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OPPOSITION NIGERIENNE : Une coalition contre qui ?

Publié le lundi 19 juillet 2010 à 00h28min

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D’anciens opposants au régime de l’ex-président Mamadou Tandja se sont ralliés samedi dernier à Niamey en vue de l’élection présidentielle du 3 janvier 2011. Suivant cette nouvelle alliance, les candidats des différentes formations politiques iront en ordre dispersé au premier tour du scrutin. Au second tour toutefois, la coalition unira ses forces pour soutenir le candidat le mieux placé. La coalition naissante a prévu un "programme commun de gouvernement". Les engagements sont contenus dans un "protocole d’accord" signé des chefs de 17 partis politiques.

En théorie, la formation d’une coalition résulte de la conscience que chacun des membres a des limites de ses propres forces. L’on perçoit alors la nécessité de se regrouper pour défendre des intérêts communs. La question se pose de savoir à présent contre qui ces opposants d’hier entendent-ils croiser le fer ? Dans quels intérêts ? Dans la situation présente, le Niger se prépare à vivre des moments intenses au plan politique. En effet, dans ce pays en proie à la famine et à l’analphabétisme, la démocratie avance en dépit de tout. L’an prochain, la junte conduite par le Général Salou Djibo, va devoir partir après l’installation du nouveau président de la République. Les militaires, faut-il le rappeler, ont pris des dispositions pour qu’aucun d’entre eux, aucun des membres du gouvernement nigérien actuel, ne soit candidat à la prochaine présidentielle. Il n’y aura donc pas de candidat sortant comme on en a l’habitude. Le scénario étant exceptionnel, pourquoi une coalition ?

La vie politique africaine est parfois truffée de ces incohérences ! Légitime donc pour les anciens opposants de commencer à s’agiter à quelques mois des échéances que la junte s’est elle-même imposées. La feuille de route, véritable synthèse ajustée d’une large consultation du corps social, apparaît comme une sorte de bréviaire. Chacun y puise des éléments pour nourrir ses pensées et sa stratégie de conquête du pouvoir d’Etat. En constituant un front aussi large, la coalition espère peut-être se faire entendre et pourquoi pas…intimider l’adversaire, « cet inconnu connu ».

Ce regroupement des opposants nigériens, semble s’inspirer des expériences béninoises, sénégalaises et gabonaises. Dans ces différents cas, l’opposition a cherché à colmater ses brèches à tout prix. Cette détermination a conduit à conjuguer les forces pour finalement remporter des victoires historiques. Sur un autre plan, l’effervescence qui gagne la classe politique nigérienne ne doit pas étonner. Certes, les échéances sont courtes, les régions éloignées les unes des autres, et parfois même totalement isolées du fait des intempéries propres au Sahel. Il faut se résoudre à prendre les devants dans la mobilisation. Mais les leaders de la coalition semblent plutôt obsédés par bien d’autres éléments. Comme s’ils voulaient obliger l’adversaire politique à dévoiler ses cartes. En ratissant large, ils confirment leur volonté de ne rien laisser au hasard. Peut-être se préparent-ils également à affronter des ténors de l’ancien régime ? Un éventuel héritier du régime Tandja ?

En effet, le scrutin est ouvert. Rien n’est donc exclu. Or, le régime défunt ne manquait pas de thuriféraires. Certains, encore tapis dans l’ombre, attendent peut-être de resurgir des décombres. La sortie de Tandja va certainement influencer négativement la vie de son parti. Celui-ci pourrait même éclater, à l’instar d’autres formations politiques de l’histoire des pays africains. Quitte à revenir sous une forme ou une autre. Reste à savoir quel sera son poids réel dans le Niger d’aujourd’hui ? Mais alors, qui peut bien succéder au vieux chef, après les récupérations opérées par son ancien dauphin Hama Amadou, aujourd’hui membre influent de la coalition ?

N’empêche que, née de la dynamique de lutte contre Tandja, la coalition se prépare à affronter le potentiel successeur de Tandja. Car, sur ce continent, des familles politiques ont toujours su rebondir, même après des déconfitures. Ce scénario existe dans l’histoire du Burkina Faso. Un même parti a ainsi dirigé le pays de la première à la troisième République. En prenant soin de changer de patronyme. Comme le dit l’adage : il faut éviter de dire « jamais » en politique.

Les 17 partis ayant composé la coalition sont membres de la Coordination des forces démocratiques pour la République (CFDR). La même qui avait combattu Mamadou Tandja lorsqu’il avait tenté en 2009 de se maintenir au pouvoir malgré la fin de son mandat légal. Le pays avait alors été plongé dans une crise jusqu’au coup d’Etat militaire du 18 février 2010 ayant mis fin à dix ans de règne du dictateur. Depuis lors, l’ex-président est détenu à Niamey. Parmi les principaux signataires membres de la coalition, on distingue : l’ancien président de la République (1993-1996) et ex-président du Parlement (2000-2009) Mahamane Ousmane (Convention démocratique et sociale, CDS), l’ancien Premier ministre Hama Amadou pour le compte du Moden et Mahamadou Issoufou (Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, PNDS).

Sans doute, la question des moyens se posera-t-elle au niveau de la coalition. Elle a aussi intérêt à travailler à la clarification du paysage politique nigérien. Elle dispose d’un bon scénario. Mais saura-t-elle résister à l’épreuve du terrain ? La classe politique africaine, on le sait, est traversée par toutes sortes de courants diffus, qu’attisent les mesquineries et les rivalités de toutes sortes. Le Niger n’échappe pas à la règle. Dans un passé récent, les divisions ont en grande partie conduit à l’instabilité politique dans le pays. Comme s’ils en avaient tiré des leçons, les ténors de l’ancienne opposition à Tandja entendent bien vaincre ce signe indien.

A l’approche du gâteau, la coalition sera-t-elle assez forte pour surmonter complots et intrigues qu’on a généralement plaisir à ourdir dans le dos de l’autre ? Parviendra-t-elle à préserver sa cohésion ? En attendant, par l’acte qu’elle a posé, elle confirme que la clé de l’alternance démocratique se trouve non pas dans les propos démagogiques, mais bien dans la volonté des opposants à réunir leurs forces pour désarçonner la cible commune. A condition de pouvoir identifier ensemble cette cible commune et de s’entendre sur la façon de la combattre.

"Le Pays"

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