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MINUAD : Ambiguïtés et contradictions d’El Béchir

Publié le mardi 3 août 2010 à 00h55min

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"Quand la hyène veut manger son petit, elle prétend qu’elle sent la chèvre", dit un proverbe bien connu de chez nous. C’est la réflexion qu’inspirent les récriminations des autorités soudanaises à l’encontre de la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD). En effet, elles ont décidé de mener la vie dure aux soldats de la paix des Nations unies et de l’Union africaine déployés depuis 2007 dans le pays. Il est vrai que Khartoum n’a jamais béni le déploiement de cette force dont le mandat vient d’être prolongé par le Conseil de sécurité pour un an.

La mission des 21 000 hommes sera encore plus difficile en ce sens que Khartoum, qui les accuse d’assister sans broncher à la continuation des fusillades, incendies et autres tueries, affirme qu’ils n’auront désormais droit à aucun égard. Comme illustration de ce traitement qui ne s’embarrasse pas des usages diplomatiques, les bagages des hommes de la paix seront désormais fouillés à l’aéroport et leurs déplacements ne devront se faire qu’en coordination avec les forces soudanaises. Tout porte à croire que le Tchad, la République centrafricaine et le Soudan se sont passés le mot quant au sort à réserver aux missions de la paix sur leurs sols. Car l’attitude du Soudan ressemble fort à une demande officieuse adressée à la MINUAD de débarrasser le plancher, emboîtant ainsi le pas au Tchad et à la Centrafrique qui, eux, sont déjà passés à l’acte.

Le comportement de ces pays n’est pas sans soulever quelques questions tant il semble utopique à l’heure où nous sommes, qu’ils soient en mesure de se passer des services des missions de la paix que la Communauté internationale y déploie, sans risque réel de plus grande détérioration du climat de paix déjà fort troublé. Certes, la MINUAD, à l’instar de nombreuses autres missions de la paix, n’est pas exempte de toute critique, mieux, elle a des faiblesses. Toutefois, sa raison d’être sur le terrain est manifeste au regard de l’énorme besoin de sécurité des pauvres populations.

Il faut avouer également que sa tâche est complexe en raison de la multiplicité des groupuscules rebelles. Et ce n’est pas l’accord de paix signé à Doha au Qatar entre le régime soudanais et une partie de ces insurgés, qualifié d’ailleurs de pâle et chétif par certains observateurs, qui est de nature à rassurer sur le terrain les populations qui vivent au quotidien l’angoisse des attaques, et dans leur chair, les affres de la guerre. D’ailleurs, cette force de la paix n’est, elle-même, pas épargnée par les attaques et fait souvent les frais de raids meurtriers.

Les récriminations de Khartoum semblent donc peu crédibles et ont de la peine à se convaincre que ce durcissement de ton envers la MINUAD est empreinte d’honnêteté et de volonté de ramener la paix dans ce pays. Quand on sait que les autorités en place n’ont jamais fait mystère de leur volonté de "casser du rebelle", on est en droit de s’inquiéter que cette mise au pas ne soit une stratégie pour reprendre la guerre à outrance en remettant en selle les tristement célèbres djandjawids. Tout cela pose le problème récurrent des pays qui veulent que les soldats de la paix fassent leur sale boulot, leur guerre, au mieux à leurs côtés, au pire à leur place, dédaignant le fait que ces braves soldats et policiers ne seraient pas dans ce cas, dans leur rôle.

De toute façon, on se demande à quoi joue Béchir. Il est vrai qu’il ne manquera pas la moindre occasion de prendre des mesures de rétorsion à l’encontre de tous ceux qui sont liés à l’Organisation des Nations unies (ONU) dont relève la Cour pénale internationale qui est devenue son pire cauchemar. Si le président soudanais agissait ainsi, l’Union africaine (UA) se retrouverait alors, d’une façon ou d’une autre, dans la ligne de mire des autorités soudanaises parce qu’elle a des troupes sur le terrain. En effet, la force de la paix au Darfour est une mission conjointe de l’ONU et de l’UA. Mais Béchir devrait s’inquiéter d’une éventuelle réaction de l’UA.

En durcissant les conditions de travail de ces troupes, Béchir fait un pied de nez à l’organisation continentale qui, on s’en souvient, vient de lui témoigner tout son soutien lors de son dernier sommet. Comment les pays membres de l’UA qui ont leurs hommes sur le terrain réagiront-ils si Khartoum faisait des misères à leurs troupes ?

Ils n’apprécieront certainement guère cela, toute chose qui pourrait impacter, à terme, leur soutien au maître de Khartoum. Toujours est-il que cette situation dénote d’une certaine fébrilité du président soudanais. Mais il doit se dire qu’il s’est déjà fait assez de détracteurs comme cela et qu’il n’ y a vraiment plus nécessité d’en rajouter. Reste à espérer que les troupes soient mobilisées, que la mission travaille, de façon sereine, à corriger les travers et autres insuffisances dont elle souffre pour que les populations meurtries, qui ne demandent qu’à vivre dans la paix, voient leur rêve se matérialiser dans des délais qui seraient les meilleurs possibles.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 3 août 2010 à 08:21 En réponse à : MINUAD : Ambiguïtés et contradictions d’El Béchir

    Précisons que la cour pénale internationale ne rélève pas des Nations Unies, elle n’est pas un organe de cette organisation. Il y a simplement un accord signé en octobre 2004 qui la lie aux Nations Unies.

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