leur problème, nous ferons tout pour les soulager si c’est de notre ressort et suivant nos possibilités.

A ce propos, certains riverains qui vous auraient approché de façon informelle attendent toujours la réalisation des promesses à eux faites, notamment de diligence dans les travaux sur les canaux et la construction de passages provisoires pour avoir accès à leur domicile.

• Il faut savoir qu’il y a bon nombre de passages provisoires que l’on pose alors que ce n’était même pas prévu, car ils doivent aider à faire passer le plus grand nombre d’usagers. On cible des endroits où l’on voit que le trafic est important et on désenclave cette partie mais comprenez que nous ne pouvons en poser à chaque porte.

Il paraît que vous avez dû fermer le bas de l’ancien pont pour pouvoir travailler. Comment cela s’explique techniquement ?

• On l’a fait en prévision de la saison des pluies. Mais nous prenons des précautions à chaque instant pour vérifier le niveau de l’eau. Quand nous voyons que ça commence à monter, on ouvre le passage pour qu’il n’y ait pas d’impact sur ceux qui sont en amont. C’est purement technique et cela n’a aucun effet sur les populations riveraines.

En vérité, certains doutent de votre capacité à exécuter ce chantier. Qu’est-ce que vous leur répondez ?

• Ils n’ont qu’à attendre les résultats. Le travail, c’est une question d’organisation et de gestion du matériel, du temps et des hommes. Tout ça, c’est un ensemble d’éléments qu’il faut arriver à manager pour parvenir à ses fins. Ceux-là qui pensent qu’on n’est pas capable d’exécuter ce chantier, c’est leur plein droit, mais on dit qu’on juge le maçon au pied du mur ; alors, ils n’ont qu’à attendre de voir le produit fini.

Il semble qu’il a été entre-temps question de changer d’entreprise. Qu’en est-il exactement ?

• Vous venez de m’en informer car c’est la toute première fois que j’entends parler de ça.

Au fait, de quelle expérience disposez-vous dans ce type de travaux ?

• Nous avons fait des travaux de revêtement et de construction de routes mais c’est le premier grand chantier de l’entreprise. Vous savez que toute entreprise est appelée à grandir et on passe d’échelons en échelons en s’améliorant. Et jusqu’à présent l’expérience prouve qu’on s’améliore.

On parle également d’une succession de directeurs techniques sur le chantier. Combien de personnes vous ont précédé au juste ?

• Vous savez, en matière de travail, c’est comme une équipe de football avec son entraîneur. Parfois ce n’est pas dû au fait que l’entraîneur n’est pas compétent mais ça peut être dû à un problème de communication avec lui qui fait que ça ne marche pas. Mais il n’y a pas de valse de directeurs techniques comme vous le dites.

Mais n’y a-t-il pas eu changement d’entraîneur, pour reprendre votre terme ?

• Depuis le début du chantier, il y a eu un directeur des travaux qui a été remplacé par un autre. Mais, cela s’est passé une seule fois, ce n’est pas répétitif comme vous le laissez entendre.

Combien de personnes se sont succédé au poste de directeur technique et depuis combien de temps l’êtes vous ?

• Je suis le deuxième et je suis en poste depuis en gros deux mois.

Entretien réalisé par H.S.

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 10 août 2010 à 05:40, par Pierre Michaillard En réponse à : Sortie ouest de Ouaga : Les usagers récriminent, les techniciens expliquent

    Pouvez-vous préciser la date de l’entretien avec M.Bagré ?
    A sa lecture, il semble antérieur à la débacle actuelle qui anéantit toutes ses dénégations destinées à calmer les usagers.

  • Le 10 août 2010 à 14:59 En réponse à : Sortie ouest de Ouaga : Les usagers récriminent, les techniciens expliquent

    Merci Mr le directeur technique pour votre courage. Vous défendez bien votre salaire, mais pour le reste, personnellement vous ne me rassurez pas. Vous semblez dire qu’en fait,le dossier de ce chantier a été mal ficelé et des aspect ont été soit oublié ou négligé ou non pris en compte. Du coup pour certaines choses vous vous débrouillez comme vous pouvez !!! Ensuite, je serai d’accord avec vous que toute entreprise doit grandir, mais quand même, attribué un tel chantier à une entreprise débutante pour quelle fasse ses preuves en tatonant et en espérant grandir ?
    Ou bien le premier rsponsable du pays est complètement à côté de la plaque, ou c’est le chef de gouvernement, dans tous les cas donc on se fout du peuple burkinabè. 17 milliards que nous allons remboursés. Au même moment, la même entreprise force pour glaner encore des marchés et dans tous les domaines, même dans la santé avec des histoire de moustiquaires !!!
    On peut toujours prié naîvement ou inconsienment que Dieu sauve le Burkina, mais il ne le fera que si les burkinabè le veulent bien.
    Les Ouagalais devenus véritablement des moutons comme on entend dire ?
    En tout cas, gloire à Dieu.

  • Le 10 août 2010 à 15:40 En réponse à : Sortie ouest de Ouaga : Les usagers récriminent, les techniciens expliquent

    qu’on arrete de mentir aux populations
    depuis quand a t on vu un financement de tel montant 17 milliarsds qui ne prevoit pas de deviations

  • Le 10 août 2010 à 20:27, par Armando En réponse à : Sortie ouest de Ouaga : Les usagers récriminent, les techniciens expliquent

    Quand je lis ces gens j’ai honte. Je suis du génie civil et je travail actuellement sur des projets qui normalement devraient créer bien plus de désagréments. Mais comme on est dans un pays développé des solutions techniques sont trouvées pour minimiser les dégâts. Par exemple, pour construire un pont sur la voie ferrée, il n’est pas possible de dévier le train. On ne peut pas non plus fermer la ligne tout le temps des travaux. Une des solutions consiste à construire le nouveau pont aux abords de la voie ferré, à fermer la ligne entre minuit et 8h du matin ; on coupe la voie et avec de gros vérins on tire le pont que l’on met en place, on compacte les bloc techniques et on ressoude les rails. A 8h pile le train circule à nouveau. On ne demande pas au Burkina de faire des choses aussi complexes. On demande juste de construire des déviations correctes, de drainer correctement les eaux et c’est tout. C’est pas la mer à boire. Comme seul justification, on nous dit qu’on ne peut pas faire des omelettes sans casser des oeufs. C’est trop facile ça. Eux tous ils savent ce qu’il faut faire. Soit ils n’ont pas l’argent pour le faire, soit ils ont bouffer l’argent. Sinon cet argument des oeufs là est trop nul.
    Un autre exemple : une entreprise qui devait faire des travaux sous un pont par mégarde à versé du ciment dans la rivière qui coule en dessous. Le lendemain trois poissons on été retrouvé mort. Cette entreprise a du payer une grosse amende pour ca. Chez nous, c’est pas de simples poissons qui meurent, il s’agit d’être humain et on s’en fou. C’est grave et écœurant !

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