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Editorial de Sidwaya : Marchés publics, la mauvaise complicité de certains agents !

Publié le lundi 2 août 2010 à 01h05min

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Une circulaire du Ministre de l’Economie et des Finances, en date du 23 juillet 2010, indique que des fournitures livrées depuis un certain temps aux différents services de l’Etat, par certains fournisseurs de la place, sont de mauvaise qualité. Au nombre de fournitures citées, les stylos à bille, entre autres, occupent une place de prédilection. Le ministère de l’Economie et des Finances, par la voix de son premier responsable, élève le ton et brandit l’épouvantail des sanctions.

Le risque est de punir des victimes et innocenter des coupables. Mais la forte volonté de combattre une donne qui ronge la bonne gouvernance, dans la gestion de la chose publique est affichée et publiquement. Cela est à encourager à la veille d’une rentrée scolaire, où aussi bien les établissements publics que les associations de parents d’élèves et autres généreux donateurs courent le risque d’être victimes de ces pratiques avec ou sans leur consentement. L’un des indicateurs, malheureusement pertinent de ce mal, c’est le nombre pléthorique de boutiques et de kiosques pour fournitures de bureau à Ouagadougou et dans certaines cités du Burkina...

Lieu par excellence, où on ne devrait pas avoir accès à certains marchés de l’Etat, car sanctuaire du désordre et de l’inorganisation par excellence. D’abord, au niveau de l’organisation et des autorisations, on dirait, quand on considère les choses de l’extérieur, qu’il est aussi facile de devenir fournisseur de consommables bureautiques aujourd’hui, demain vendeur de cacahuètes.

Ensuite, et plus profondément, il y a un « désordre de principe » sur lequel s’appuient des agents de l’administration pour se dédoubler : ils deviennent acheteurs de leurs propres marchandises, après avoir monté le dossier d’achat au profit de l’administration, ils achètent dans leurs propres boutiques.

C’est, sans doute, la raison pour laquelle, des agents publics chargés de la commande publique sont de connivence avec des soumissionnaires. Car, les soumissionnaires, c’est encore eux-mêmes, bien sûr par prête-noms interposés. Ces jeux de cache-cache, dit-on, s’organisent lors du montage du dossier des travaux des commissions d’attribution des marchés ou des commissions de réception, de nature à favoriser l’attributaire au détriment de l’administration.

Des décisions doivent être prises, avec toutes les précautions que cela requiert, pour que l’administration entre dans ses droits, au premier rang desquels il y a son droit à être administrée avec loyauté et équité pour l’ensemble des acteurs ; une telle « rectification » ne devrait pas manquer de justesse au point d’embrocher les petits poissons à la place des gros qui nagent dans les profondeurs des eaux.

Pour cela, la première initiative devrait être de mettre fin à cette collusion, à ce conflit d’intérêt, à cette réalité diffuse et pernicieuse « d’agents publics souterrainement commerçants »… ! Une tâche loin d’être aisée, car, selon le proverbe, « quand on laisse le fantôme entrer dans sa case avant d’en fermer la porte, on se condamne à la cohabitation avec lui ». La deuxième : recommander aux autorités contractantes d’utiliser les procédures devant aboutir à la signature de contrat à ordre de commande en vue de permettre au contrôle régulier et systématique de la qualité des fournitures livrées.

La troisième : il appartient aux présidents de commissions de réception de tester systématiquement l’ensemble des fournitures livrées selon qu’elles répondent ou non aux besoins exprimés par l’Administration. C’est le sens profond donné aux échantillons qui sont obligatoirement fournis pour ce qui concerne les appels d’offres de fournitures et aux commissions de réception instituées à cet effet. Comment comprendre que les commissions d’attribution de marchés puissent retenir des offres qui proposent des échantillons qui ne répondent pas à la qualité ou que les commissions de réception puissent accepter la livraison de fournitures non conformes aux échantillons retenus au moment de l’attribution des marchés ?

Celui qui attache du prix aux grandes causes (gouvernance démocratique, justice sociale, développement de tous et de chacun…) devrait aussi savoir attacher du prix aux petites choses : la qualité des stylos à bille, des crayons à papier et des gommes destinés à l’usage des agents de l’Etat, par exemple. Au-delà de l’administration publique, ces fournitures de qualité douteuse sont vendues aux populations innocentes, du fait de leur acceptation par celle-ci. Il y a donc lieu que les structures compétentes en matière de qualité aient un œil très vigilant sur la question.

Au demeurant, il faut recadrer avec beaucoup de volonté, beaucoup d’aspects sur les marchés publics. Le marché public, défini comme la mise aux enchères du droit de servir la demande, la concurrence pour le marché est en effet souvent perçue comme le mécanisme essentiel de sélection des partenaires privés. (Mougeot et Naegelen [2005]).

Les arguments en faveur de ce mode de passation des contrats sont largement développés dans la littérature depuis la redécouverte par les économistes, au premier rang desquels Demsetz [1968], du principe de « competition for the field » initialement proposé par Chadwick [1859].

De manière synthétique, la concurrence pour le marché, ou concurrence ex ante, est perçue comme un moyen d’introduire des mécanismes de marché dans des secteurs ayant des caractéristiques de monopole naturel et, ce faisant, de soumettre les monopoleurs à des pressions concurrentielles, bénéfiques aux consommateurs/usagers en termes de prix et de qualité du service, ou encore en termes de réactivité des offreurs à la demande et d’information disponible.

L’approche de Demsetz [1968], et plus généralement de l’école de Chicago, accordent à la concurrence pour le marché un pouvoir quasi-illimité de coordination des échanges et voient dans le « franchise bidding » un moyen de pallier les défaillances de la réglementation traditionnelle des monopoles naturels (Priest [1993]).

Le premier obstacle à la coordination de la fourniture de biens ou de services publics par des mécanismes de marché tient à la difficulté à mettre effectivement les opérateurs en concurrence ex ante. Compte tenu de la complexité de certains services, les principes de sélection du vainqueur de l’enchère peuvent être délicats à définir car le prix n’est pas la seule dimension à retenir.

Ainsi, pour la construction d’ouvrages d’art ou d’équipements publics par exemple, les autorités publiques doivent se préoccuper également de la durabilité, de la sécurité, du délai de construction, de l’impact sur l’environnement ou encore de l’esthétique, ce qui doit les amener à prendre en considération le choix des matériaux et des méthodes de construction, par exemple. De la même manière, pour les prestations de services, l’attention doit être portée non seulement sur le prix mais aussi par exemple sur les techniques employées ou encore, la qualité du service, le confort à l’utilisation par le destinataire, et last but not least, la lisibilité par le public.

Les questions qui se posent au stade d’attribution des contrats par appel d’offres sont donc les suivantes : sur quels critères doit-on attribuer les contrats ? Comment comparer des offres incorporant une dimension quantitative (le prix du service et le coût de sa fourniture) et une dimension qualitative (la qualité du service fourni) ? (Williamson [1976], Goldberg [197].

En d’autres termes, le problème qui se pose est de spécifier les termes du contrat de partenariat et par conséquent de définir ce que l’on attend du prestataire. Il s’agit de déterminer les caractéristiques du service à rendre de manière à établir des critères objectifs d’attribution des contrats et à pouvoir comparer des offres alternatives. L’efficacité du mécanisme d’appel d’offres dépend donc en premier lieu de la capacité du donneur d’ordre à caractériser le service qu’il souhaite voir réalisé.

En d’autres termes, si ce qui est demandé est flou, le résultat obtenu est bancal et approximatif ! Le moins disant, c’est très bien ! Mais le moins disant sur la même qualité d’un seul produit, c’est mieux !

Alors, donneurs d’ordres, à vos ordres ! N’oubliez surtout pas, qualité, quand tu nous tiens sur un budget qui tient dans sa portion congrue ! N’est ce pas fondamental de faire le bon choix ? En cela nous (agents de l’administration, responsables de service, décideurs..) sommes tous concernés et interpelés. Car pour vaincre l’hydre, il faudrait s’attaquer à toutes ses tentacules en même temps

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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