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Délits de presse : Il n’y a de vraie info que celle “volée”

Publié le vendredi 23 juillet 2010 à 01h05min

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Stéphane Guédé, Saint Claver Oula et Théophile Kouamouo, respectivement directeur de publication, directeur des rédactions et rédacteur en chef du journal ivoirien Le Nouveau Courrier, poursuivent leur calvaire à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), au grand dam de leur famille et de leurs confrères.

Ainsi en a décidé le tribunal correctionnel, mercredi dernier, qui a choisi de se donner du temps pour investiguer davantage. Auparavant, la justice avait procédé à l’arrestation de Patrice Pohé, un proche collaborateur du Procureur, qui est d’ordinaire la courroie de transmission entre la presse et le parquet d’Abidjan-Plateau pour les besoins de communication. L’affaire remonte au 17 juillet 2010, où Le Nouveau Courrier a publié le contenu d’un rapport d’enquête sur la filière café-cacao, qui a d’ailleurs valu l’emprisonnement de barons du secteur depuis maintenant deux ans.

Il n’en fallait pas plus pour susciter le courroux des magistrats, qui estiment que le document venait d’être transmis au Président de la République et ne devrait pas être rendu public par le canal médiatique. L’organe de presse et ses animateurs, sommés de révéler leur source, sont donc poursuivis pour vol de document administratif et écroués en attendant leur jugement.

En la matière, étant donné que l’instruction judiciaire sur le dossier café-cacao est en cours, bien des codes de l’information disposent que le secret professionnel n’est pas opposable au juge. Si donc, sur le plan juridique, la cause peut être entendue en raison des textes qui régissent le fonctionnement des médias, le problème qui se pose dans ce cas précis est l’opportunité de telles poursuites.

En effet, au regard de la crise que vit la Côte d’Ivoire, il n’est pas politiquement correct de poursuivre des journalistes dans l’exercice de leur métier, eux qui sont accusés à tort ou à raison d’avoir contribué à allumer et à alimenter le feu dans la maison ivoirienne. De telles arrestations ne font donc que détériorer davantage le climat social et ternir l’image du pouvoir, qui n’est déjà pas reluisante en matière de libre expression des opinions.

Dans tous les cas, de ce genre de conflit les hommes de médias sortent toujours vainqueurs parce qu’ils gagnent toujours la bataille de l’opinion publique. D’ailleurs, les confrères ivoiriens rappellent à l’envi qu’au moment de sa prise de fonction à la magistrature suprême. Laurent Koudou Gbagbo avait affirmé qu’il ne laisserait aucun journaliste croupir en prison. Hélas ! A l’heure du bilan de dix ans d’exercice du pouvoir d’Etat, les atteintes à la liberté de presse sont légion. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Vous en voulez ?

Eh bien ! le siège du quotidien Le Patriote a été mis à feu à deux reprises, Radio Nostalgie a été incendiée, les émissions de radios étrangères ont été interrompues à plusieurs reprises, sans compter les bastonnades et séquestrations de nos confrères ivoiriens. Et nous en oublions. Et puis, entre nous, il n’y a de vraie information que celle volée, quand bien même la déontologie recommanderait de ne pas dérober l’information.

Qu’on se comprenne bien : nous n’encourageons pas la presse, à utiliser des moyens illicites pour avoir des informations. Mais dans nos pays où l’accès à l’info est difficile et où les dirigeants n’ont pas la culture de la transparence, il faut bien des complicités pour se procurer des données de source sûre, qui intéressent plus les lecteurs que des articles sur les ouvertures et les clôtures de séminaires.

Bien souvent, ce sont les hommes politiques eux-mêmes qui organisent des fuites d’information en faveur de la presse quand ça sert leurs intérêts. Et là, il n’y a rien à dire. Mais lorsqu’une nouvelle parue dans les colonnes d’un canard les dessert, ils brandissent le respect des textes et crient au scandale.

Cela dit, le régime ivoirien doit travailler à trouver une porte de sortie honorable pour toutes les parties afin d’éviter d’envenimer la situation sociopolitique. D’ailleurs, ce qu’on attend le plus de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro, ce n’est pas d’embastiller les journalistes, mais de fixer une date pour la présidentielle.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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