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CEN-SAD : En quête d’un second souffle

Publié le jeudi 22 juillet 2010 à 00h56min

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La Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) serait-elle en panne ? A sa création le 4 février 1998, à l’initiative du Guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, le sommet des pays fondateurs regroupait le Burkina Faso, la Libye, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan. Aujourd’hui, le dernier-né des regroupements régionaux en Afrique compte 28 pays membres. Onze ans après, quel bilan faire de la CEN- SAD ?

Il semble bien que la CEN-SAD ait trop grossi. Aux six membres fondateurs, se sont en effet ajoutés vingt-deux autres. La CEN-SAD constitue ainsi la plus grande organisation régionale africaine du point de vue démographique et de la superficie : 350 millions d’âmes y vivent, sur une superficie dépassant la moitié de celle du continent africain. En somme une mini-Union africaine (UA). Et plus elle grossit, plus elle devient complexe et donc connaît des difficultés. Ainsi, la structure et le fonctionnement de la CEN-SAD seraient déficients.

Ils ne répondraient pas aux critères attendus d’une organisation d’intégration économique. Or, la CEN-SAD vise à œuvrer pour une intégration politique. D’où la nécessité de poser les vrais problèmes de l’organisation afin de leur trouver les réponses qui conviennent. A N’Djamena, on insiste donc sur l’importance d’évaluer sans complaisance les forces et les faiblesses de la communauté. C’est que les problèmes qui assaillent la CEN-SAD ne sont pas insurmontables. En effet, tout au long de son parcours, l’organisation a pu se doter de plusieurs instruments, eu égard aux objectifs qui sont les siens, dont le plus visible est la Banque CEN-SAD pour l’investissement et le commerce.

On pourrait avancer que la CEN-SAD qui avait jusqu’alors incarné beaucoup d’espoir, souffre des désillusions qui ont marqué les rapports entre son principal bailleur de fonds, le colonel Kadhafi, et plusieurs chefs d’Etats membres. Après avoir dépensé beaucoup d’argent dans les projets individuels de ses pairs, et financé de nombreux programmes de développement au profit des populations, le Guide libyen doit bien se sentir quelque peu floué.

Non seulement, la bonne gestion de ces multiples décaissements ne doit pas être une certitude, mais encore on semble bien réticent à le soutenir dans son projet de réaliser l’unité africaine. Cette ingratitude ou cette réserve, c’est selon, peut bien avoir contribué à gripper la machine. Le bailleur doublé du politique a sans doute opté pour la méthode anglaise : attendre de voir. Pour certains, la CEN-SAD serait devenue le « machin » du seul colonel Kadhafi. Principal bailleur de fonds, Kadhafi fait adhérer qui il veut, finance qui il veut. Le chef de la Jamahiriya libyenne populaire et socialiste semble le seul maître à bord.

En contrepartie, le leader libyen est beaucoup plus intéressé à élargir la base de l’organisation en quête de contreparties politiques, sur le continent et à l’extérieur. Cela agace bien des dirigeants. Ainsi, lors du dernier sommet de Cotonou, le Guide libyen ne s’est pas privé de tancer certains de ses pairs pour avoir mal utilisé les subsides qu’il mettait à leur disposition. Sans oublier que l’homme est imprévisible dans ses rapports avec les opposants africains. Doit-on reprocher à Kadhafi de continuer à soutenir seul pratiquement la CEN-SAD ? Si demain, il vient à quitter la tête du navire libyen, ses héritiers poursuivront-ils cette forme de coopération qu’on pourrait bien assimiler à un marché de dupes ?

Pauvre Kadhafi qui apprend à ses dépens ce que les peuples africains et sans doute d’autres bailleurs de fonds savent depuis longtemps déjà : ils sont très peu nombreux ces dirigeants africains qui se soucient du sort de leurs concitoyens. N’empêche que ce n’est pas une raison pour infantiliser les Africains. Encore moins de jeter dehors tous ceux qui vont à l’aventure en passant par l’espace libyen. Cela n’est ni hospitalier, ni conforme à l’esprit de la CEN- SAD. C’est d’ailleurs le lieu de déplorer que lors des sommets de la CEN-SAD, on évite d’aborder les sujets qui fâchent, chacun ayant des choses à se reprocher : bonne gouvernance, alternance démocratique en particulier.

Force est de reconnaître que depuis un certain temps, l’organisation semble perdre de sa superbe. Pourtant, des engagements ont été pris et d’importantes réalisations sont à son actif dans de nombreux Etats membres. Des actes de solidarité sont sans cesse posés. Mais selon toute vraisemblance, la CEN-SAD vit des difficultés de mobilisation. Cela, en raison même de son élargissement. Tous les Etats membres n’ont pas les mêmes problématiques.

Ainsi, le noyau dur, constitué des six Etats fondateurs véritablement logés en plein dans le sahel, ont des préoccupations autres que ceux qui se situent dans des zones au couvert végétal bien fourni, ou à accès maritime. Mais il faudra bien se parler pour avancer car le cadre au moins est déjà en place. A l’heure du bilan, pourquoi ne pas s’interroger sur la capacité de l’organisation à surmonter les contradictions qui l’assaillent ? Des leçons doivent vraiment être tirées de l’expérience de la CEN- SAD. En effet, on ne peut compter sur un seul pays pour assurer le développement harmonieux d’un si grand ensemble. Les dirigeants africains se doivent également de songer davantage à leur peuple en observant un minimum d’éthique politique. Sinon, pourquoi créer de nouvelles structures, alors qu’on pourrait plutôt travailler à renforcer les organisations qui existent ?

Après une décennie d’existence, l’espoir reste tout de même permis de voir la CEN-SAD poursuivre sa route. Les peuples du Sahel en particulier, ont beaucoup misé sur la CEN-SAD en tant qu’organisation spécifiquement tournée vers le développement d’une zone que la nature n’a pas particulièrement gâtée. Aussi faut-il préserver cette organisation des travers de la politique politicienne. Ses principaux responsables doivent surtout œuvrer de manière à la revigorer pour le bonheur des peuples africains dont elle porte les nobles ambitions. Pour ce faire, il faut savoir aller au-delà des résolutions des sommets, et surtout éviter d’hypothéquer l’avenir du continent au gré des sautes d’humeur.

"Le Pays"

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